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Équateur: le pari inattendu d'un pétrole vert?

Le parlement équatorien a approuvé le 3 octobre la mise en exploitation des réserves pétrolières situées dans le parc naturel de Yasuni. Cette décision a mobilisé les groupes écologistes locaux qui ont vivement protesté.
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Le parlement équatorien a approuvé, le 3 octobre, la mise en exploitation des réserves pétrolières situées dans le parc naturel de Yasuni. Cette décision a mobilisé les groupes écologistes locaux qui ont vivement protesté. Les communautés indiennes d'Amazonie, en revanche, sont partagées. La décision en tous les cas a surpris, le président équatorien, Rafael Correa, ayant défendu jusqu'aux Nations unies depuis 2006 la préservation à 100% de la zone Yasuni-ITT.

Prenant les ONG occidentales au mot Rafael Correa leur avait lancé un défi. «Vos pays qui ont pollué le monde pour se développer, leur avait-il dit, bataillent pour que nous préservions nos forêts et notre nature. Notre air serait aussi le leur. Soit avait-il poursuivi. L'Équateur accepte de freiner son développement au nom de valeurs écologiques universelles. Mais l'Équateur refuse d'en payer seul le prix. Si l'Équateur accepte de contribuer, les autres pays bénéficiaires, en particulier, ceux du G-8, doivent également mettre la main au portefeuille.»

Le parc Yasuni a été créé en 1979. L'UNESCO l'a inscrit en 1989 dans la liste des réserves mondiales de biosphère. Il est situé dans l'Est amazonien du pays. Sa biodiversité serait l'une des plus élevées avec 1000 espèces d'insectes et 644 d'arbres à l'hectare. Les dernières populations autochtones du pays - les tagaeris et les taromenane - y vivent encore en situation d'isolement quasi total. Mais selon l'Agence espagnole de coopération internationale (AEIC), ce parc est potentiellement riche en pétrole. L'AECI a fait une étude des sols en 2011, plus de la moitié du sous-sol serait imbibé d'huile, 920 millions de barils. Ce pétrole est exploité depuis 1948 dans le secteur occidental du parc. La partie orientale est l'objet de l'initiative ITT, ITT comme Ishpingo-Taémbococha-Tiputini.

L'Équateur a chiffré le coût de la non-exploitation du gisement 3 milliards 600 millions de dollars. Quito demande à la communauté internationale de l'aider à compenser ce manque à gagner. Un fonds a été ouvert à cette intention. Les représentants diplomatiques et gouvernementaux équatoriens ont sillonné le monde en quête de contributeurs. Une ligne budgétaire de 7 300 000 dollars aurait été consacrée à la promotion de cette initiative. Un certain nombre de pays ont fait des promesses, diversement honorées, comme le Chili, l'Indonésie et l'Italie. Plusieurs collectivités territoriales françaises ont versé un écot. Très vite, les autorités équatoriennes ont signalé leur déception. 364 millions avaient été versés sur ce compte en juin 2013, bien loin donc du rendement annuel attendu. «Les pays les plus pollueurs ne coopèrent pas [...], la contribution des pays développés est faible», a ainsi déclaré Ivonne Baki, secrétaire d'État responsable du dossier.

L'appel à la solidarité écologique lancé aux pays développés n'ayant pas donné les résultats attendus, le président Correa en a pris acte. Le 15 août 2013, il a décidé d'arrêter les frais au sens littéral du terme. «Nous avons mis tout notre cœur et notre énergie pour préserver Yasuni, mais la communauté internationale ne nous a pas suivis. C'est pourquoi nous allons exploiter de façon responsable les réserves pétrolières du parc naturel, a-t-il déclaré. L'Équateur, a-t-il poursuivi, ne veut plus jouer indéfiniment le rôle de «l'idiot utile». Yasuni-ITT est donc devenu le «bloc pétrolier 43». Nous ne pouvons pas laisser dormir sous nos pieds 18 milliards de dollars dans un pays où 24% des enfants sont mal nourris et où la pauvreté est si grande, a-t-il expliqué pour légitimer sa décision. En exploitant Yasuni-ITT nous gagnons 5 points de croissance.»

Beaucoup de bémols et d'engagements concernant les populations autochtones, et les conditions techniques d'exploitation ont été signalés par les autorités. L'Équateur a renouvelé ses critiques et les demandes d'indemnisation à la société nord-américaine Texaco-Chevron qui dans les années 1980 exploitait, avant son expulsion, le pétrole de l'Amazonie équatorienne. Des investissements sociaux ont été promis aux communautés indigènes. Un village modèle a été inauguré le 2 octobre en présence de représentants des 11 peuples originaires. Entre un parc protégé à cent pour cent et une exploitation sauvage, le président Correa a donc mis sur la table l'option d'un pétrole vert et responsable.

Une majorité d'Équatoriens soutient le revirement présidentiel. Un nombre important d'élus et responsables indiens également. Ils veulent accéder «à une meilleure qualité de vie, à l'école, à l'eau potable et au tout à l'égout». Les groupes et mouvements environnementaux ont, au contraire, protesté dans la capitale et organisé des manifestations appelant à la tenue d'une consultation populaire. Une dirigeante du peuple waorani, Alicia Cawiya, a également signalé ses doutes aux députés le 4 octobre. Elle a demandé l'organisation d'une consultation populaire, l'hôpital promis aux siens en échange de l'acceptation de l'exploitation pétrolière, n'ayant pas été confirmé.

Le débat ainsi ouvert est global. Il concerne bien au-delà de l'Équateur, tous les pays du monde collectivement responsables du réchauffement climatique et de ses conséquences. Il interpelle les États pollueurs, qui dans le passé ont construit leur mieux vivre sans se préoccuper outre mesure de l'environnement. Il oppose développement et protection de l'environnement, peuples originaires et populations des villes. Ce que le président Correa a exprimé de la façon suivante dans son style si particulier : «Les écologistes de fin de semaine seraient-ils capables de vivre comme vivent les communautés de l'Amazone?» En effet. Mais pourtant...

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