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Aux États-Unis, on assiste à des scènes désolantes de protestations contre le résultat du vote du 8 novembre.
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L'heure est au deuil, à panser la cicatrice. Les partisans démocrates vomissent leur venin. La blessure fait mal, douloureusement mal. La défaite fut cruelle. Un peu partout aux États-Unis, on assiste à des scènes désolantes de protestations contre le résultat du vote tenu le 8 novembre: «Not our president!» La blessure fait mal, douloureusement mal. On cherche désespérément à comprendre. On tire sur tout ce qui bouge. En vain.

Ici aussi, au Québec, l'affliction est aussi grande. L'establishment de gauche s'explique mal ce qui a bien pu se passer. On ne l'a pas pu venir. Les médias ne comprennent rien à leur déroute. La victoire de Trump fut pourtant jugé impossible, logiquement impossible. Ce monstre de l'incorrectitude politique est une calamité. Un universitaire québécois, Michel Seymour, lance:«Le peuple américain aura préféré élire une ordure plutôt qu'une femme» (Le Journal de Québec, 11 novembre). Le dépit de la défaite se lit dans les propos consternants du philosophe, professeur à l'Université de Montréal.

Ce sont toujours les autres qui sont responsables. Ces «ignares» d'Américains qui ont voté Trump. Ces gens sans éducation faisant preuve d'ignorance crasse. Ces rednecks qui sont encore à croire au créationnisme, à Dieu et à la Bible. Ces antimodernes qui ne suivent pas la marche irrésistible de l'Histoire marchant inexorablement vers la Raison et la Science.

François Cardinal (La Presse+, 13 novembre, «J'adore les gens peu instruits!») justifie l'élection du mal-aimé américain par le fait qu'une grande proportion de la base électorale de Trump ne serait pas éduquée. En votant pour Trump, ses électeurs n'auraient pas voté intelligemment, et cela s'expliquerait par le manque d'éducation. Je n'y vois pour ma part qu'une corrélation et non une cause. Ne dit-on pas, dans le même registre, que les croyants sont statistiquement parlant non-éduqués? Donc, l'élimination de la croyance religieuse passerait obligatoirement par l'éducation. C'est le rêve du siècle des Lumières. On peut toujours rêver!

En fait, il ne s'agit même pas d'une corrélation, mais d'un sophisme connu sous le nom latin de Post hoc propter hoc («après la chose, donc à cause de la chose»). Tout se passerait comme si Trump fut élu par des gens non-éduqués; donc le défaut d'éducation est la cause de l'élection de Trump. Belle foutaise digne de l'establishment gauchiste made in Québec.

Le même raisonnement broche-à-foin vaudrait pour les croyants: plus d'éducation (à la science) éliminerait l'adhésion à la croyance religieuse. (Ce qu'appelle de ses vœux mon collègue François Doyon). Mais c'est une vue de l'esprit remontant à l'esprit des Lumières. C'est la foi en la Raison d'un Voltaire: «Qui décidera entre ces énergumènes (les croyants)? L'homme raisonnable, impartial, savant d'une science qui n'est pas celle des mots; l'homme dégagé des préjugés et amateur de la vérité et de la justice; l'homme enfin qui n'est pas bête, et qui ne croit point être ange.» (Dictionnaire philosophique, entrée «secte»).

Je conviens que Trump n'est pas ce qu'on peut appeler un personnage angélique. Mais de là à le traiter d'«ordure», comme le fait Seymour, c'est une autre paire de manches. Personnellement, j'adhère entièrement à ce qu'écrit John Stuart Mill dans De la liberté: «Si tous les hommes moins un partageaient la même opinion, la totalité des hommes ne seraient pas plus justifiée à imposer le silence à cette personne, qu'elle-même ne serait justifiée à imposer le silence à l'humanité si elle en avait le pouvoir.» (Chapitre 2, De la liberté de pensée et de discussion). Seymour et consorts gauchistes disent en somme que cet homme-là, Donald Trump, étant une ordure, n'a plus le droit à liberté d'expression. Il faut le faire taire à tout prix!

On se transforme alors en Big Brother dictant ce qu'il convient de dire et de ne pas dire dans une démocratie libérale. Partisan avoué de John Rawls, Seymour invoque son mentor pour exclure Trump et ses sectateurs de l'«espace public». On n'est pas loin d'une sorte de sainte Inquisition. Trump est ici tenu comme étant un vil «hérétique» de la démocratie libérale. Or, un «hérétique» est, selon la définition étymologique, celui qui choisit sa doctrine alors que, la vérité étant unique, il n'a pas à choisir.

Je comprends la douleur vive que ressentent les partisans gauchisants d'Hillary Clinton. On les voit contester et saccager ici et là. La tolérance, semble-t-il, aurait ses limites pour ces partisans. Du moins, quand cela fait leur affaire.

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