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Hors de l'Église, point de salut!

On exige des changements majeurs dans l'Église catholique pour penser entrevoir un jour la possibilité de la réintégrer. Rien d'étonnant dans cette attitude des Québécois puisque, comme dans leur rapport à l'État québécois, ils nourrissent d'énormes exigences.
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Dans sa chronique, « La critique de l'Église » (Journal de Montréal, 18 avril dernier), Denise Bombardier s'interroge sur l'éloignement des Québécois de l'Église catholique là où ils ont leurs racines religieuses. Des blessures imaginaires, plutôt que réelles, d'une Église jadis triomphante et toute-puissante hantent encore la psyché des Québécois.

J'en veux pour preuve le succès du film de Léa Pool, La Passion d'Augustine (2015). La passion de l'héroïne, de Mère Augustine (Céline Bonnier), pianiste de premier ordre, ce n'est pas tant le Christ, qui n'apparaît nulle part, ni la musique omniprésente, mais la liberté. Le film est ainsi une ode à la liberté individuelle contre toutes les formes de pouvoir, en l'occurrence la communauté religieuse. Bref, l'Église. Ce film veut être une sorte de règlement de compte avec une Église oppressive dans un monde où souffle partout en Occident un vent de liberté. C'est un film «politique» qui justifie aux yeux de Québécois qu'ils avaient toutes les raisons du monde de fuir le pouvoir aliénant de l'Église catholique.

Toutefois, aujourd'hui, la formule «Hors de l'État, point de salut!» est prégnante au Québec: il n'y peut donc y avoir de liberté que dans un État progressiste et omniprésent. Drôle de paradoxe.

Un jour, on demanda à Mère Teresa de Calcutta ce qui devait changer dans l'Église. Elle répondit par une phrase lapidaire: «Vous et moi!»

Aujourd'hui, plusieurs dans nos familles ont délaissé l'Église pour se tourner vers toute sorte de mouvements spirituels. Nous vivons à l'époque de la religion à la carte. On exige des changements majeurs dans l'Église catholique pour penser entrevoir un jour la possibilité de la réintégrer. Rien d'étonnant dans cette attitude des Québécois puisque, comme dans leur rapport à l'État québécois, ils nourrissent d'énormes exigences.

Il y a donc, d'une part, une soif intarissable de liberté, alors que, d'autre part, les Québécois comptent toujours sur l'Autre, soit l'État, voire l'Église. J'espère le jour où nous comprendrons que le problème avec l'Église ne vient pas de l'institution ecclésiale, mais de nous-mêmes.

Le propre - faut-il le rappeler - de la religion catholique, ce n'est pas l'Église, mais les autres, plus précisément la communauté des témoins de Jésus Christ.

Le propre - faut-il le rappeler - de la religion catholique, ce n'est pas l'Église, mais les autres, plus précisément la communauté des témoins de Jésus Christ. Le mot « église » est tiré du grec ancien, ecclésia, la communauté politique des démocraties grecques, comme le fut Athènes du temps de Platon.

L'Église, c'est d'abord une communauté rassemblée au nom de Jésus Christ.

Croire n'est pas strictement une affaire individuelle. La foi est donnée en Église. Lorsque Thomas exige de voir les marques physiques de l'agonie de Jésus sur la croix afin qu'il croie que Jésus est véritablement ressuscité, et que lorsque Jésus se montre à lui, c'est dans la communauté croyante que cette scène se déroule (voir Jean 20 24-29).

Cessons de revendiquer une Église idéale convenant à notre fantaisie.

Le point central est la redécouverte du mystère. Les Québécois doivent retrouver le sens du mystère. Certes, nous vivons dans une civilisation scientifique et technologique où le mystère a été banni. Nous vivons dans l'impression funeste que tout un jour finira par s'expliquer rationnellement. Par conséquent, il n'est pas du tout question de se remettre à croire à des histoires à dormir debout, tels des contes de fées pour enfants.

Dans notre civilisation humaniste où Dieu est chassé, nous nous croyons tout puissants. Mais, comme le disait un Père latin, saint Cyprien de Carthage: «Vide-toi de ce dont tu es plein, pour te remplir de ce dont tu es vide.» En somme, prenons conscience de notre pauvreté, de notre grande faiblesse, plus précisément notre manque d'amour. À ce moment-là, seulement, le Mystère se manifestera et nous serons remplis de Sa Grâce. Ce Mystère s'appelle «Don». C'est Celui qu'on appelle «Dieu». Mais il est plus signifiant de le désigner comme «Don». La question pour l'incroyant n'est pas celle de l'existence de Dieu, mais de la réalité du don dans son existence.

Si tu crois au Dieu-Don, tu seras en mesure de comprendre la béatitude proclamée par Jésus: «Heureux ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes, car le Royaume des cieux est à eux!» (Matt 5 3)

Je répète qu'il faut accueillir le mystère, ne pas le rejeter immédiatement comme on jette à la poubelle un feuillet publicitaire insignifiant. Comme l'écrit Éric-Emmanuel Schmitt: «La foi est une bénéfique humiliation de l'intellect. J'habite le mystère avec confiance.» Il ne faut pas cependant croire que l'intelligence abdique devant le mystère; qu'il est incompréhensible et qu'il le restera toujours. Au contraire. Le mot de saint Augustin, fides quaerens intellectum, dit bien ce dont il s'agit: l'intelligence de la foi.

Dernier point, mais non le moindre: l'islam. Le Québec est confronté à des personnes dont les croyances et les pratiques dérangent et troublent. Sachons profiter de la rencontre de l'autre, du différent, pour retrouver nos propres racines religieuses.

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Mai 2017

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