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Brexit ou Bremain?

Si au début de la campagne, l'électorat conservateur était massivement pour le Brexit et l'électorat travailliste pour le Bremain, à l'approche la date du vote, cette répartition est de moins en moins vérifiée.
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9 mai 2005-23 juin 2016: onze années pour rien?

Pourquoi rapprocher ces deux dates? La première est celle du référendum français sur la Constitution européenne et l'autre celle du référendum britannique à venir sur le Brexit (sortir de l'Europe) ou sur le Bremain (rester en Europe).

Le premier référendum a accéléré la marginalisation de la France dans l'Union européenne. Le second pourrait achever le cycle de la participation du Royaume-Uni à l'Europe en temps de paix ainsi que propulser la France en périphérie d'une géopolitique européenne dont le centre serait situé en Allemagne, voire en Pologne.

Comme souvent dans l'histoire, les destins de la France et du Royaume-Uni se retrouvent très étroitement liés, sans que les deux peuples n'en aient conscience.

Les deux campagnes référendaires ont de nombreux points communs

Les experts sont totalement décrédibilisés. L'avalanche de chiffres contradictoires sur les conséquences économiques du Brexit est affligeante. La science économique en prend un sérieux coup. Ceci devrait, à terme, jouer à l'encontre de la crédibilité de toutes prévisions économiques gouvernementales ou privées. L'écart (le grand écart, devrais-je dire), entre les pro-Brexit qui annoncent jusqu'à 4% de PIB en plus, et les anti-Brexit qui menacent les Britanniques d'une baisse entre 1.5 et 9% de PIB d'ici 2030, interroge.

Les politiques ou les polémistes n'en sortent pas grandis. Boris Johnson, ancien maire de Londres, affiche sur son bus de campagne des chiffres qu'il sait mensongers - il en triple le montant - sur ce que le Royaume-Uni verse chaque semaine à l'Union européenne. David Cameron avertit sans cesse ses concitoyens des châtiments apocalyptiques qui les attendent s'ils votent en faveur d'une sortie de l'Union à la suite d'un référendum qu'il a lui-même organisé. Donald Tusk, président du Conseil européen, pense, tout en tact et en mesure, que le Brexit débouchera sur la fin de la civilisation occidentale. Nigel Farage, leader de l'UKIP pro-Brexit, claironne à la presse britannique qu'il «n'envisage rien pour la suite. [Il] veut juste gagner ce référendum». À cela s'ajoute une augmentation vertigineuse de la violence des paroles échangées entre les deux camps du «in» et du «out», violence marquée par le dénigrement général de l'adversaire. Cette campagne laissera des traces sur la crédibilité du personnel dirigeant non seulement britannique, mais aussi européen.

«Donner des verges pour se faire battre»

Les lignes de partage politique sont brouillées. Le rapport droite-gauche est malmené. Si au début de la campagne, l'électorat conservateur était massivement pour le Brexit et l'électorat travailliste pour le Bremain, à l'approche la date du vote, cette répartition est de moins en moins vérifiée. Si les centrales syndicales font campagne en faveur du Bremain en rappelant les avancées sociales dues à l'Europe, comment ne pas partager les réticences du dirigeant du New Labour, Jeremy Corbyn à s'afficher avec David Cameron?

Relisez l'accord signé en Conseil européen les 18 et 19 février derniers, la victoire du Bremain se concrétisera par des reculs en matière de droits sociaux, négociés par David Cameron et accordés par les 27 autres États membres comme prix du maintien du Royaume-Uni dans l'UE. Mais l'électorat conservateur a bien compris que le moyen le plus sûr d'obtenir lesdites réformes du droit social était de voter pour le Brexit.

Alors me direz-vous? Que faire?

Ne pas attendre le 24 juin

Tout discours, toute annonce seront immédiatement contestés. De plus les électeurs européens seront en droit d'interpeller leur gouvernement sur le thème «pourquoi avoir pris le risque d'attendre l'annonce du Brexit?» La crise en Grèce (3% du PIB européen, 10 millions d'habitants) devait, selon lesdits gouvernements, faire exploser la zone euro. Le Brexit (concernant le Royaume-Uni, 14% du PIB européen, 65 millions d'habitants), se cantonnerait, lui, à une crise politique, absorbable par un couple franco-allemand en pleine dépression politique interne? Assez d'annonces magiques, de décisions jamais prises, jamais concrétisées et aujourd'hui non finançables!

Rendre l'Union européenne attrayante

Les Européens sont las d'être malmenés par une mondialisation annoncée comme porteuse de progrès. Elle est identifiée comme destructrice d'emplois d'acquis sociaux et même «expropriatrice» de leurs terres.

Cinq politiques doivent être rendues convergentes pour remettre de la cohésion dans l'espace continental: convergences en matière de réglementations fiscales, sociales, commerciales, de droit du travail, et dans le domaine processuel (procédures commerciales, civiles et collectives).

La convergence n'est pas assimilable à l'harmonisation. Elle reposerait sur des paliers, des cycles sur cinq à dix années selon les politiques et les domaines, avec des politiques d'aides nationales autorisées.

Relancer la politique conventionnelle classique

Ces cinq domaines ne seraient pas mis en œuvre par Bruxelles, mais par des conventions interétatiques classiques négociées par les États volontaires pour entrer dans cette logique.

Utiliser les institutions européennes

La Commission européenne pourrait être désignée par les États, participants à ces conventions, comme organe de surveillance. La Cour de justice pourrait être désignée pour assurer la bonne interprétation des textes et une procédure conventionnelle de manquement. Ces deux institutions seraient, bien sûr, en charge de garantir la compatibilité des deux systèmes: le premier conventionnel interétatique (enraciné à l'intérieur de l'espace européen) et le second, l'Union européenne.

Il ne s'agit pas de réinventer l'UE, mais de relancer l'Europe sans engager une révision des traités aujourd'hui inatteignable du fait de l'unanimité requise. Appuyée sur le contrôle des parlements des États volontaires, cette démarche exprimera une volonté d'aller de l'avant. En 2016, il n'est plus possible de négocier un nouveau traité de Rome. Le temps des cathédrales est révolu, pas celui des chantiers.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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