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Journée mondiale du bonheur: une heureuse initiative?

Le 20 mars a été retenu par l'ONU comme la journée pour célébrer et réfléchir au bonheur. A priori, on pouvait craindre le pire à la vue d'une institution internationale voulant "faire notre bonheur". Mais en fait, cette journée mondiale du bonheur pourrait bien constituer une initiative heureuse.
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Le 20 mars a été retenu par l'ONU comme la journée pour célébrer et réfléchir au bonheur.

A priori, on pouvait craindre le pire à la vue d'une institution internationale voulant "faire notre bonheur". Mais en fait, cette journée mondiale du bonheur pourrait bien constituer une initiative heureuse.

Dans son "Rapport sur le bonheur dans le monde", l'ONU ne s'est pas contentée de vagues recommandations consensuelles issues d'observations macro-économiques stratosphériques.

Elle suggère surtout des pistes plutôt inattendues, concrètes et responsabilisantes. En effet, elle nous renvoie tous à nos responsabilités et nous incite à dépasser nos difficultés actuelles sans chercher ailleurs des responsables qui n'en sont pas. Car notre bonheur dépend en grande partie de nous, de notre style de vie, ici et maintenant.

La croissance ne fait pas le bonheur, mais la décroissance non plus...

Au début de son rapport, l'ONU constate l'échec accablant de l'approche "le bonheur est dans le PIB". Exemple, alors que le PIB des USA a été multiplié par trois en cinquante ans, les Américains ne se déclarent pas plus heureux aujourd'hui. On se doutait qu'il était illusoire de chercher le bonheur dans la croissance, c'est aujourd'hui indiscutable. Après avoir rappelé différentes approches (Indice de Développement Humain, Bonheur National Brut, Agenda 21), le rapport de l'ONU passe à une partie plus pragmatique en s'appuyant sur les travaux de sociologues et psychologues ayant observé les facteurs concrets qui influent positivement ou négativement sur le bonheur ressenti.

Pour les obstacles au bonheur, les inégalités, la grande pauvreté, la mauvaise santé sont soulignés... tandis que pour les contributions au bonheur sont mises en avant la solidarité, l'éducation, la liberté d'expression....

Puis le rapport de l'ONU conclut qu'au-delà de variables sanitaires, économiques, sociétales situées à un niveau macro, le bonheur dépend surtout du style de vie que nous adoptons, et qu'en conséquence, "nous pouvons [améliorer notre qualité de vie] en adoptant un style de vie et des technologies qui améliorent le bonheur (ou le bien-être)".

L'ONU prend de fait ses distances avec certains mouvements actuellement en vogue qui prônent un retour à la nature, au local, à la lenteur comme voie vers le bonheur. Ces adeptes du "retour au slow", ces apôtres du "disconnect to connect", ces promoteurs de la décroissance opportunément rebaptisée "économie du bonheur" fustigent dans un même élan la globalisation, la vitesse, l'omniprésence des technologies comme des maux absolus. À croire que s'en éloigner suffirait à trouver le bonheur (un retour vers un paradis perdu en quelque sorte). C'est à une tout autre démarche que nous convie l'ONU: affronter ce qui nuit au développement de notre bonheur et développer ce qui y contribue, en responsabilisant chacun à son niveau (individu, État...) sur son style de vie et en utilisant de manière appropriée les technologies qui peuvent nous y aider. Mais quelles pourraient donc être ces technologies?

Les clés du bonheur: elles sont dans nos mains

La contribution des technologies pour lever les obstacles au bonheur assez directe. Dans le cas de la grande pauvreté, par exemple, des études ont montré que donner l'accès à Internet aux sans-abris constitue la politique publique la plus rentable pour chaque dollar investi. L'effet sur la santé des SDF et par ricochet sur l'ensemble de la population est considérable sans parler de la réduction de l'exclusion sociale. Dans les pays en développement, le téléphone mobile s'est démocratisé et les individus ont imaginé des usages innovants du SMS pour se débrouiller au quotidien, commercer, s'entraider, s'éduquer, faire de la prévention. La réussite du réseau social Mixit, né en Afrique, en fournit une parfaite illustration.

Sur le plan de la santé mondiale, le défi n'est plus dans les traitements pharmaceutiques, mais dans l'adoption de "bonnes habitudes de vie". Aujourd'hui, presque deux décès sur trois proviennent de maladies non transmissibles (source OMS), largement évitables (sédentarité, alimentation, dépression, addictions). Pour nous, la preuve est faite que les technologies mobiles sont efficaces pour aider les personnes à prévenir les conséquences de ces mauvaises habitudes... Il s'agit même clairement de la prochaine grande tendance des technologies numérique. Cerise sur le gâteau, le boom prévisible des technologies du bien-être et du bonheur pourrait même nous ramener la croissance économique.

Comme contributions au bonheur, on citera la faculté d'Internet à maintenir les liens avec sa famille ou ses proches, qu'ils habitent à un pâté de maison ou au bout du monde. Des recherches internationales l'ont tellement souligné qu'un droit systématique à l'accès à Internet est désormais envisagé dans les accords bilatéraux touchant à l'émigration de travail. Plus généralement dans le domaine de la parentalité, des programmes d'accompagnement sur mobile, Web ou par SMS se montrent utiles en termes de protection de l'enfance, d'apaisement des tensions familiales, d'apprentissage de l'autonomie des enfants et de prévention de la délinquance juvénile.

Les technologies peuvent aussi nous aider à améliorer notre intelligence relationnelle, et à mieux gérer nos émotions, favoriser celles qui sont positives par rapport aux négatives, mais aussi nous détendre et éviter d'être submergés par le stress. Dans la vie professionnelle, des dispositifs numériques dédiés ont un impact positif prouvé sur le bien-être au travail. Pour les seniors, nous n'en sommes qu'au début du mieux vieillir grâce aux technologies, mais les progrès dans la facilitation de la vie quotidienne ou le ralentissement du déclin physique et cognitif sont déjà bien concrets.

Enfin, concernant le lien entre bonheur, liberté d'expression et démocratie, l'impact positif des technologies n'est plus à démontrer. D'ailleurs l'acharnement des dictatures à en verrouiller l'usage en constitue finalement la meilleure démonstration.

Technologies du bonheur: des technologies bienveillantes

Il est nécessaire de comprendre que ces technologies du bonheur, qui vont avoir un effet réel sur notre "expérience de vie", sont des technologies d'un nouveau type. Ces technologies ne sont pas, une fois de plus, destinées à changer le monde, mais à nous changer nous-mêmes, à changer nos comportements, nos rapports aux autres, notre style de vie. En ce sens, elles entrent parfaitement dans l'objectif d'amélioration du bonheur de l'humanité énoncé par le rapport de l'ONU. Alors oui, cette journée mondiale du bonheur sera très utile si elle nous permet de prendre conscience que notre bonheur est à portée de main, si on veut bien se donner la peine d'y œuvrer individuellement et collectivement dans une attitude ouverte et confiante.

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