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Les résultats des Midterms confirment le désaveu des électeurs américains à l'égard de Barack Obama. Il lui est notamment reproché le flou, voire la faiblesse de sa politique étrangère. Qu'en est-il vraiment?
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Les résultats des Midterms confirment le désaveu des électeurs américains à l'égard de Barack Obama. Il lui est notamment reproché le flou, voire la faiblesse de sa politique étrangère. Qu'en est-il vraiment?

Le moins que l'on puisse dire est que Barack Obama a essuyé un flot de lourdes critiques à l'encontre de sa politique étrangère, jusqu'à quelques semaines avant les élections de mi-mandat de ce 4 novembre 2014. Après les Mémoires d'Hillary Clinton et surtout de Robert Gates, secrétaire à la Défense sous George W. Bush et Barack Obama, celles publiées à quelques jours des élections par Leon Panetta, ancien directeur de la CIA puis également secrétaire à la Défense d'Obama, ont constitué de brutales remises en cause de l'action de ce dernier. Duty ("Le Sens du devoir") du républicain Gates comme Worthly Fights ("Les combats qui valent la peine") du démocrate Panetta ont alimenté le procès en absence de leadership, en incohérence voire en incompétence - qu'attesterait l'absence de résultats - du président américain.

Dans son ouvrage, Bob Gates, dont la longue carrière a débuté sous Reagan, déplore qu'"à l'inverse de Bush, Obama [considère] le temps passé avec des généraux et des amiraux comme une obligation", pointant une forme de condescendance à l'égard des militaires. Un tropisme "pacifiste" qui lui aurait notamment fait conduire sans enthousiasme ni sérieux la fin de la guerre en Afghanistan. Même critique de la part de Panetta s'agissant cette fois du front irakien, où l'empressement d'Obama d'en finir avec cette guerre symbolique des années Bush aurait conduit à fragiliser le nouvel Etat et à favoriser l'émergence de Daesh. De même sur le dossier syrien, évidemment lié, où Barack Obama se voit reprocher ses atermoiements et revirements successifs, au point de laisser "pourrir la situation". L'ancien directeur de la CIA fustige ainsi "sa réticence frustrante à attaquer ses adversaires et à rallier du soutien à sa cause", ainsi que sa tendance à s'appuyer "sur la logique d'un professeur de droit plutôt que sur la passion d'un chef".

Tourner la page des années Bush?

Pour Thomas Snégaroff, professeur à Sciences Po, Barack Obama apparaît en revanche comme "un grand président" car il a "pris conscience que le monde avait changé" (revue Conflits, n°1). Il en veut pour preuve l'annonce que "plusieurs modèles démocratiques peuvent coexister dans le monde", semblant ainsi rompre avec la tentation d'imposer partout - et par la force si nécessaire - le seul modèle de la démocratie libérale occidentale. Ce faisant, "Obama signe la fin d'une vision périmée des enjeux géopolitiques américains tels que les envisageaient les néo-conservateurs", forçant l'Amérique à "réinventer les modalités de son interventionnisme". Un interventionnisme qui est loin d'avoir disparu, mais dont l'empreinte se veut plus "soft". Certes, la "guerre contre le terrorisme" reste d'actualité, symbolisée par les attaques de drones et le maintien de la prison de Guantanamo. Mais la diplomatie, les stratégies multilatérales et "l'engagement coopératif" sont systématiquement privilégiés - comme en témoignent la main tendue à l'Iran et le dialogue renoué avec la Russie, avec cependant des résultats limités.

La question russe vaut valeur d'exemple. A partir du retour au pouvoir de Vladimir Poutine et, surtout, de l'éclatement de la guerre en Syrie puis de la crise ukrainienne, il est de bon ton d'évoquer une nouvelle "guerre froide" entre Washington et Moscou. Si les torts du maître du Kremlin sont connus, il convient ici de souligner la continuité d'une certaine vision géopolitique américaine. Dans Le Monde diplomatique (n°721, avril 2014), Olivier Zajec, de l'Institut de stratégie comparée, évoque une véritable "obsession antirusse": "A Washington et à Bruxelles, dans un style voisin [de celui de John McCain fustigeant Poutine comme "impérialiste russe et apparatchik du KGB", et enjoignant à l'Amérique d'"empêcher que les ténèbres du monde de M. Poutine ne s'abattent davantage sur l'humanité"...], on semble s'être entendu pour souffler en permanence sur les braises de la crise ukrainienne au lieu de l'apaiser."

En cause: une vision pour le moins simpliste des rapports de force internationaux et des intérêts étatiques. "L'Afghanistan en 2001, l'Irak en 2003, la Libye en 2011 seraient l'œuvre altruiste de puissances visionnaires auxquelles ne saurait être reprochée qu'une maladroite fougue libératrice. Les autres acteurs, en revanche, ne défendraient leurs intérêts qu'au prix d'agressions condamnables"... Henry Kissinger a récemment recommandé à Barack Obama de veiller aux intérêts bien compris des Etats-Unis plutôt qu'à l'extension de la démocratie. Malgré ces tensions avec la Russie, et quelques erreurs d'analyse lors des "Printemps arabes", il semble que l'ancien mentor de Richard Nixon en matière de politique étrangère ait été globalement entendu par la Maison-Blanche.

Une prise de conscience des bouleversements mondiaux en cours

Dans son ouvrage de référence sur le sujet (Barack Obama et sa politique étrangère 2008-2012, Odile Jacob, octobre 2012), Justin Vaïsse, directeur de recherche à la Brookings Institution et professeur à l'université John Hopkins, propose un panorama équilibré des réussites et des échecs du président américain sur la scène internationale. Dans le domaine positif, on retiendra, au-delà de quelques dossiers concrets mais peu aboutis, une approche générale, privilégiée dès son premier mandat par Obama. "L'Amérique a fait fausse route, analyse Barack Obama à son arrivée à la Maison-Blanche. Il faut à présent qu'elle réoriente son attention et adapte son leadership à ses moyens diminués et surtout aux vrais défis du monde nouveau; en un mot, qu'elle 'pivote'." Le pivot est un terme sportif qu'affectionne le président américain: "C'est le mouvement qui consiste, pour un joueur de basket, à se tourner dans une nouvelle direction tout en gardant un pied au sol pour pouvoir conserver le ballon.

Ce terme a été employé dans un contexte bien précis, celui du 'rééquilibrage' (rebalancing) de la politique étrangère américaine du Moyen-Orient vers l'Asie, en particulier lors du voyage du président en Indonésie et en Australie en novembre 2011". Mais il pourrait également constituer une métaphore de l'approche choisie par Obama, et "désigner le redéploiement de la politique américaine dans son ensemble: pivot non pas seulement du Moyen-Orient vers l'Asie, mais aussi des 'vieilles puissances' européennes vers les puissances émergentes (ou tout du moins du monde du G8 au monde du G20), des questions militaires vers les questions diplomatiques et géoéconomiques, de l'unilatéralisme vers la coopération et l'engagement, enfin, dans une certaine mesure, des efforts à l'international vers les efforts à l'intérieur".

Paradoxalement, le fiasco de la politique américaine au Moyen-Orient pourrait accélérer ce repositionnement géopolitique. Pour la lettre confidentielle Intelligence On Line (n°722, 29 octobre 2014),"le fossé se creuse entre Washington - pour qui la destruction de l'Etat islamique (EI ou Daech) est la priorité - et les services de renseignement des pays du Proche-Orient et du Golfe. Pour ces derniers, Milli Istihbarat Teskilati (MIT) turc et General Intelligence Directorate (GID) saoudien en tête, c'est la chute de Bachar al-Assad qui reste l'impératif absolu". Au point qu'Ankara et Ryad s'allient désormais pour prendre le maximum de distance avec les opérations conduites par les Américains, qui de leur côté tendent à s'affranchir d'un soutien traditionnel et inconditionnel à Israël pour rechercher un nouvel axe avec l'Iran...

Pour être complexe, et encore mouvante, la situation est indubitablement nouvelle. En privilégiant finalement une approche plus réaliste que ses prédécesseurs, tout en devant gérer leur héritage désastreux, Barack Obama aura contribué à faire entrer définitivement les Etats-Unis dans le monde multipolaire. Avec toutes ses incertitudes et ses turbulences. A cet aune, on comprend mieux les réticences des électeurs américains.

Barack Obama 2009-2016

Les présidents américains de l'histoire

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