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Dépression des pilotes: le système actuel favorise la dissimulation

Le système actuel favorise la dissimulation. C'est ce qui semble s'être passé dans le cas d'Andreas Lubitz. Qu'on cesse l'hypocrisie et que tout le monde se retrousse les manches pour aider les pilotes qui volent en ce moment même, et on besoin d'être aidés.
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Depuis que l'enquête se focalise sur la personnalité du copilote responsable crash de l'A320 de GermanWings dans les Alpes cette semaine, on parle beaucoup dans les médias des tests psychologiques que subissent les futurs pilotes et copilotes. Au-delà de ces tests, tant vantés en ce moment par le PDG de la Lufthansa, c'est bien de psychiatrie qu'il faut parler. Mais au contraire, les défaillances psychiatriques du personnel navigant sont cachées, ignorées. Il y a un véritable tabou sur ces questions, particulièrement dans l'aéronautique.

Une amie psychiatre s'est spécialisée dans les problèmes qui affectent le personnel navigant. Elle s'est rendue compte que la prévalence des problèmes psychiatriques est similaire chez les pilotes et copilotes à celle de la population générale.

La vérité derrière tout ça c'est que les pilotes sont sous une épée de Damoclès: une ou deux fois par an selon les compagnies, ils passent une visite médicale. S'ils échouent, leur vie professionnelle s'arrête: leur licence leur est enlevée et il ne peuvent plus travailler. Certains sont assurés en cas de perte de licence pour raison médicale, mais les autres ? Ce sont des gens normaux, ils ont une famille, une maison, un crédit. Si on leur retire leur licence, c'est terminé.

Dans la population générale, les problèmes psychiatriques sont tabous. Alors, imaginez dans un métier avec un tel degré de responsabilité.

Il faudrait, je pense, sensibiliser les professionnels du domaine et leur entourage, augmenter leurs connaissances de ce type de problème qui peut se soigner, à condition que ces problèmes soient perçus, à condition de ne pas être dans le déni.

Il faudrait également sanctuariser la licence du pilote. Oui les maladies psychiatriques, les dépressions peuvent arriver. Mais il faut dire aux pilotes: « On va vous retirer temporairement votre licence le temps que vous soyez traités, mais vous serez protégés ». Aujourd'hui, le pilote se cache, jusqu'à ce qu'il explose... Demain, après ce qui vient de se passer chez Germanwings, quel pilote va aller voir son médecin du travail pour lui dire « je fais une dépression, je ne me sens pas bien » ?

Nous faisons un métier a haute responsabilité, stressant, et qui a une certaine image. Les compagnies aériennes la renforcent avec l'uniforme du pilote, qui est fait pour donner une image de personne extrêmement équilibrée, professionnelle, mature, capable d'assumer ces responsabilités. Derrière tout cela, il y a des enjeux commerciaux bien sûr. Aujourd'hui il faut que l'on reconnaisse que derrière cette image la, les personnels navigants sont des gens normaux, qui ont des problèmes médicaux, des problèmes personnels, des problèmes professionnels. Il faut que ce tabou tombe, que le personnel ai accès à du support pour des problèmes qu'il rencontre, sérieux ou non. Il faut qu'on arrête de stigmatiser les problèmes psychiatriques. Aujourd'hui, entre collègues, on ne s'en parle pas, car on se dit qu'il y en a toujours un qui le rapportera...

En parlant avec mon amie psychiatre, je me disais: « il va se passer quelque chose. Ce n'est qu'une question de temps, ces questions vont ressurgir et faire la une ». Ce qui s'est passé est épouvantable, et je ne m'attendais pas à un acte délibéré, plutôt à des erreurs d'attention liées au stress, à la dépression. Aujourd'hui, cela semble avoir dépassé de loin ce que j'avais anticipé. Il faut que cela change, car le système actuel favorise la dissimulation. C'est ce qui semble s'être passé dans le cas d'Andreas Lubitz. Qu'on cesse l'hypocrisie et que tout le monde se retrousse les manches pour aider les pilotes qui volent en ce moment même, et ont besoin d'être aidés.

Écrasement du vol de Germanwings (26 mars 2015)

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