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Parfois, il faut juger

Est-ce donc que les médecins sont trop payés? Difficile question.
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J'ai envie de vous parler du salaire des médecins...

Je pourrais le faire par l'entremise d'un discours technique. J'insisterais sur le fait que leur mode de rémunération est excessivement complexe et opaque. Je soulignerais qu'ils bénéficient d'avantages fiscaux majeurs (statut de travailleur autonome, droit de s'incorporer, etc.) leur permettant d'obtenir, malgré qu'ils ne supportent aucun «risque d'entreprise», un revenu net qui n'a aucune commune mesure avec celui qu'obtiendrait un autre salarié gagnant le même revenu but. J'expliquerais, par exemple, qu'un médecin spécialiste gagnant 650 000$ peut profiter d'un taux d'imposition (corporatif) de moins de 30 % en plus de pouvoir déduire de ses impôts plusieurs dépenses et, dans une certaine mesure, fractionner son revenu avec les membres de sa famille. Je terminerais en affirmant qu'une telle complexité, vu qu'elle a pour effet d'empêcher à la population de se faire une idée claire du sort des médecins, devrait être évitée.

J'ai toutefois envie d'aborder la question d'un tout autre angle en vous invitant, même si vous n'êtes pas expert en fiscalité, à juger du comportement de certains - j'insiste sur le «certains» - médecins.

J'en entends me dire qu'«il ne faut pas juger».

Certes, il faut le faire avec ouverture et humilité. Il faut garder à l'esprit qu'on peut être dans l'erreur et, surtout, être prudent quant à ce qu'on fait après avoir jugé. J'affirme toutefois que le refus total du jugement et l'autocensure qui interdit la prise de position ailleurs que nos sujets «d'expertise» mènent à un relativisme absolu qui n'a rien de bon.

Est-ce donc que les médecins sont trop payés? Difficile question. J'imagine que plusieurs le sont tandis que d'autres ne le sont pas assez. Ce qui me trouble toutefois est notre attitude face à ceux qui pressent le citron.

On m'a raconté qu'un médecin, après avoir pesé l'utérus dont il venait de faire l'ablation, s'était ouvertement réjoui de la prime pour «gros utérus» qu'il allait recevoir. On m'a aussi signalé que, vu la prime versée pour les opérations faites après minuit, il arrive que des chirurgiens prennent leur temps pour se préparer lorsqu'ils «risquent» de débuter à 23h45...

Je ne peux dire si ces choses sont fréquentes. Dans le deuxième cas, j'aimerais que la RAMQ fasse un examen (chose simple si ses bases de données sont adéquates) afin de vérifier la distribution des heures de début de chirurgie. Observer un creux dans la période qui précède le changement de taux serait inquiétant tandis qu'une observation contraire pourrait combattre l'image que certains se font aujourd'hui des médecins.

Une chose m'apparaît cependant claire. Trop de gens en sont venus à croire que tout doit être permis lorsqu'il est temps pour chacun de maximiser ses revenus. Aussi, il temps de renverser la vapeur et de faire en sorte que ceux qui étirent la sauce, surtout s'ils gagnent déjà dans les six chiffres, soient un peu gênés de le faire.

Bien entendu, les modes de rémunération pourront et devront toujours être améliorés. Nos politiciens ont un rôle à jouer de ce côté et j'espère que la population exigera continuellement des mécanismes toujours meilleurs. Toutefois, je me demande si la population n'a pas elle aussi un rôle plus direct à jouer. N'est-il pas temps de refuser, collectivement et sans gêne, les abus?

Il n'est plus concevable, dans la plupart des milieux, de traiter un homosexuel de «tapette». Cela se produit d'ailleurs de moins en moins en partie parce que le faire amène nécessairement une forme de honte bien justifiée. Bien entendu, cela ne règle pas tout... Malheureusement, une partie des bigots d'hier se sont aujourd'hui simplement transformés en bigots discrets. Je crois cependant que d'autres ont évolué précisément à cause de la fin de l'acceptabilité sociale de certains comportements.

De la même façon, certains des médecins qui abusent, certaines personnes de toutes les professions en fait, ne le feront que plus discrètement si nous refusons avec force les comportements qui ne sont que vulgaire cupidité. Je suis cependant persuadé que d'autres, qui ne se sont peut-être jamais réellement posé la question, en viendraient à «se garder une petite gêne».

Faites-moi donc cette année un cadeau de Noël. Jugez.

Attention! Je vous demande de condamner personne. Je vous implore de ne traiter personne d'imbécile, de n'engueuler quiconque. Je vous demande simplement, la prochaine fois que votre belle-sœur ou votre confrère de travail agira comme si la vie en communauté pouvait fonctionner lorsque chacun ne pense qu'à tirer sur la couverture le plus fort possible, d'oser leur faire sentir, gentiment et avec respect, que ce n'est pas ce que vous croyez...

Qui sait, peut-être réussirons-nous à engendrer ensemble cette vague d'humanisme dont nous avons cruellement besoin.

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Mai 2017

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