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Comment ma fille fait ce qu'elle veut de moi

Finalement, moi qui me rêve très libéral sur le plan des mœurs et de la famille, je constate la difficulté de mener de front une vie privée, professionnelle et personnelle, sans que ça devienne le bordel monstre en quelques mois.
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Pour la première fois depuis la naissance de ma fille, j'expérimente la vie loin d'elle. Par obligation professionnelle, j'habite à deux heures de chez moi et je retrouve une vie «normale» chaque week-end. C'est dur. Surtout quand, comme moi, on s'est habitué à s'en occuper seul pendant des mois. Le choc a été violent. Je ne l'imaginais pas. Finalement, moi qui me rêve très libéral sur le plan des mœurs et de la famille, je constate la difficulté de mener de front une vie privée, professionnelle et personnelle, sans que ça devienne le bordel monstre en quelques mois.

Bref. Avec le recul, je suis heureux d'avoir noué cette relation avec ma fille. Dès la naissance, je m'en suis beaucoup occupé. Et je sais que beaucoup de choses se créent à ce moment-là, un lien se tisse et il est très difficile de le défaire ensuite. Voilà pour le décor. Je peux maintenant vous raconter les misères que je subis chaque week-end quand je retrouve la famille, après une semaine de travail épuisante.

Samedi dernier, j'ai décidé naïvement d'aller me promener avec ma fille qui vient d'avoir seize mois. Imaginez le sud, des paysages sublimes, des montagnes et des cailloux à perte de vue, et donc des longues montées pour accéder à cette vision paradisiaque d'une nature réconciliée avec l'être humain, c'est-à-dire moi-même. Encore plus naïvement, j'imagine alors que ma fille va marcher, tranquillement, dans la même direction que la mienne. Je la pose. Elle fait trois pas. S'arrête pour ramasser un baton. Puis un caillou. Et décide de manger des grappes entières de cailloux! «OH MAIS QUE FAIS-TU LÀ ?? LES CAILLOUX ÇA NE SE MANGE PAS», fais-je très calmement, expliquant à quel point il est meilleur de déguster un pot au feu ou un plat de lasagnes végétariennes faites maison plutôt qu'une poignée de cailloux directement issus de la terre sur laquelle nous marchons.

Nous reprenons notre chemin. Ma fille marche lentement mais c'est normal, elle est encore jeune, dans une phase d'apprentissage et de découverte qu'il convient de ne pas stopper brutalement. Alors je la laisse. Vingt minutes après le début de promenade et alors que nous avons fait environ 40 mètres depuis la maison (notre lieu de départ), je décide enfin de perdre patience et de prendre ma fille sur les épaules. «Alors ça va là-haut? Tu as une belle vue?» Comme nous sommes seuls, je ne vois pas sa réaction, mais j'imagine qu'elle admire les paysages et profite du spectacle extraordinaire qui lui est donné d'observer. «C'est inspirant, n'est-ce pas?».

Je me laisse faire: c'est grave docteur?

Visiblement, pas assez pour la contenter, puisqu'après trois minutes de marche rapide (qui nous a permis d'avancer de 200 mètres supplémentaires), ma fille prend la brusque décision de m'arracher les cheveux en hurlant. Des cris impossibles à retranscrire ici mais qui signifiaient, en gros, qu'elle se faisait chier sur mes épaules. Malgré la douleur, je n'ai pas réagi. Je l'ai laissé faire. J'ai certes un peu protesté, mais que pouvais-je faire d'autre? Puis après dix minutes, j'ai abandonné l'idée de promener plus longtemps et nous sommes rentrés à la maison, où j'ai dû lire pour la 36e fois l'histoire d'Abracadanoir avant de faire, seul, le puzzle Pocahontas de 200 pièces que ma fille exige que je termine sous peine de hurler encore plus fort.

Quand j'ai raconté cette scène à ma mère, elle s'est contentée de me dire que j'étais déjà comme ça plus jeune. Face à mon petit frère dont j'étais l'aîné de 8 ans, je me laissais faire. J'achetais la paix sociale et ne protestais que mollement lorsqu'il venait démolir mes constructions de Kappla monumentales (oui, je viens d'une famille de gauche). Je criais mais jamais ne répliquais. Je laissais ce monstre détruire ce produit fantastique de mon imagination débordante; et voilà qu'aujourd'hui, je me laissais également griffer le visage, tirer les cheveux, sans qu'aucune réaction sévère ne puisse sortir de ma bouche.

Est-ce lié au fait que j'habite à deux heures de ma fille? Et que je ne la vois que les week-ends? Il semblerait bien que je prenne désormais plaisir à ce qu'elle me tire les cheveux. Espérons qu'elle en perdra l'habitude en grandissant. C'est le seul espoir qui me fait encore tenir...

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