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La nouvelle question juive

La nouvelle question juive, c'est de déterminer jusqu'où pourront aller des critiques aussi acerbes de l'État hébreu dans l'espace public. Car bien souvent, la haine inconditionnelle de cet État camoufle malheureusement une haine inconditionnelle pour le peuple qu'il abrite.
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Les derniers affrontements entre l'armée israélienne et les forces du Hamas palestinien ont récemment conduit le monde vers un ixième débat interminable où autant des intellectuels que des stars de cinéma nous ont offert leurs points de vue sur le sujet. On discute sionisme, antisionisme, cause palestinienne et intifada.

Le peuple juif, mais particulièrement le peuple israélien, est sur toutes les lèvres. Son établissement au cœur de son territoire sacré est condamné par une majorité et défendu par une minorité. Environ 60 ans après une Seconde Guerre mondiale alimentée par l'institutionnalisation du racisme, le peuple juif suscite toujours autant de passions.

Origine du malaise

Je l'ai déjà écrit: Israël fait l'objet d'une fascination, d'un fantasme idéologique dans la plupart des milieux de gauche. Dans un plus récent article, j'écrivais grosso modo que l'antisionisme primaire obéissait à une logique manichéenne où des impérialistes sanguinaires faisaient la guerre à un peuple pacifique. Comme si traumatisé par l'expérience du nazisme, le peuple israélien servait la même médecine funeste à une population étrangère. Comme si le peuple israélien réagissait à la manière d'un enfant battu qui finit par battre sa propre progéniture.

Toutefois, l'origine du malaise tient également au fait que l'identité israélienne est à la fois religieuse et nationale. Dès les premiers jets du projet sioniste, la question était de savoir si le peuple juif pouvait dépasser ses liens strictement spirituels pour bâtir une nouvelle conscience nationale. Il ne faut pas oublier que le sionisme est né dans un contexte européen où le nationalisme florissait. Que le sionisme était plutôt laïque au début du siècle dernier et qu'il a, dans certains cas malheureusement, glissé progressivement vers certaines formes de messianisme.

Les premiers intellectuels sionistes, tels que Theodor Herlz, étaient imprégnés par la culture politique européenne et ils ont souhaité la transposer à «l'échelle juive» dès la fin du XIXe siècle. Cependant, d'autres pionniers du sionisme, tels qu'Ahad Ha'am, une figure importante de la renaissance juive en Russie, étaient persuadés qu'il fallait qu'Israël représente d'abord un centre religieux pour tous les Juifs de la planète. Ses propositions n'ont pas été complètement rejetées.

Se tromper de cible

Plusieurs personnes sont donc convaincues qu'Israël est une stricte théocratie alors que ce n'est pas si simple. Selon elles, Israël ferait preuve d'un fanatisme religieux absolu, alors que cet État est aussi traversé par une pensée libérale qui ne saurait être réduite à une quelconque religion. Paradoxe et destin d'un peuple tiraillé entre identité nationale et religieuse. Le peuple juif est un équilibriste qui se tient sur le fil ambivalent de cette réalité.

Ce n'est pas tout: depuis au moins 15 ans, dans le monde arabe, le panarabisme a été remplacé par un islamisme totalitaire. Manifestement, plusieurs de nos intellectuels ne se sont pas remis de l'époque où le nationalisme arabe faisait face à l'État hébreu. À l'époque où le général Nasser dirigeait l'Égypte (1956-1970), il était beaucoup plus facile de percevoir dans le conflit israélo-palestinien un combat strictement politique où la conscience arabe tentait de retrouver sa dignité. Mais aujourd'hui, ce n'est pas en puisant dans les quelques morceaux antisémites des textes fondateurs de l'islam que le peuple arabe redorera son blason.

Bref, nos intellectuels condamnent le sionisme à travers le prisme du gouvernement conservateur canadien, du gouvernement américain et des milieux protestants de qui ils reçoivent respectivement des appuis. Ils le condamnent aussi en évoquant la présence d'une extrême droite religieuse israélienne qui influencerait, selon eux, à elle seule le cours de la guerre actuelle. Mais ils ne perçoivent pas que les populations musulmanes avoisinantes sont aux mains de fanatiques religieux dont les obsessions sont bien pires que celles des milieux conservateurs occidentaux et israéliens.

La nouvelle question juive, c'est également de déterminer jusqu'où pourront aller des critiques aussi acerbes de l'État hébreu dans l'espace public. Car bien souvent, la haine inconditionnelle de cet État camoufle malheureusement une haine inconditionnelle pour le peuple qu'il abrite.

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