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Comme disait Foglia: le cul, c'est dans la tête

L'intentionnalité, comme je viens de le montrer succinctement, se trouve donc au cœur de la sexualité humaine.
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Membre de l'association des droits des femmes du Québec, Nadia El-Mabrouk s'inquiète de l'éventuel cours d'éducation sexuelle destiné aux jeunes. J'en suis, moi aussi, mais pas pour les mêmes raisons.

La vague de dénonciations pour agressions sexuelles qui a déferlé sur le Québec à l'automne dernier ainsi qu'un peu partout dans le monde a su fléchir le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, qui ordonne dès la rentrée en 2018 un cours d'éducation à la sexualité au primaire et au secondaire.

« Monsieur le ministre », plaide Nadia El-Mabrouk, « assurez-nous que dans ce cours à la sexualité vous allez mettre, comme valeur centrale, celle de l'égalité homme-femme. »

Il est clair que madame El-Mabrouk prêche pour sa paroisse. Son souci pour l'éducation elle-même reste toutefois bien loin dans l'arrière-fond.

L'égalité n'est pas une valeur qui concerne directement l'éducation. Je m'explique. Dans les anciens régimes monarchiques, il y avait éducation; il y avait enseignement - très souvent supérieur à celui qui se donne aujourd'hui. Mais cette éducation était réservée à un petit nombre. Cela blesse nos sensibilités égalitariennes démocratiques d'aujourd'hui.

Aussi, notre conception de l'éducation est foncièrement extrinsèque à l'éducation. C'est ce que le philosophe américain Robert Nozick décrit par « contraintes secondaires » (side-constraints). On peut aussi parler de « conditions structurelles ». C'est ce que l'on doit au fameux Rapport Parent dont la grande nouveauté fut la démocratisation de l'éducation pour tous. L'éducation elle-même ? Pas un mot. Cela est dorénavant du ressort des experts en science de l'éducation, les pédagogues et les didacticiens.

L'égalité en éducation à la sexualité: à quoi cela peut-il bien ressembler ? Que tous et toutes soient traités également ? Comment précisément ? Comme le dit madame El-Marbrouk en donnant aux femmes accès à la sexualité, ce dont bon nombre d'entre elles n'ont pas droit dans certains pays. Il s'agit donc d'une liberté égale à la sexualité. Avec l'égalité, la liberté est cette autre valeur démocratique sacro-sainte qui devrait encadrer l'éducation à la sexualité. Notons-le, nous sommes toujours dans les fameuses contraintes structurelles secondaires.

Mais n'y a-t-il pas des différences sur le plan de la sexualité entre les hommes et les femmes ? Non ! répliquerait une égalitariste convaincue. C'est précisément là où je ne suis pas d'accord, et où j'appréhende les contenus d'une éventuelle mouture de l'éducation à la sexualité.

Les féministes sont à ce point égalitaristes qu'elles sont prêtes à nier (ou renier) les différences hommes-femmes. Elles plaident la neutralité absolue des genres. Les transgenres s'en réjouissent puisqu'il importe peu dans les faits d'être biologiquement une femme ou un homme. Comme le disait vulgairement Pierre Foglia , dans une chronique sur le sujet (La Presse, samedi 11 décembre 2010), « Le cul, c'est dans la tête ». Vérité capitale.

Le docteur Sigmund Freud définissait ainsi la vie sexuelle : « Ce qui est sexuel c'est tout ce qui se rapporte à l'intention de se procurer une jouissance à l'aide du corps, et plus particulièrement des organes génitaux, du sexe opposé, bref de tout ce qui se rapporte au désir de l'accouplement et de l'accomplissement de l'acte sexuel. » (Introduction à la psychanalyse, chapitre 20, Petite Bibliothèque Payot, 2001, p. 365-366). Certes, Freud lui-même tient cette définition comme étant fort étroite, mais tout de même, selon lui, elle permet de cerner assez bien le domaine. En tout cas, cette définition convient parfaitement aux égalitaristes de tout poil puisque, peu importe qu'on soit homme ou femme, c'est le lot de nous tous : se procurer une jouissance à l'aide de nos organes génitaux. Donc, la vie sexuelle serait à peu près cela.

Pour ma part, je trouve cette définition fort réductrice. C'est le point de vue du scientifique sur cette pratique humaine, très humaine. Nous serions des machines à désir à combler. On oublie cependant que ne sommes pas des machines, mais des personnes. Dans une relation sexuelle, je rencontre une autre personne comme moi, pas seulement des organes génitaux.

Je parle bien d'une relation sexuelle. S'il est possible que certains entretiennent des désirs avec leur plante ou leur animal domestique, ou que sais-je encore, c'est toujours sous le mode d'une rencontre avec une personne, une personne humaine. La poupée gonflable est perçue comme si c'était une personne. Et le ridicule de cette histoire, c'est que la poupée en question n'est pas... une personne qui peut répondre à mes émerveillements.

D'où l'importance de la dimension de l'intentionnalité dans le désir sexuel ainsi que dans la relation sexuelle. L'intentionnalité, c'est cette propriété caractéristique de l'esprit humain d'être à propos de quelque chose. Quand je pense à quelque chose, je désigne quelque chose. Quand je désire sexuellement, je désire une personne ou quelque substitut qui renvoie en bout de piste à une personne. Si je fantasme sur les souliers féminins (ou masculins), c'est que je me représente une femme (un homme) les portant; bref, je ne désire jamais pour elle-même la chaussure. Dans tous les cas, c'est grâce à l'intentionnalité, comme propriété de l'esprit humain, que j'entre en relation avec autrui.

L'intentionnalité, comme je viens de le montrer succinctement, se trouve donc au cœur de la sexualité humaine. C'est ce que voulait dire Foglia en écrivant que le cul, c'est dans la tête. De sorte que, concluait l'ex-chroniqueur de La Presse, un cours d'éducation sexuelle n'est pas possible puisqu'on ne saurait objectiver cette part intime de nous-mêmes.

À ce propos, je recommande vivement la lecture d'un essai du philosophe britannique, Roger Scruton, Sexual Desire. A Philosophical Investigation (Continuum, 2006; publié la première fois en 1986). Foglia ainsi que madame El-Marbrouk apprendront que la conception « mécaniciste » de la sexualité est foncièrement erronée en tant qu'elle occulte la donnée fondamentale qu'est l'intentionnalité humaine.

Nous sommes tous différents, sexuellement parlants entre autres. Ce qui nous particularise sur ce plan, c'est notre intentionnalité. Et cette intentionnalité est également différente chez les garçons et les filles. Et cette différence dans l'esprit provient, qu'on le veuille ou non, d'une différence au niveau biologique. Il faudra bien un jour en finir avec l'égalitarisme tous azimuts.

Avril 2018

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