Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Pénaliser l'achat d'actes sexuels?

Suivant les traces de la Suède et de la Norvège en la matière, la France s'engage donc à sanctionner les personnes coupables d'avoir dépensé pour obtenir des services sexuels. Évidemment, l'objectif de cette loi est louable. Ceci dit, cette loi française est anachronique et il n'est pas sûr qu'elle améliore la situation des prostitué(e)s.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Un débat fait actuellement rage en France. Dans la nuit de vendredi à samedi dernier, les députés français ont finalement adopté l'article le plus controversé d'une loi qui pénalisera dorénavant les clients de prostitué(e)s.

Suivant les traces de la Suède et de la Norvège en la matière, la France s'engage donc à sanctionner les personnes coupables d'avoir dépensé pour obtenir des services sexuels. Les personnes trouvées coupables se verront, dans un premier temps, contraintes de payer une contravention de 1500 € (2170 $) et devront par la suite acquitter la somme de 2750 € (3980 $) en cas de récidive.

Évidemment, l'objectif de cette loi est louable. L'amélioration des conditions de vie des travailleurs du sexe est souhaitable et nul ne pourrait prétendre que la prostitution est un phénomène sain en soi. L'offre de services sexuels en échange de liquidités demeure discutable et il restera toujours en nous cette empathie pour nous rappeler à quel point peut engendrer de la misère psychologique cette entreprise de marchandisation des corps.

Ceci dit, cette loi française à laquelle ont donné leur appui une majorité de députés est anachronique. Non seulement elle apparait déconnectée des réalités du terrain des prostitué(e)s, mais elle ne sera probablement pas à l'origine d'une amélioration de leur sort. Comme le souligne le blogueur Alban Ketelbuters, la prostitution volontaire ne disparaîtra jamais du globe et prétendre que la pénalisation de la demande permettra l'éradication progressive de l'offre est simplement illusoire.

Le cas présent est effectivement emblématique d'une forme de puritanisme étatique, d'une tentative démodée de normalisation de la société. Si les temps modernes sont bien caractérisés par un éros frénétique tel que l'a écrit l'essayiste Gilles Lipovetsky, les sociétés valorisent de plus en plus la sexualité. Les nationalismes semblent avoir laissé place aux pulsions collectives des peuples dont les imaginaires collectifs sont lubrifiés en permanence par un marché radicalement suggestif.

L'idéal sexuel bat son plein: les sites pornographiques n'ont jamais été aussi populaires et de plus en plus de cas étranges sont répertoriés dans les écoles où des élèves ont des rapports sexuels douteux en très bas âge. Les couples ne sont pas très fidèles, c'est le règne des MTS et la polygamie «nouveau genre» fait de plus en plus d'adeptes. L'intervention accrue de l'État dans les ruelles sombres de la République apparait quelque peu anecdotique au sein de ce climat largement marqué par l'hypersexualisation.

Autrement dit, l'État croit-il réellement s'attaquer aux «vrais» problèmes quand la cyberpédophilie fait des ravages et que des fillettes arborent, d'une manière ostentatoire, leurs strings dans les corridors des lycées ?

La répression des clients des prostituées aura surtout pour effet de reléguer dans des coins encore plus obscurs les lieux de la prostitution. L'immersion complète du plus vieux métier du monde dans l'univers de la clandestinité ne favorisera aucunement les personnes désireuses de quitter «leurs fonctions», ce qui est d'ailleurs martelé par plusieurs organismes chargés en France de protéger les prostitué(e)s tels que le Syndicat du Travail Sexuel (STRASS). Des environnements clos sur eux-mêmes ne favorisent jamais la libération de leurs captifs.

La formation d'une police sexuelle en France apparait donc paradoxale et contreproductive. Le sexisme grandissant, visant dans certaines banlieues les jeunes filles issues de l'immigration, devient une problématique majeure (comme l'a soulevé en 2003 le Rapport de la Commission Stasi) et l'on veut faire la chasse aux adultes qui payent en échange de services sexuels.

Il ne s'agit aucunement ici de chercher à dédramatiser la situation de plusieurs filles de joie qui demeure bouleversante. Il s'agit seulement d'adopter une perspective réaliste face à un phénomène séculaire et à affirmer notre réticence face à l'imposition, par une gauche caviar hypocrite, d'un modèle à suivre en matière de bonne conduite.

LIRE AUSSI SUR LES BLOGUES

- Se prostituer, ce n'est pas seulement écarter les cuisses - Manon, prostituée et porte-parole du Strass

- La prostitution, je l'ai vécue comme une suite de viols - Laurence Noelle, ancienne prostituée

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Abolition 2012, une large alliance transpartisane

Prostitution: ils veulent pénaliser les clients

Le Strass veut protéger les siens

Prostitution: ils sont contre la pénalisation des clients

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.