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Apple, nouveaux records, amer symbole

Si les grandes multinationales ont toujours pratiqué l'optimisation fiscale, l'industrialisation du processus devient de plus en plus intolérable pour des opinions publiques en proie à des difficultés économiques majeures et une pression fiscale en constante augmentation.
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Ces jours-ci Apple a encore fait le buzz. Non pas aux yeux du grand public au moyen d'un nouveau téléphone révolutionnaire ou d'une montre futuriste, mais auprès d'une communauté financière tout aussi prompte à s'enflammer lorsque la firme à la pomme communique.

En annonçant un programme de rachat d'actions record, optimisé fiscalement par une émission de dette obligataire d'un montant lui aussi inédit, la société symbolise, sans le vouloir, deux pratiques financières peu enthousiasmantes.

Rachat d'actions et optimisation fiscale, le cas d'école Apple

Echaudés par le retour sur terre de l'action ces derniers mois, tout en salivant devant les colossales réserves de cash de la société (140 milliards de dollars à fin mars), les grands actionnaires d'Apple sont parvenus à leurs fins, après une intense campagne de lobbying auprès du management du groupe. La semaine passée, à l'occasion de la publication des résultats du premier trimestre de l'entreprise, son président Tim Cook a fini par annoncer un plan colossal de retour de cash aux actionnaires (100 milliards sur 3 ans sous la forme de dividendes et surtout de rachat d'actions). Quelques jours plus tard, il revenait sur le devant de la scène financière en lançant une émission de dette obligataire pour 17 milliards, opération record pour une société non financière.

L'association des deux annonces peut surprendre. Pourquoi diable emprunter quand le but de l'opération initiale est précisément de rendre aux actionnaires un excès de liquidités?

La réponse tient en deux mots: optimisation fiscale. À l'image de nombre de grandes multinationales, Apple minimise le montant de son impôt sur les sociétés en hébergeant les résultats de son activité internationale dans divers pays particulièrement accueillant fiscalement. Résultat, plus des deux tiers de sa trésorerie est logée dans des filiales situées hors des États-Unis. Elle ne peut y être rapatriée sans subir au passage un important ponctionnement du fisc américain.

Pour financer son programme de dividendes et de rachat d'actions, la société a donc tout intérêt à émettre de la dette, dont les intérêts seront en outre déductibles des impôts qu'elle paye sur le sol américain. Cerise sur le gâteau, le timing de l'opération est parfait. Jouissant d'une note haut de gamme chez les agences de ratings (AA), la société pourra se financer à des taux extrêmement faibles. Elle va profiter de la recherche effrénée de rendement d'investisseurs institutionnels prisonniers des politiques de taux zéro des grandes banques centrales.

Vague record de rachats d'actions aux États-Unis, signe de confiance ou aveu de faiblesse

Si Apple sort du lot par le montant hors norme de son plan, ce type d'opération est actuellement monnaie courante aux États-Unis. Les montants globaux de rachats d'actions ("stock buybacks") annoncés ces derniers mois par les sociétés américaines battent les records atteints avant la crise financière.

Ces retours de liquidités aux actionnaires répondent ponctuellement à une réelle logique financière, visant à optimiser le bilan et à maximiser le rendement des fonds propres. C'est le cas d'Apple qui disposait vraisemblablement d'une trésorerie nette trop importante.

Ils donnent aussi le sourire à des investisseurs (et des managements rémunérés en stock-options) souvent court-termistes, en soutenant les cours de bourse. L'ampleur actuelle du phénomène est ainsi l'une des raisons de la très bonne tenue des marchés actions américains ces derniers mois.

Si la tendance s'accentuait dans les semaines à venir, elle aurait pourtant de quoi laisser perplexe quant aux réelles perspectives de croissances anticipées par ces grands groupes. Ne seraient-ils pas au final résignés à rendre autant d'argent à leurs actionnaires, faute de pouvoir leur proposer des opportunités de développements plus rentables? Les faibles croissances des chiffres d'affaires enregistrées lors de la saison de publication de résultats en cours ne sont pas de nature à rassurer sur ce point.

Arbitrage fiscal et austérité...un mélange explosif

Le coup de projecteur sur l'ampleur de l'optimisation fiscale pratiquée par Apple à l'occasion de ces annonces stratégiques fait suite à une longue série de critiques récentes envers nombre de multinationales américaines sur le sujet.

Starbucks en Angleterre, les géants de la tech US (Apple, Amazon, Microsoft, Google, Facebook) en France...) ont par exemple été montrés du doigt. En cause, les montants insignifiants d'impôts sur les sociétés payés par ces sociétés dans ces deux pays, malgré des volumes d'activité conséquents.

Si les grandes multinationales ont toujours pratiqué l'optimisation fiscale, l'industrialisation du processus devient de plus en plus intolérable pour des opinions publiques en proie à des difficultés économiques majeures et une pression fiscale en constante augmentation. Elle l'est tout autant pour les dirigeants des grands pays industrialisés dont les finances publiques sont exsangues.

À l'image du vent de fronde qui semble enfin souffler avec vigueur à l'encontre des paradis fiscaux depuis l'épisode chypriote ou l'affaire Cahuzac en France, le moment ne serait-il pas venu de limiter les excès fiscaux d'entités devenues apatrides, qui ont érigé en principe de gestion le fait d'échapper à l'impôt?

Seul un grand chantier mondial ouvert à l'échelle du G20 serait réellement porteur d'espoir sur ce point. La faible coopération actuelle des grands pays sur la plupart des sujets économiques (cf guerre des changes) me laisse malheureusement dubitatif.

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