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Le tapis rouge pour Manon Massé au cégep du Vieux Montréal

En recevant Manon Massé, le cégep du Vieux Montréal va à l'encontre de sa propre mission éducative.
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Le Café citoyen du Cégep du Vieux-Montréal (CCCVM) se dit heureux d'accueillir Manon Massé, de Québec Solidaire, députée provinciale de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour son prochain Café «citoyen», le jeudi 20 avril. On parle dans la publicité du CCCVM d'une «belle nouvelle». Pas pour moi. Ô que non!

C'est un secret de Polichinelle que les responsables du Café «citoyen» du Vieux Montréal soient des sympathisants de Québec Solidaire. D'où leur réjouissance à accueillir sur un tapis rouge la grande dame de QS.

Je n'ai rien contre le fait d'avoir des positions politiques. C'est un devoir «citoyen», comme on se plaît à le qualifier au Vieux Montréal. Mais, dans une institution d'enseignement comme un cégep, il est préférable de les garder pour soi, en laissant les jeunes en formation cheminer par eux-mêmes. C'est le rempart contre l'endoctrinement.

Lorsque j'étudiais au cégep du Vieux Montréal, en 1976, j'étais inscrit au programme de philosophie (340), qui n'existe plus aujourd'hui. Or, ce que mes maîtres m'enseignaient alors, c'était le marxisme mur-à-mur. À telle enseigne, que l'un de mes professeurs, qui aujourd'hui ne s'intéresse plus à Karl Marx, mais à Karl Jung, avait pris au mot le mot d'ordre de Marx dans L'idéologie allemande: «Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, ce qui importe aujourd'hui, c'est de le transformer.» De sorte que nous n'étudiions dans le cours que les discours des leaders syndicaux québécois... Car nous devions servir le prolétariat dans la lutte des classes au Québec! Bel endoctrinement! Et je souviens que l'ex-syndicaliste Yvon Charbonneau était venu au cégep du Vieux-Montréal. Bel endoctrinement! (Sur le sujet, je renvoie le lecteur à la thèse de Jean-Luc Beaudet «Endoctrinement et enseignement de la philosophe», soutenue à l'Université d'Ottawa en 1983.)

En éducation supérieure, il est désormais établi que la plupart des professeurs adoptent une posture nettement «gauchiste».

On me répondra que c'était une certaine époque folle désormais révolue dans le sillon de la Révolution tranquille; aujourd'hui les choses ont bien changé à ce chapitre. Je n'en crois pas un traitre mot!

En éducation supérieure, il est désormais établi que la plupart des professeurs adoptent une posture nettement «gauchiste». (Voir, entre autres, en ligne, l'étude éclairante de l'américain Mark Bauerlein publié originalement en 2006 dans The Chronicle, traduit en français: «La "pensée unique" de gauche des universitaires», dans Contrepoints, le 16 janvier 2012). Qu'est-ce qui explique par exemple qu'un Michel Seymour, professeur de philosophie à l'Université de Montréal, ait pu déclarer, à la suite de la victoire de Donald Trump, le 8 novembre dernier: «Le peuple américain aura préféré élire une ordure plutôt qu'une femme» (Le Journal de Québec, 11 novembre), sinon son adhésion indéfectible à la sociale-démocratie ainsi qu'au féminisme?

Mark Bauerlein évoque ce qu'il appelle joliment le «Présupposé commun». La «gauche» n'a pas pu voir venir la victoire de Trump justement parce qu'elle croyait que tout le monde pense comme elle. Pour elle, c'est la Raison même. Seymour, grand adepte du philosophe social-démocrate, John Rawls, baigne dans le «Présupposé commun», voulant, selon Bauerlein, «que des étrangers réunis dans la salle d'un rassemblement académique soient tous sociaux-démocrates», où partagent la culture politique de la sociale-démocratie, voire du socialisme.

En avril 2013, se déroula au cégep du Vieux Montréal l'annuelle «Semaine de la citoyenneté», dont le thème était le «Printemps érable» de 2012. Ce fut l'occasion pour les «carrés rouges» de faire un bilan de leur lutte menée l'an dernier. Gabriel Nadeau-Dubois y donna la conférence d'ouverture, suivi de Guy Rocher et de Michel Seymour. La Semaine de la citoyenneté se déroule dans les locaux du cégep et aux frais des contribuables qui payent donc pour les carrés rouges. Cela va de soi, selon le fameux «Présupposé commun» de la gauche. On m'avait invité, moi représentant des «carrés verts» - le seul, je crois, puisque je suis de cette institution, alors que les Arielle Grenier, Laurent Proulx et Jean-François Morasse furent tenus à l'écart - a un panel en compagnie de l'inénarrable Arnachopanda, alias Julien Villeneuve, professeur de philosophie au collège de Maisonneuve. J'ai respectueusement décliné l'invitation, il va de soi, car on ne peut dialoguer rationnellement avec une mascotte loufoque.

C'est d'ailleurs sur la base de ce «Présupposé commun», qu'un des responsables du CCCVM, Stéphane Thellen, put s'exclamer en annonçant l'événement du 20 avril prochain: «Belle nouvelle à vous annoncer en ce beau jeudi: Manon Massé de Québec Solidaire, etc.» Dans ce monde gauchiste chloroformé, ce genre d'annonce passe comme une lettre à la poste. Toutefois, lorsque je postai mon billet dans le site du CCCVM, pour demander la démission de Manon Massé, l'incompréhension fut totale. La déclaration, en effet, de Manon Massé au sujet de la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales de ne pas porter d'accusation à la suite des allégations d'agression sexuelle portées contre Gerry Sklavounos, est inadmissible,soutint-elle, proclamant qu'elle croyait dur comme fer la version d'Alice Paquet, la plaignante; de sorte, toujours selon Massé, Gerry Sklavounos est et demeure coupable - comme le sont d'ailleurs tous ceux qui ont commis des agressions sexuelles à l'endroit, entre autres, de femmes autochtones. On appelle ça en philosophie le «sophisme de la généralisation hâtive ou abusive».

Sur cette base, je demande purement et simplement la démission de Manon Massé. Je ne vois pas non plus la pertinence de la présence de cette personne dans une institution d'enseignement. Si elle s'y trouve - et je sais bien qu'elle y sera malgré tout -, ce sera pour conforter le Présupposé commun de Seymour. J'invite donc la direction à ne plus bénir les activités «citoyennes» du collège, tout particulièrement à ne plus inviter Michel Seymour pour venir durcir le Présupposé commun.

En tout cas, au mieux, s'il faut inviter Massé ou Seymour, il faut également inviter des politiciens et des philosophes de droite, dans le cadre d'un débat contradictoire, afin d'assurer l'équilibre et éviter l'endoctrinement. C'est là la mission éducative du collège. En recevant Manon Massé, le cégep du Vieux Montréal va à l'encontre de sa propre mission éducative.

Au lieu de rencontrer Manon Massé le 20 avril prochain, j'invite plutôt tout le monde à visionner et à discuter du film Pleasantville. C'est une sorte d'allégorie de la caverne de Platon, version 21e siècle. En tout cas, moi, c'est ce que je ferai ce midi-là en guise de pied de nez au Présupposé commun. S'il est un devoir en philosophie, c'est de contester les idées reçues.

Mes remerciements vont à François Doyon, du cégep de Saint-Jérôme, qui a gentiment accepté de lire une version de ce texte et d'y apporter ses suggestions appréciées.

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