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Mise en perspective: procédure de règlement des différends du chapitre 19 de l'ALÉNA

La renégociation de l'ALÉNA va-t-elle permettre au Canada de réaliser son rêve d'un nouveau régime commercial qui rendrait caduc le mécanisme de règlement des différends du chapitre 19?
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À l'origine, le Canada cherchait à obtenir, dans le cadre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ), un nouveau régime pour remplacer les recours commerciaux existants en matière de subvention et de dumping dans les échanges entre les deux pays.
Christinne Muschi / Reuters
À l'origine, le Canada cherchait à obtenir, dans le cadre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ), un nouveau régime pour remplacer les recours commerciaux existants en matière de subvention et de dumping dans les échanges entre les deux pays.

Dans le cadre de la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), l'administration américaine veut se débarrasser du mécanisme de règlement des différends en matière de droits compensateurs et antidumping (chapitre 19), alors que le Canada semble y tenir mordicus.

Il s'agit là d'un enjeu important des pourparlers canado-américains, alors que, de son côté, le Mexique aurait jeté l'éponge à ce sujet.

Un peu d'histoire

Le chapitre 19 est avant tout un compromis. À l'origine, le Canada cherchait à obtenir, dans le cadre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ), un nouveau régime pour remplacer les recours commerciaux existants en matière de subvention et de dumping dans les échanges entre les deux pays. L'objectif était, dans la mesure du possible, de mettre les entreprises canadiennes à l'abri du harcèlement dont elles faisaient l'objet dans leurs efforts de positionnement sur le marché américain.

Ce compromis, obtenu à l'arraché au début d'octobre 1987, est venu sauver le projet d'accord bilatéral de libre-échange.

Ne pouvant s'entendre à court terme sur un nouveau régime commercial, en particulier en raison de la complexité du sujet, les deux pays ont convenu d'établir, sur une base temporaire, un mécanisme bilatéral de règlement des différends et de se donner du temps (sept ans à compter de l'entrée en vigueur de l'accord bilatéral) pour convenir de nouvelles règles en matière de subventions et de dumping. Ce compromis, obtenu à l'arraché au début d'octobre 1987, est venu sauver le projet d'accord bilatéral de libre-échange.

Au moment de la négociation de l'ALÉNA, il n'y a pas eu de progrès sur la question des nouvelles règles. Il a alors été entendu de pérenniser le mécanisme de règlement des différends et de tenir des consultations, sans échéance précise, en vue d'en venir à un nouvel ensemble de règles. En 1993, sans pour autant modifier l'ALÉNA, le nouveau gouvernement canadien a obtenu un engagement d'échéancier pour conclure les consultations prévues au chapitre 19, engagement qui n'a pas eu toutefois de suite concrète.

Par le détour des négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay (1986-1994), il y a tout de même eu, dans une perspective canadienne, des progrès non négligeables qui ont mené à des changements aux législations internes sur les recours commerciaux, notamment en matière de subventions. À titre d'exemple, elles ont été modifiées pour tenir compte des dispositions de l'article 8 de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, l'un des Accords de l'Organisation mondiale du commerce. Cet article est venu, à certaines conditions, exempter de mesures compensatoires l'aide octroyée à des activités de recherche, aux régions défavorisées et à l'adaptation d'installations existantes à de nouvelles normes environnementales.

Pour revenir au processus de règlement des différends du chapitre 19, l'examen par des groupes d'experts des décisions nationales en matière de subventions et de dumping a été utile dans bien des dossiers. Par exemple, peu de temps après l'entrée en vigueur de l'ALÉ, le droit compensateur américain sur les exportations canadiennes de viande de porc a été annulé à la suite de la révision par un groupe d'experts de la décision de menace de préjudice de l'International Trade Commission. En revanche, les succès devant de tels groupes dans le différend sur le bois d'œuvre n'ont pas pour autant mis un point final à ce litige, dont les origines remontent aux années 1980.

Des interrogations sur ce qui s'en vient

La renégociation de l'ALÉNA va-t-elle permettre au Canada de réaliser son rêve d'un nouveau régime commercial qui rendrait caduc le mécanisme de règlement des différends du chapitre 19? On peut en douter en raison notamment des objections que pourrait susciter aux États-Unis un tel régime d'exception. Il ferait, immanquablement, l'objet de revendications de la part de nombreux autres partenaires commerciaux ayant des accords ou étant en négociation actuellement avec ce pays. Aussi, bien des industries américaines n'accepteraient pas une diminution de leur arsenal pour attaquer leurs concurrents étrangers.

Des modifications à la procédure du chapitre 19, proposées au cours des derniers mois par des spécialistes, seront-elles suffisantes pour amener l'administration américaine à laisser tomber son opposition à son renouvellement?

Des modifications à la procédure du chapitre 19, proposées au cours des derniers mois par des spécialistes, seront-elles suffisantes pour amener l'administration américaine à laisser tomber son opposition à son renouvellement? En voici des exemples: uniquement des avocats ou des juges à la retraite pourraient être membres des groupes de révision; plus d'égards que présentement pourraient être donnés aux façons de faire des instances nationales qui examinent en appel les décisions de subventionnement et de dumping. Certains sont allés jusqu'à proposer d'inclure à l'actuel chapitre 20 sur les dispositions institutionnelles l'essentiel des procédures des chapitres 19 et 11 (règlement des différends entre États et investisseurs), afin d'atténuer la stigmatisation dont ils font l'objet.

L'utilisation récente de la section 232 sur la sécurité nationale de la législation commerciale américaine pour assommer la concurrence étrangère ne risque-t-elle pas de rendre largement inopérant le processus de règlement des différends du chapitre 19?

Par ailleurs, l'utilisation récente et de plus en plus répandue de la section 232 sur la sécurité nationale de la législation commerciale américaine pour assommer la concurrence étrangère ne risque-t-elle pas de rendre désuet ou largement inopérant le processus de règlement des différends du chapitre 19? En effet, nul besoin de faire la preuve de subventionnement ou de dumping et la preuve de dommage à l'industrie en utilisant cette section où l'Administration dispose d'une grande marge de manœuvre; par conséquent, aucune base pour recourir à des groupes d'experts. L'arbitraire à son meilleur!

Ce billet a été initialement publié sur le blogue de l'Association des économistes québécois.

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