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Lettre ouverte à la gauche

Impossible de commencer cette lettre sans remercier le 25% estimé de québécoises et de québécois qui ont décidé de voter stratégiquement pour leafin que vivent certaines idées de gauche, les nôtres, qu'ils défendent corps et âme. Et gardons bien à l'esprit leur pincement au cœur lorsqu'ils ou elles ont déposé leur bulletin dans l'urne...Sans eux, Charest serait encore au pouvoir, les frais de scolarité auraient augmenté de 75%, la langue française continuerait de s'éteindre, la corruption se serait accrue, etc.
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Impossible de commencer cette lettre sans remercier le 25% estimé de québécoises et de québécois qui ont décidé de voter stratégiquement pour le PQ afin que vivent certaines idées de gauche, les nôtres, qu'ils défendent corps et âme. Et gardons bien à l'esprit leur pincement au cœur lorsqu'ils ou elles ont déposé leur bulletin dans l'urne...Sans eux, Charest serait encore au pouvoir, les frais de scolarité auraient augmenté de 75%, la langue française continuerait de s'éteindre, la corruption se serait accrue, etc.

Merci aux électrices et électeurs qui n'avaient pas voté en 2008 de s'être rendus aux urnes.

Félicitations à ces femmes députées, et particulièrement à Mme Marois et Mme David, pour leur ténacité malgré les propos misogynes et haineux à leur encontre ces derniers jours dans certains médias sociaux et commentaires à certains articles de journaux. Cela demeure une avancée pour la place des femmes dans notre société et pour la perception que les hommes ont d'elles. Merci à toutes ces électrices qui, au cours des précédentes élections, ont été à chaque fois plus nombreuses que les hommes à voter solidairement, à gauche.

Les partis de gauche, plus que tous les autres, devraient privilégier l'intérêt commun et non l'intérêt privé (voire l'intérêt de leur parti) comme le fait la droite. C'est pour cela avant tout que je suis de gauche, pour la solidarité entre les gens et le respect de l'environnement.

Depuis trop longtemps la droite parvient à faire reculer les idées de gauche en les qualifiant de radicales, voire d'extrémistes. Le gouvernement Charest, relayé activement par les médias populistes, est parvenu à jeter l'opprobre sur toutes les formes d'opposition au système néolibéral et a réussi à convaincre la majeure partie de la population de leur « dangerosité ». Malgré cela, le PQ, la principale opposition au pouvoir à cette dictature de la pensée, avait amorcé un virage à gauche. Et nous avons raté ce virage...

Malgré le Printemps érable, les milliers de manifestations dans tout le Québec, les évènements organisés par Occupons Montréal et bon nombre d'organisations de gauche, ainsi que l'élection de Mme Marois, la gauche n'a pas avancé par rapport à la droite depuis les dernières élections. Au contraire, malgré la petite victoire du PQ, les citoyen(ne)s se sont radicalisés à droite et la plupart des idées de gauche pour contrer activement le système néolibéral n'aura que peu de chance d'émerger dans un avenir proche sur la place publique (je ne parle pas des quelques journaux de gauche peu lus ou les médias sociaux). La portion des députés de gauche du PQ a désormais les mains liées et devra obligatoirement faire des compromis avec une droite plus radicale pour parvenir à gouverner un tant soit peu.

Il y a plusieurs explications à cette victoire de la droite : vote fédéraliste, peur du changement, illusion d'un rétablissement de l'ordre public suite au désordre que nous avons connu depuis plusieurs mois, etc. Il est par contre plus difficile de comprendre pourquoi 16 des 21 ministres du gouvernement Charest ont été réélus, soit 75% des membres d'un gouvernement dont les allégations et les preuves de corruption à son encontre ont fait les manchettes de journaux durant tout leur mandat! Mais avant de voir la poutre dans l'œil de l'autre, commençons par voir la paille très gênante qui est dans le nôtre...

C'est de notre devoir à tous que de comprendre les mécanismes, les idées et les attitudes qui ont mené à cette réalité complexe à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés. Certains diront que ce n'est pas une solution que de chercher un coupable à la demi-catastrophe qui a eu lieu le 4 septembre au soir. Ils diront que ce n'est pas le temps de diviser encore plus la gauche lorsque la droite est devenue encore plus forte et encore plus à droite que jamais par rapport aux élections de 2008. Je partage leur opinion. Autour de moi, bien des personnes que j'estime m'ont répété cent fois : À quoi t'attendais-tu avec une population qui vote pratiquement à 65 % à droite? Que pensais-tu que nous pouvions faire de plus en étant minoritaire? Cette modeste lettre tente de répondre à ces questions...

La situation ne résulte pas tant de l'attitude de l'individu de gauche que de la combinaison de trois problématiques :

L'échec du Front commun

Bien qu'ils avaient peu de temps après l'annonce des élections pour s'y préparer, le PQ, ON et QS n'ont pas su s'accorder malgré le fort appel au Front commun de la population de gauche. Tous avaient beaucoup à perdre et ils ont perdu beaucoup : Aucun représentant d'ON n'a été élu, Le PQ est très minoritaire et QS aurait pu avoir davantage de députés. Sans blâmer l'un plus que l'autre, je ne peux m'empêcher de penser que le PQ, le plus puissant, aurait pu faire davantage d'efforts que les deux autres... Je suis de gauche!

Notons que ON et QS sont parvenus à s'entendre, mais sur une circonscription seulement. Quant aux candidats du PQ, ils ont voulu avancer seuls, ils gouverneront seuls, difficilement et pour pas longtemps... La droite attend sa revanche!

Échec, donc, de nos responsables politiques à réaliser ce Front commun qui devait nous éviter une autre problématique beaucoup plus contraignante : le vote stratégique.

Le vote stratégique affaibli

Une seule réalité : un mode de scrutin majoritaire à un tour discriminant, car non représentatif des opinions de la population. Le PQ en avait fait un de ses projets, puis l'a abandonné comprenant qu'un autre mode de scrutin aurait pu lui nuire. Il n'a absolument pas compris qu'en proposant une réforme de ce mode de scrutin, il aurait pu s'attirer davantage d'électrices et d'électeurs le 4 septembre. Seuls QS et ON proposaient une telle réforme, il n'y que 2 députés pour la défendre aujourd'hui...

Une seule solution : le vote stratégique, trop mal compris ce « traître »! Ce dernier n'avait que deux vertus : faire naître davantage d'idées de gauche à l'Assemblée nationale et, par là, dans l'opinion publique, mais surtout enrayer la puissante machine de droite néolibérale. S'il nous a évité le pire, la gifle est de taille :

Le nombre total de circonscriptions qui ont été perdues à cause de l'incapacité des responsables de partis à faire front commun pour faire reculer la droite et de la division des votes de gauche : 13! Ainsi, 8 circonscriptions où c'est l'évidence même, le PQ a perdu de 900 à 3 000 voix à peine contre la CAQ ou le PLQ alors que QS et ON en possédaient le double, voire beaucoup plus: Groulx - Jean-Lesage - La Prairie - Laurier-Dorion - Papineau - Richmond - Saint-Jérôme - Trois-Rivières - Verdun. Et 5 circonscriptions où le PQ aurait pu passer de justesse: L'Assomption - Maskinongé - Mégantic - Montarville - Saint-Henri-Sainte-Anne.

Au final, nous aurions pu obtenir un front commun de gauche de 69 sièges et la droite en aurait obtenu 56. Si le PQ, QS et ON s'étaient entendus, nous aurions pu faire élire 3 ou 4 député(e)s de QS et M. Aussant de ON, en plus de donner un gouvernement majoritaire au PQ ou encore un gouvernement PQ minoritaire obligé de négocier avec les forces de gauche.

Mais comment juger négativement ces personnes qui ont voté avec leur cœur, ce cœur qu'encouragent les idéaux de la gauche? Car leur cœur parle et parle fort, combien de fois les ai-je entendu proférer tel un sortilège capable de repousser magiquement le mal, se disant à eux-mêmes pour se rassurer comme à l'ennemi qui leur fait face pour l'écarter : « Je vote avec mon cœur! ».

Les bonnes raisons pour voter avec son cœur étaient nombreuses et toutes vertueuses (permettre le financement de leur parti, etc.). Malheureusement, les meilleures intentions n'ont pas suffi et n'auraient pas suffi même si le 25% de votants stratégiques avait voté avec son cœur... QS et ON, comme prévu, n'ont ou n'auraient pas obtenu plus de députés. Ces merveilleuses intentions gisent désormais sur le linceul de ce dogme romantique.

L'abstention des puristes aux élections

Les radicaux de gauche, plus que quiconque, comprennent à quel point il y a une urgence de changement, que le système ultra capitaliste ne fait pas qu'exploiter les peuples à la faveur de quelques richissimes individus, mais réduit également à néant nos ressources naturelles (pollution, déforestation, exploitation à outrance des matières premières, réduction de la biodiversité, extinction d'espèces animales sur terre, dans la mer, etc.).

Inflexibles, anarchiques, comprendront-ils que la réalité est plus têtue qu'eux et surtout plus radicale : ils ont pourtant tant subi la répression de cette police d'état toujours plus performante!... Ils font montre d'une véritable politique défensive de la terre brûlée qui s'apparente à bien des égards à un forme de religion : « peu importe si le monde brûle, si mon monde doit brûler, peut importe le nombre de survivants au chaos, le monde renaîtra et si je dois mourir, je serai mort pur » pensent-ils.

Comme ceux qui ont voté avec leur « cœur » - le cœur lui aussi à ses raisons... - ils se plaignent déjà que les frais de scolarité risquent d'augmenter un peu plus que promis initialement par le PQ! Pourquoi s'étonnent-ils lorsqu'ils ont décidé de rendre délibérément le PQ minoritaire (voire même de le faire échouer) et de contraindre ce dernier à négocier avec la CAQ et le PLQ? Ne blâmez pas le PQ... car même si vous avez vaillamment défendu, comme nous, maintes et maintes fois ce droit fondamental qu'est l'accessibilité à l'éducation pour tous et désirez la gratuité scolaire, vous avez réduit à une peau de chagrin ce rêve en ne participant pas à la construction démocratique d'un meilleur système qui, comme un individu, ne s'améliore jamais en un jour!

Ce qui est fait est fait, la gauche doit maintenant avancer en s'unissant et surtout s'ouvrir aux réalités : La majorité silencieuse, nous l'aurons compris, est à droite. Montréal est aussi à droite que le reste de la province. Et la souveraineté est plus que jamais incertaine : nous devons convaincre nos voisins de droite, les anglophones et particulièrement les immigrants que ce projet est culturellement, économiquement, écologiquement viable et meilleur que le projet fédéraliste, ou alors l'abandonner pour sortir de cette impasse qui divise plus encore les citoyen(ne)s et permet à la droite d'être aussi forte qu'elle est.

Nous devons impérativement faire avancer la démocratie : modifier la loi électorale, et donc le mode de scrutin, au plus vite pour redonner à chacun(e) l'envie de participer efficacement à son avenir.

Aidons-nous à faire émerger les idées qui sauront convaincre l'électorat de droite et faire avancer notre société dans une voie plus consciente de son environnement et plus solidaire de son prochain... Ne luttons pas contre nous-mêmes ou, dans les faits, contre nos idées, même si elles n'avancent que lentement. Nous devons reconquérir l'opinion publique avec nos meilleurs atouts, le cœur et la tête, au risque que, dans moins de deux ans, la droite reprenne sa route infernale et nous projette tous contre un plus grand mur...

Jean-François Mauger, militant pour Québec Solidaire.

Les promesses du PQ

Grand rassemblement de Québec solidaire en 2012

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