Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

L'essor de l'internet des objets et l'arrivée de la société du coût marginal zéro

Dans les décennies à venir, le volume d'énergie que nous utilisons pour chauffer nos maisons, conduire nos véhicules, faire fonctionner nos appareils, nos entreprises et l'ensemble de l'économie mondiale sera généré à un coût marginal proche de zéro et ne nous coûtera pratiquement rien.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Cet essai est le deuxième d'une série de quatre sur le thème de la troisième révolution industrielle. Arianna Huffington en a signé l'avant-propos. La première partie est consultable ici. Ne manquez pas les prochains chapitres, et les réponses apportées par des experts et technologues internationaux.

Dans les décennies à venir, le volume d'énergie que nous utilisons pour chauffer nos maisons, conduire nos véhicules, faire fonctionner nos appareils, nos entreprises et l'ensemble de l'économie mondiale sera généré à un coût marginal proche de zéro et ne nous coûtera pratiquement rien. C'est déjà le cas pour plusieurs millions d'adeptes dans l'Union européenne qui, en transformant leurs maisons et leurs commerces en microcentrales, récoltent de l'énergie renouvelable. L'Allemagne, dont quelque 25% des besoins en électricité sont actuellement couverts par des énergies renouvelables, a pour objectif de faire passer ce taux à 35% d'ici à 2020.

Si le développement des énergies renouvelables s'accélère, c'est en grande partie grâce à la chute des prix des énergies solaire et éolienne. Pendant plus de vingt ans, les coûts fixes de ces technologies ont connu des courbes exponentielles, parallèles à celle de l'informatique. En 1977, la production d'un seul watt d'énergie solaire tournait autour de 100 dollars CA. Au dernier trimestre 2012, ce coût était de 64 cents et il devrait atteindre 47 sous en 2017. Une fois amortis les frais fixes d'installation -ce qui prend deux à huit ans en moyenne-, le coût marginal de l'énergie récoltée est presque nul. Contrairement aux combustibles fossiles et à l'uranium nécessaire à l'énergie nucléaire, dont la production est elle-même coûteuse, le soleil collecté sur les toits et le vent qui souffle le long des immeubles sont gratuits. Dans certaines régions d'Europe et d'Amérique, on trouve déjà des énergies solaire et éolienne aussi bon marché, voire moins chères, que celle provenant de combustibles fossiles ou du nucléaire.

L'impact du solaire et de l'éolien à un coût marginal proche de zéro sur la société est d'autant plus important quand on considère l'énorme potentiel de ces sources d'énergie. La puissance du rayonnement solaire sur Terre est de 470 exajoules toutes les 88 minutes, soit la quantité d'énergie consommée par l'ensemble de l'humanité en un an. Si l'on pouvait capter ne serait-ce que 0,1% de ces rayonnements, cela nous fournirait six fois l'énergie nécessaire à l'économie mondiale. Tout comme les rayons solaires, le vent souffle partout dans le monde, quoique sa force et sa fréquence varient. Une étude de l'université de Stanford sur la puissance éolienne mondiale révèle que si 20% de cette énergie était récoltée, elle fournirait plus de sept fois la quantité d'énergie dont nous avons besoin pour faire fonctionner l'économie mondiale. L'internet des objets permettra aux entreprises et aux "prosommateurs" de garder un œil sur la consommation énergétique de leurs immeubles et d'optimiser leur efficacité dans ce domaine, mais aussi de partager le surplus d'énergie verte générée sur place avec d'autres pays et continents.

L'internet de l'énergie repose sur cinq piliers essentiels qui doivent fonctionner de concert pour que le système soit efficace.

1. Les bâtiments et autres infrastructures devront être rénovés et modernisés pour les rendre plus performants sur le plan énergétique afin de pouvoir fonctionner grâce à des technologies d'énergie renouvelable - solaire, éolienne, etc. - capables de générer de l'électricité pour un usage immédiat ou pour la redistribuer sur le réseau électrique.

2. Des objectifs ambitieux doivent présider au remplacement des combustibles fossiles et de l'énergie nucléaire par des sources d'énergie renouvelable. Il faut, pour ce faire, inciter les précurseurs à transformer leurs entreprises et propriétés en micro-unités de production grâce à des tarifs de rachat garantissant un prix supérieur à la valeur du marché pour les énergies renouvelables produites localement et redistribuées sur le réseau électrique.

3. Les technologies de stockage, dont les piles à hydrogène, les batteries, le pompage de l'eau, etc., doivent être intégrées aux sites de productions locaux et au réseau électrique afin de gérer aussi bien le flux intermittent d'électricité verte que la stabilisation des charges de pointe et de base.

4. Chaque bâtiment sera doté de compteurs et d'autres technologies numériques sophistiqués pour que le réseau électrique bénéficie d'une connectivité numérique plutôt que servomécanique, de manière à gérer les multiples sources d'énergie générées par les producteurs locaux. Grâce à des infrastructures de distribution intelligente, les utilisateurs d'électricité passeront du statut de consommateurs passifs à celui de producteurs actifs de leur propre électricité verte, qu'ils pourront employer hors réseau pour gérer leurs installations ou revendre à l'internet de l'énergie.

5. Équipée d'une borne de recharge, chaque place de stationnement pourra garantir l'alimentation des véhicules électriques et équipés de pile à combustible grâce à l'internet de l'énergie ou bien revendre sa production au réseau électrique. Ces millions de véhicules électriques et équipés de pile à combustible connectés à l'internet de l'énergie constituent également un important dispositif de stockage de sauvegarde capable de redistribuer l'électricité au moment des pics de demande, quand le prix de l'électricité est au plus haut, allouant ainsi aux propriétaires desdits véhicules une indemnisation adéquate pour leur contribution au réseau.

La mise en place et l'intégration de ces cinq piliers font ainsi du réseau électrique un système de distribution décentralisé, et transforment la production de combustibles fossiles et d'énergie nucléaire en énergies renouvelables. Chaque entreprise, chaque quartier, chaque propriétaire sont alors en mesure de devenir producteurs d'électricité et de partager son surplus sur un internet de l'énergie intelligent qui commence à s'étendre à travers nations et continents.

electric car charging station

Une borne de recharge électrique dans le Maine. (Whitney Hayward/Portland Press Herald via Getty Images)

La démocratisation de l'énergie oblige les compagnies d'électricité à repenser leurs pratiques commerciales. Il y a dix ans, quatre géants verticalement intégrés -E.ON, RWE, EnBW et Vattenfall- fournissaient la majorité de l'électricité consommée en Allemagne. Aujourd'hui, ces entreprises ne sont plus les arbitres attitrés de la production d'énergie. Ces dernières années, des coopératives électriques appartenant à des agriculteurs, des citadins, des petites et moyennes entreprises ont essaimé sur tout le territoire. Elles ont quasiment toutes réussi à obtenir des prêts à taux réduit auprès des banques pour installer des panneaux solaires, des éoliennes et d'autres sources d'énergie renouvelable. Sachant que le prix élevé auquel les coopératives allaient revendre leur électricité verte couvrirait le remboursement des prêts, les banques ne se sont pas fait prier. Aujourd'hui, la majorité de l'électricité verte alimentant l'Allemagne est ainsi produite par des petits acteurs regroupés en coopératives.

Bien qu'elles aient su produire à bas prix de l'électricité générée par les combustibles fossiles et le nucléaire, ces compagnies verticalement intégrées se sont avérées incapables de rivaliser avec les coopératives locales, mieux adaptées à la gestion de l'énergie exploitée par des milliers de petits acteurs au sein de vastes réseaux collaboratifs. Peter Terium, directeur général de RWE, a indiqué à Reuters que l'Allemagne connaît une modification radicale de sa distribution d'énergie, désormais décentralisée, et que les sociétés de services et d'énergie plus importantes doivent "se faire à l'idée qu'à long terme leur capacité de production classique d'électricité sera nettement inférieure à ce que l'on a vu au cours des dernières années".

Conscients de cette nouvelle réalité, un nombre croissant de grands producteurs d'électricité modifient leurs modèles en fonction de l'internet de l'énergie. Leurs revenus sont en effet appelés à dépendre de plus en plus de l'édification et de l'exploitation de cet internet, qui gérera la consommation énergétique de leurs clients. En analysant les mégadonnées des chaînes de valeur de leurs clients, les fournisseurs créeront des algorithmes et des applications leur permettant d'augmenter leur efficacité énergétique globale et leur productivité, tout en réduisant leur coût marginal. Leurs clients, en retour, partageront les gains d'efficacité et de productivité avec les compagnies d'électricité sous forme de "contrats de performance". En gros, les entreprises gagneront à gérer la consommation d'énergie de façon plus efficace, et à vendre moins d'électricité.

L'internet automatisé du transport et de la logistique piloté par GPS

Le maillage de l'internet de la communication et de celui de l'énergie rend possible le déploiement à grande échelle de l'internet du transport et de la logistique automatisés. Dans une économie de troisième révolution industrielle, la plateforme de l'internet des objets, sur laquelle reposent la gestion, l'exploitation et le transport des biens, se trouve à la croisée de ces trois internets. L'internet automatisé du transport et de la logistique est composé de quatre piliers essentiels dont le fonctionnement doit être simultané, comme pour l'internet de l'énergie, afin d'assurer la bonne marche du système.

1. Comme indiqué précédemment, le territoire doit être uniformément équipé de bornes de recharge pour alimenter les voitures, autocars, bus et camions ou redistribuer l'électricité sur le réseau.

2. Il faut que les réseaux logistiques soient dotés de capteurs capables de transmettre aux usines, entrepôts, grossistes, détaillants et utilisateurs des données précises sur les flux logistiques qui affectent leur chaîne de valeur.

3. Afin de passer n'importe quel nœud et d'emprunter tous les corridors, le stockage et le transport des biens physiques devront être uniformisés pour exploiter l'ensemble du système logistique, de la même façon que l'information circule facilement et de manière efficace sur la toile.

4. En formant des réseaux collaboratifs où chacun apportera son savoir-faire au sein d'un espace partagé, les opérateurs présents le long de ces couloirs logistiques seront en mesure d'optimiser le transport des marchandises en tirant profit des économies d'échelle transversales. Des milliers d'entrepôts et de centres de distribution pourront ainsi mettre en place des coopératives pour occuper les espaces inutilisés et offrir aux transporteurs la possibilité d'assurer leurs livraisons en utilisant le chemin le mieux adapté à leur destination.

hong kong port

Les porte-conteneurs Josco View (Hong Kong) et Mol Earnest (Panama) naviguent dans les eaux du port de Yokohama, au sud-ouest de Tokyo. (AP Photo/Koji Sasahara)

La plateforme de l'internet des objets fournira des données logistiques en temps réel sur les horaires de ramassage et de livraison, les conditions météo, le trafic et les informations de dernière minute concernant les capacités de stockage des entrepôts. En utilisant les mégadonnées et les outils d'analyse à sa disposition, la répartition automatisée pourra créer des algorithmes et des applications destinés à assurer l'optimisation de son efficacité globale tout au long des itinéraires logistiques. Ce faisant, elle augmentera de façon spectaculaire la productivité tout en réduisant le coût marginal de chaque livraison.

D'ici à 2025, certaines des livraisons terrestres, ferroviaires et maritimes se feront par l'intermédiaire de véhicules sans conducteur, électriques ou à pile à combustible, alimentés par des énergies renouvelables pour un coût marginal presque nul et gérés par des outils d'analyse et des algorithmes de plus en plus sophistiqués. Avec un internet automatisé du transport et de la logistique, le transport sans conducteur augmentera la productivité et rendra quasiment nul le coût marginal du travail engendré par l'expédition des marchandises.

La mise en place d'un internet automatisé du transport et de la logistique modifiera notre vision même de la mobilité. Bien qu'il soit encore balbutiant, il permet aux jeunes d'aujourd'hui de profiter des technologies de communication mobiles et du guidage par GPS pour se mettre en lien avec des conducteurs au sein de services de covoiturage. Les jeunes privilégient "l'accès à la mobilité" plutôt que l'achat d'un véhicule. À l'ère de la mobilité automatisée et intelligente, les prochaines générations pourraient bien ne plus jamais être propriétaires de véhicules. En étudiant les schémas de la mobilité à Ann Arbor, ville américaine moyenne, l'ex-vice-présidente de General Motors, Larry Burns, aujourd'hui professeur à l'université du Michigan, s'est rendu compte que si l'on choisissait de recourir au covoiturage plutôt que de posséder une voiture, on pouvait réduire de 80% le coût du kilomètre. Il s'est également aperçu qu'un "parc automobile partagé fournit pratiquement un accès instantané à la mobilité avec une quantité de véhicules ne représentant que 15% du nombre de véhicules privés nécessaires pour effectuer ces trajets."

traffic jam smog

Embouteillages dans le smog de Beijing. (ChinaFotoPress via Getty Images)

On estime à au moins un milliard le nombre de voitures, bus et camions qui circulent actuellement dans le monde. En brûlant de grandes quantités d'essence, ils contribuent largement au réchauffement climatique. Les véhicules équipés de moteur à combustion interne ont constitué la pièce maîtresse de la deuxième révolution industrielle, et leur production de masse a dévoré une grande partie des ressources naturelles de la planète. L'étude de Larry Burns laisse entrevoir la disparition d'un grand nombre de véhicules aujourd'hui en service grâce à l'adoption généralisée du covoiturage par la prochaine génération. Ne restera que le transport électrique et par pile à combustible, alimenté par des énergies renouvelables à un coût marginal presque nul. Ces véhicules partagés et sans conducteur se déplaceront sur un réseau routier intelligent et automatisé.

La transition à long terme vers une mobilité liée aux véhicules sans conducteur sur un réseau routier intelligent, au détriment de l'achat de véhicules par les particuliers, modifiera radicalement le modèle économique de l'industrie du transport. Les fabricants automobiles du monde entier étant appelés à produire moins de véhicules ces trente prochaines années, ils se repositionneront sans doute sur le créneau de l'internet mondial automatisé, dont ils géreront les services du transport et de la logistique.

L'interconnexion de l'internet de la communication, l'internet des énergies renouvelables et l'internet automatisé du transport et de la logistique deviennent le cœur d'une infrastructure cognitive planétaire de l'internet des objets. Cette nouvelle plateforme numérique modifie considérablement la façon dont nous gérons, exploitons et faisons évoluer l'activité économique à travers les nombreuses chaînes de valeur et réseaux qui constituent l'économie mondiale. La plateforme numérisée de l'internet des objets est la pièce maîtresse de la troisième révolution industrielle.

La production décentralisée

L'internet des objets et l'avènement de la troisième révolution industrielle transformeront à peu près toutes les industries. On voit par exemple apparaître, au sein de cet internet des objets balbutiant, une nouvelle génération de microfabricants qui commencent -grâce à l'augmentation sensible de leur productivité et la réduction de leurs coûts marginaux- à devancer les entreprises internationales, verticalement intégrées, que l'on croyait invincibles. Leur atout? L'impression 3D, modèle de production typique de l'économie de l'internet des objets.

L'impression 3D consiste à façonner, au moyen d'un logiciel, une matière première en fusion à l'intérieur d'une imprimante pour construire, couche après couche, un produit solide et créer un objet entier, parfois composé d'éléments mobiles. Tel le "synthétiseur" de Star Trek, l'imprimante peut être programmée pour fabriquer une variété infinie de produits. On lui doit déjà des articles de joaillerie, des composants d'avions, des prothèses et même des pièces de voitures et de bâtiments. Les imprimantes bon marché sont achetées par des amateurs désireux d'imprimer leurs propres objets et pièces détachées. Au fur et à mesure que les gens deviennent à la fois producteurs et destinataires de leur propre production, le consommateur commence à céder la place au "prosommateur".

L'impression tridimensionnelle diffère de la production centralisée traditionnelle à plusieurs égards. Pour commencer, l'humain n'intervient que très peu, hormis lors de la création du logiciel. Ce dernier faisant tout le travail, il est plus juste de parler d'infoproduction que de production.

3d printed building

Des touristes visitent des maisons imprimées en 3D dans le parc industriel de Suzhou en Chine. (ChinaFotoPress via Getty Images)

Les premiers utilisateurs de l'impression 3D se sont arrangés pour que le logiciel de programmation et d'impression demeure libre de droits afin que les prosommateurs puissent échanger de nouvelles idées dans les forums de bricoleurs. Ce concept d'innovation ouverte envisage la production de biens comme un processus dynamique au cours duquel des milliers - voire des millions - d'acteurs apprennent mutuellement en fabriquant des choses ensemble. La suppression de la propriété intellectuelle réduit nettement le coût d'impression des produits et donne à l'impression 3D un avantage sur les entreprises de production traditionnelles, obligées de répercuter le coût de myriades de brevets. Le modèle de production en open source a généré une croissance exponentielle.

L'impression 3D est tout à fait différente du processus de production inhérent aux première et deuxième révolutions industrielles. La production en usine traditionnelle est un procédé soustractif au cours duquel les matériaux (dont une grande quantité est inutilisée et donc gâchée) sont découpés, séparés, puis assemblés pour former l'objet fini. L'impression 3D, en revanche, est une infoproduction additive. Le logiciel guide la matière en fusion, couche après couche. Cette infoproduction utilise un dixième des matériaux nécessaires à la production soustractive, donnant ainsi une longueur d'avance à l'imprimante 3D en matière d'efficacité et de productivité. L'impression 3D devrait connaître un rythme de croissance extraordinaire.

En impression 3D, il n'est pas nécessaire d'investir dans un coûteux réoutillage, source de délais, puisque les imprimantes peuvent fabriquer leurs propres pièces détachées. Comme elles permettent également une personnalisation des objets, il est possible de créer à moindre coût des pièces uniques ou produites en faibles quantités, à la demande. Les usines centralisées, avec leurs économies d'échelle à forte intensité de capital et leurs chaînes de production fixes conçues pour la production de masse, n'ont pas la souplesse voulue pour rivaliser avec ce procédé capable de créer un produit personnalisé quasiment au même coût unitaire que pour 100 000 exemplaires du même article.

Si l'on veut faire de l'impression 3D un procédé réellement local et autosuffisant, il faut disposer, sur place, d'un stock suffisant de matière première. Staples - le spécialiste des fournitures de bureau - a présenté dans son magasin d'Almere, aux Pays-Bas, une imprimante 3D, fabriquée par Mcor Technologies, dont la matière première est constituée de papier bon marché. Le procédé, appelé laminage par dépôt sélectif, imprime en couleur des objets solides dont le toucher évoque celui du bois. Les imprimantes 3D sont utilisées pour infofabriquer des produits artisanaux, des créations architecturales et même des modèles chirurgicaux pour la reconstruction faciale. L'alimentation en papier représente à peine 5% du coût du matériau précédent. D'autres imprimantes 3D se servent de plastique recyclé, ou d'objets en papier ou en métal pour un coût marginal presque nul.

Quiconque possède une telle imprimante peut aussi alimenter son propre laboratoire de production en électricité verte, provenant d'énergie renouvelable produite sur place ou générée par des coopératives locales. Les petites et moyennes entreprises, en Europe et ailleurs, commencent déjà à collaborer pour profiter de ces économies d'échelle transversales. Le prix des énergies fossiles et nucléaires centralisées ne cessant d'augmenter, ces entreprises constatent l'avantage d'alimenter leurs usines en énergies renouvelables dont le coût marginal est, encore une fois, pratiquement nul.

On assiste aussi, dans l'économie de l'internet des objets, à une baisse considérable des coûts du marketing. Le montant prohibitif des communications centralisées - dans les magazines, les journaux, à la radio et la télévision - au cours des première et deuxième révolutions industrielles a eu pour effet de limiter aux entreprises les plus grosses la publicité sur les marchés nationaux et internationaux. Dans la troisième révolution industrielle, et pour un coût marginal proche de zéro, une petite opération d'impression 3D n'importe où dans le monde suffit pour faire la publicité des articles infoproduits, sur des sites de marketing toujours plus nombreux.

3d printed prosthetic

Une prothèse de bras imprimée en 3D est ajustée à un patient à Okayama, au Japon. (Trevor Williams/Getty Images)

L'intégration d'une infrastructure de l'internet des objets au niveau local donne aux petits infoproducteurs un avantage déterminant sur les entreprises centralisées et verticalement intégrées des XIXe et XXe siècles: l'alimentation de leur parc de véhicules propres leur permet de réduire sensiblement les frais logistiques tout au long de la chaîne d'approvisionnement et lors de la livraison des produits.

La révolution de la nouvelle impression 3D est un exemple "d'extrême productivité". En raison de la nature décentralisée de la production, n'importe qui, et finalement tout le monde, peut avoir accès aux moyens de production. Dès lors, et pour un nombre croissant de produits, la question de savoir qui devrait les détenir et les contrôler ne se pose plus.

Bon nombre d'entreprises industrielles européennes continueront à prospérer, mais elles seront profondément transformées par la démocratisation de la production, synonyme de renaissance high-tech pour les petites et moyennes entreprises. Les géants européens de la production devront former de plus en plus de partenariats avec les petites et moyennes entreprises d'impression 3D nouvelle génération au sein de réseaux collaboratifs. Alors qu'une grande partie de la production sera effectuée par des PME pouvant tirer profit des gains de productivité et d'efficacité engendrés par les économies d'échelle transversales, les grandes entreprises se tourneront pour leur part vers le regroupement, l'intégration et la gestion du marketing et de la distribution des produits.

La nature peer-to-peer de l'internet des objets permet à des millions d'acteurs divers -- petites et moyennes entreprises, organismes caritatifs et particuliers - de s'unir, produire et échanger des biens et services en supprimant les intermédiaires responsables du maintien de coûts marginaux élevés lors de la deuxième révolution industrielle. Cette réorganisation fondamentale de l'activité économique laisse présager un véritable tournant dans le flux de la puissance économique d'un petit nombre vers les masses, pour une démocratisation de la vie économique.

Il est important de souligner que, loin de s'opérer du jour au lendemain, la transition entre la deuxième et la troisième révolution s'étendra sur trente à quarante ans, au minimum. La plupart des multinationales actuelles la géreront avec succès en adoptant les modèles économiques collaboratifs décentralisés de la troisième révolution industrielle, tout en maintenant leurs pratiques commerciales héritées de la deuxième. Dans les années à venir, les entreprises capitalistes auront sans doute intérêt à intégrer et gérer des réseaux transversaux plutôt que de vendre des produits et services sur des marchés verticalement intégrés.

Jeremy Rifkin est l'auteur de "La nouvelle société du coût marginal zéro: l'internet des objets, l'émergence des communaux collaboratifs et l'éclipse du capitalisme" (traduction de Paul Chemla). Il est consultant auprès de l'Union européenne et des chefs d'État du monde entier, et président de la Fondation sur les tendances économiques, à Washington. Pour de plus amples informations, rendez-vous sur le site The Zero Marginal Cost Society.

Ce billet de blogue, publié à l'origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Catherine Biros pour Fast for Word.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Une machine à écrire connectée à Twitter

Des appareils vintage remis au goût du jour

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.