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Pour vivre ensemble, il faut savoir parler

Il me semble exagéré de prétendre que de permettre l'assermentation à visage couvert équivaudrait à tolérer l'extrémisme ou à renoncer à l'égalité entre les sexes.
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Ce texte ne porte ni sur le niqab, ni sur la liberté de religion. Il porte sur le respect des différences d'opinion.

Aussi, bien que le niqab soit mon point de départ, je souligne que la question l'entourant actuellement n'aura aucune influence sur mon vote aux prochaines élections. Il me semble exagéré de prétendre que de permettre l'assermentation à visage couvert équivaudrait à tolérer l'extrémisme ou à renoncer à l'égalité entre les sexes; aussi exagéré que de prétendre que de l'interdire signifierait la fin des libertés individuelles au Canada.

Qui plus est, accepter comme on le fait aujourd'hui que des employeurs mettent à pied des employés n'interagissant pas avec le public pour avoir tenu des propos, aussi stupides soient-ils, à l'extérieur du travail m'apparaît, bien que personne n'en parle, une plus grande menace aux libertés individuelles que l'éventuelle interdiction de couvrir son visage lors de certains actes rares et spécifiques.

Mais parlons un peu de libertés individuelles.

On conviendra qu'il y a des circonstances sous lesquelles il est approprié qu'un État restreigne les libertés de certains pour garantir les droits des autres. On ne peut crier «Au feu!» dans un endroit bondé...

Bien rares sont cependant les situations où il est si facile de trancher.

Pour ma part, je suis d'avis que la liberté de religion en est aujourd'hui venue à remporter trop facilement la donne. Par exemple, il m'apparaît inconcevable de dispenser une personne de porter un équipement de sécurité obligatoire, disons un casque sur un chantier de construction, pour des motifs religieux. Les mécanismes tels la CSST, qui permettent une certaine solidarité dans de tels contextes, s'en trouveraient menacés.

De la même façon, je conçois que le port d'un vêtement rendu obligatoire pour des raisons sanitaires ne devrait pas passer derrière le droit de s'imposer des dogmes religieux, et je verrais très mal qu'on permette au membre d'un jury, homme ou femme, de siéger à visage couvert sans empiéter de façon inacceptable sur le droit de l'accusé de faire face à ses accusateurs.

Je suis aussi de ceux qui souhaitent éviter les évaluations de la sincérité des croyances. Il faudra toujours juger «des cœurs et des âmes» pour de graves questions, notamment pour distinguer entre un meurtre et un homicide involontaire. Toutefois, devant des questions comme celle du port du kirpan à l'école, j'aimerais qu'on tranche la question de façon plus objective. Si le kirpan ne présente aucun danger, pourquoi l'interdire au catholique ou à l'athée? S'il est dangereux, est-ce que le sacrifice demandé pour le bénéfice des autres membres de la communauté scolaire est réellement inhumain? On l'interdit ou on le permet, puis on passe à autre chose...

Est-ce que l'accès à la citoyenneté doit se faire à visage découvert? Est-ce qu'une vérification préalable de l'identité suffit? Je ne sais pas...

D'un côté, l'importance réelle de la cérémonie est plutôt limitée. Par contre, je vois une contradiction profonde entre l'idée d'un pays ouvert, favorisant les relations cordiales entre ses citoyens, et celle d'une attitude à ce point «physiquement fermée» qu'elle ne cache le visage. Aussi, mon malaise n'a rien à voir avec la religion et serait tout aussi grand devant quelqu'un portant le type de bandeaux que l'on voit lors de manifestations contre la brutalité policière.

Ce qui m'amène au vif du sujet. Est-ce que les états d'âme que je présente ici font de moi un intolérant ou un xénophobe?

Je crois que non. Je crois aussi qu'un enjeu est aujourd'hui d'une bien plus grande importance que ce qui précède.

Bernie Sanders mène présentement aux États-Unis une campagne qui me redonne un espoir dont nos politiciens me vident cruellement ces temps-ci. Candidat très libéral, favorable au droit à l'avortement et au mariage gai, il prononçait récemment ces mots devant le public farouchement conservateur et catholique de la Liberty University:

I believe from the bottom of my heart that it is vitally important for those of us who hold different views to be able to engage in a civil discourse. [... It] is easy to go out and talk to people who agree with you. [...] That's what politicians by and large do. We go out and we talk to people who agree with us. But it is harder, but not less important, for us to try and communicate with those who do not agree with us on every issue. And it is important to see where if possible, and I do believe it is possible, we can find common ground.

Après de longues réflexions, de nombreuses lectures et diverses expériences personnelles, et malgré mon grand libéralisme, je garde un malaise face au vote à visage couvert. Peut-être est-ce là le fruit d'une autre de ces contradictions qui font de moi ce que je suis. Peut-être aussi qu'il y a des raisons légitimes, des raisons liées à un humanisme ne dépendant d'aucune religion, qui expliquent ce malaise. Peut-être aussi que mes impressions, après d'autres échanges posés et réfléchis, viendront à changer...

D'ici là, je demande cependant à ceux qui se drapent de prétendues ouverture et tolérance de ne pas m'accuser injustement de xénophobie, ou d'autrement m'assimiler à un quelconque homme de Cro-Magnon...

Sur la question du niqab, comme c'est le cas pour une multitude de questions ô combien plus importantes, traiter l'opinion qui n'est pas la sienne comme si elle était complètement ridicule, en la simplifiant souvent à l'extrême, est, à mon avis, tout aussi dangereux que la manœuvre de diversion qu'on observe aujourd'hui de la part du Parti conservateur.

Pour vivre ensemble, il faut savoir parler...

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