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Guerre, sécurité et changement climatique

Les situations politiques et les guerres moyen-orientales sont traversées de façon sous-jacente par des tensions profondes liées à l'énergie, à l'eau et aux évènements climatiques extrêmes.
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Les situations politiques et les guerres moyen-orientales sont traversées de façon sous-jacente par des tensions profondes liées à l'énergie, à l'eau et aux évènements climatiques extrêmes. L'Arctique connaît une transformation géophysique rapide et profonde, indissociable de d'évolutions géopolitiques, stratégiques et militaires rapides et radicales. Aux États-Unis, la nouvelle Orléans a été dévastée en 2005 par l'ouragan Katrina et en 2012, New-York et le New Jersey ont été lourdement impactés par la « Perct Storm"Sandy.

Ces phénomènes s'inscrivent dans le large spectre des effets sociaux, politiques, économiques, stratégiques, liés au changement climatique et de sa montée en puissance globale (GIEC, cinquième rapport, 2014). Le changement climatique, d'une ampleur et d'une rapidité sans équivalent tant dans l'histoire de l'atmosphère que dans celle de l'humanité, impacte, dans le monde entier, les conditions de vie les plus fondamentales des sociétés contemporaines, dont, entre autres, le cycle de l'eau, la production agricole et alimentaire, les infrastructures et, plus généralement, la globalisation.

C'est ainsi que la géophysique du climat devient une question de sécurité nationale pour de nombreux pays, dont en particulier, les États-Unis, véritables « pionniers » de la préparation aux effets stratégiques et militaires du climat.

En février 2015, la Maison Blanche publie la nouvelle « US National Security Strategy (NSS 2015) », document publié tous les quatre ans, visant, au plus haut niveau politique qui soit, à définir les grands axes politiques de la défense et de la sécurité américaine, et qui établit, comme la précédente « NSS » en 2010, la nécessité pour les États-Unis de se « confronter au changement climatique ».

Cette mobilisation politique va de pair avec celle de l'armée américaine depuis 2003 et la « fuite » d'un document de recherche du Pentagone sur les effets possibles d'un « changement climatique rapide sur la Sécurité nationale ». Puis, la destruction de la Nouvelle-Orléans par l'ouragan Katrina a causé une brutale prise de conscience au sein de l'armée et des services de sécurité (Gwynn Dyer, Climate Wars, 2010). Durant les trois premiers jours de la catastrophe, les services de sécurité n'ont pu entrer dans la ville, alors que la détresse des habitants transformés en « naufragés urbains » réfugiés sur les toits de leur ville transformée en archipel, était diffusée en direct sur les télévisions du monde entier, amenant la Maison Blanche à embaucher les services de « Black Water », compagnie de sécurité privée spécialisée dans le mercenariat.

Ce moment d'impuissance d'une très grande puissance militaire face un événement climatique extrême sur son propre sol a amené les militaires américains, de même que le Congrès et les grandes agences de renseignement, dont la NSA et la CIA, à approfondir leur recherche sur les effets sécuritaires du changement climatique et sur leur capacité d'adaptation à cette nouvelle réalité.

Cette adaptation se traduit notamment par la volonté du Pentagone, de l'US Army, de l'US Navy, particulièrement sensible à la vulnérabilité des bases navales à la montée des eaux et à l'intensification des tempêtes, de l'Air Force, des grands commandements opérationnels, d'être en mesure de s'adapter au changement climatique, afin de pérenniser la dominance militaire US.

Cette préoccupation s'inscrit aussi dans la volonté des militaires américains d'intégrer la philosophie du développement durable dans les fonctionnements mêmes du « US Department of Defense ». Ainsi, pendant la guerre d'Irak, de nombreuses bases de l'US Army ont elles été converties à l'emploi de l'énergie solaire et à l'efficacité énergétique, afin de réduire leur dépendance aux convois de ravitaillement, cibles aisées pour les guérillas irakiennes.

Le retour des forces armées US sur le sol américain a permis l'investissement de cet immense capital d'expérience sur le territoire américain. Le pentagone est désormais engagé dans un vaste programme de transition énergétique des bases américaines (Department of Defense Energy Programs, http://www.nrel.gov/defense/). De même, l'US Navy dédie une flotte entière, surnommée « the Great Green Fleet » aux expérimentations de biocarburants et d'efficacité énergétique.

En d'autres termes, l'armée américaine fait du développement durable un outil dans sa quête d'indépendance énergétique et d'adaptation changement climatique (Valantin, Guerre et Nature, 2013).

Dans la même dynamique, le Pentagone étudie la façon dont le changement climatique affecte les régions du monde importantes du point de vue stratégique, dont le Moyen-Orient, particulièrement sensible au stress hydrique, ou à l'Arctique, dont le réchauffement rapide rend possible d'accéder aux ressources minières et énergétiques, dont les réserves de pétrole et de gaz, qui pourraient atteindre respectivement 13% et 30% des réserves mondiales.

L'Arctique devient ainsi un immense attracteur politique et stratégique, qui déclenche une nouvelle compétition, notamment en termes de présence militaire, au point les forces navales russes réhabilitent et créent de nouvelles bases au large de la Sibérie, tandis que la Chine vient d'obtenir le statut d'observateur permanent au Conseil de l'Arctique, tout en se dotant d'un premier brise-glace nucléaire (Valantin, The Arctic Power Race : The New Great Game, The Red Team Analysis Society, 2013), et que le Pentagone étudie les nouveaux moyens d'intervention adaptés à cet environnement extrême.

Enfin, sur le « front » de la sécurité intérieure, les évènements climatiques extrêmes, comme la multiplication des tornades, les inondations du Colorado en 2012, les incendies géants de Californie de 2013, la sécheresse géante du Midwest qui dure depuis plusieurs années, et les « polar vortex » de 2014 et de 2015, installent la Sécurité intérieure, la Garde nationale et les services de réponse aux urgences en état de mobilisation permanente, tous membres de la communauté de la « National security ».

De la pression croissante du changement climatique sur l'appareil américain de sécurité nationale émerge une nouvelle culture stratégique, fondée sur l'expérience et sur la compréhension des enjeux politiques et stratégiques liés au climat, afin de pouvoir maintenir, à court et moyen terme, la dominance stratégique américaine.

Cependant, le succès de ce projet est largement dépendant de l'intensité et du rythme du changement climatique à venir et de la robustesse et de la résilience de la société et de l'économie américaine, dont est issue la « US National security ».

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