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2013, une année réjouissante pour le cinéma québécois?

Les années se suivent et semblent se ressembler. Après la polémique de l'an dernier sur la prétendue mauvaise santé du cinéma québécois, voilà qu'on nous parle de 2013 comme d'une année décevante.
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Les années se suivent et semblent se ressembler. Après la polémique de l'an dernier sur la prétendue mauvaise santé du cinéma québécois, voilà qu'on nous parle de 2013 comme d'une année décevante.

Vue sous un angle purement financier, l'information n'est pas complètement fausse. Dire que l'année a été décevante représente pourtant un raccourci critiquable. Je ne reviendrai pas sur le débat qui a déjà eu lieu l'an dernier (le cinéma québécois doit-il être rentable?) mais vais plutôt me pencher sur ce que l'on a vu cette année dans nos salles.

En 2013, le cinéma québécois nous a offert comme il est maintenant coutume depuis quelques années un nombre important de films de grande qualité par rapport à notre petit bassin de population. En voici un rapide aperçu:

- Le météore (réal: François Delisle) allie avec une réussite rare l'ambition artistique et l'émotion pure.

- Une jeune fille (réal: Catherine Martin) suit avec une grâce infinie deux êtres solitaires parvenant à se donner réciproquement une nouvelle envie de vivre.

- Les manèges humains (réal: Martin Laroche) utilise avec une belle maîtrise la forme du journal intime filmé pour aborder avec délicatesse un problème très spécifique (l'excision) traité ne manière bien plus universelle qu'on pourrait l'imaginer.

- La chasse au Godard d'Abbittibbi (réal: Éric Morin) est un premier film qui réussit à rendre hommage à Jean-Luc Godard tout en s'interrogeant sur la vie en région et l'envie de départ.

Cette liste est volontairement courte, faute de place, mais pourrait facilement compter deux ou trois titres de plus (vus à Cannes ou Berlin par exemple). Les quatre films cités suffisent cependant à témoigner de la diversité et de la qualité de notre cinéma pour cette année que d'aucuns qualifient de "décevante"!

Pourtant, si certains n'ont d'yeux que pour les chiffres, je ne dirigerai pas les miens uniquement vers la qualité des films. Lorsqu'on constate que la plupart des très bons films québécois attirent chacun moins de 2500 spectateurs en salle (ce qui est le cas pour les films cités plus haut!), il y a un problème qu'il serait irresponsable de nier. Mais d'où vient-il?

Assurément pas des réalisateurs ou de leurs films.

Et si le problème venait surtout de l'absence de cinéphilie?

Il y a des bons films, mais personne pour les voir! Certes, nos films sont de plus en plus nombreux à être sélectionnés dans les festivals les plus prestigieux (Cannes, Berlin, Venise, Locarno, etc.) ou à être distribués à l'étranger (notamment en France, pays de la cinéphilie par excellence, où, à de rares exceptions près, le cinéma québécois était quasi absent il y a quelques années). Mais au Québec, presque personne ne semble avoir envie de se déplacer pour voir des films s'éloignant trop des sentiers commerciaux. Peut-être les médias et les critiques ne font-ils pas correctement leur travail (je ne suis pas masochiste et n'affirme rien, mais je m'interroge). Peut-être également (surtout?) manque-t-il les éléments nécessaires à l'émergence d'une population cinéphile désireuse de voir dans le cinéma l'art, au-delà du divertissement... ou le dialogue virtuel avec un metteur en scène au-delà de l'échange purement financier avec un exploitant de salle.

Attention à ne pas mal interpréter mes propos. Je n'ai rien contre le cinéma de divertissement, ni contre les spectateurs qui souhaitent se voir transporter dans un autre monde après une semaine de travail. Je suis d'ailleurs ravi de constater le succès de Louis Cyr, dont le metteur en scène Daniel Roby a su faire un film populaire tout en respectant aussi bien son médium que son public. Je n'ai pas non plus envie d'opposer les deux types de cinéma (qui se rejoignent d'ailleurs bien souvent). Les deux doivent exister et cohabiter, mais pour que le cinéma moins spectaculaire survive (car il le doit!), il lui faut un public désireux d'en apprécier les qualités, c'est-à-dire un public initié à son langage et possédant un minimum de culture cinématographique. S'il y avait un public plus cinéphile, le cinéma québécois (plus apte à plaire à cette catégorie de spectateurs qu'aux consommateurs de divertissement) irait peut-être un peu moins mal.

Évitons donc aussi bien l'autoflagellation que l'autosatisfaction et osons regarder les choses en face. Au lieu de surmédiatiser certains films un peu trop rapidement en faisant reposer une trop forte pression sur leurs frêles épaules (je pense à Sarah préfère la course par exemple) ou de pleurnicher devant des chiffres décevants, ne pourrions-nous pas faire preuve d'un peu de tempérance?

La qualité des films québécois nous enchante, les chiffres nous attristent... il nous reste maintenant à donner aux spectateurs toutes les armes pour leur permettre d'apprécier un cinéma québécois pas toujours à son aise lorsqu'il essaie d'être commercial. Cela passe en grande partie par l'éducation. Je ne parle pas de multiplier les programmes universitaires fréquentés par de trop nombreux élèves commençant leur cursus sans la moindre connaissance de la discipline qu'ils étudient, je parle de l'éducation pour tous, susceptible de développer la curiosité cinéphile chez les spectateurs de tous âges qui comprendront vite que plus on voit de bons films, plus on devient exigeant, et plus on apprécie les films de qualité... étrangers ou québécois! Cela peut bien évidemment passer par des actions en milieu scolaire, mais également par le travail des chaînes de télévision publiques (qui l'oublient trop souvent).

Ce souhait est peut-être utopique, mais pleurer annuellement contre les chiffres du Box Office ne permettra pas non plus aux choses de changer... autant donc essayer de prendre une partie du problème par ce qu'il me semble être le bon bout!

Et vous, qu'en pensez-vous?

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