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Pour nourrir la planète... bleue

L'exposition universelle 2015 qui a ouvert ses portes à Milan a retenu pour thème: «Nourrir la planète, énergie pour la vie». Le grand retour de la question alimentaire nécessite de s'intéresser sans doute davantage aux ressources halieutiques de la «planète bleue».
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L'exposition universelle 2015 qui a ouvert ses portes à Milan, le 2 mai, a retenu pour thème: "Nourrir la planète, énergie pour la vie". Vaste programme! Le grand retour de la question alimentaire nécessite de s'intéresser sans doute davantage aux spécificités de la "planète bleue": ses ressources halieutiques.

Entre 1950 et 2000, la production agricole mondiale a augmenté plus rapidement que la population planétaire. Et la quantité alimentaire moyenne disponible actuellement par habitant n'a jamais été aussi importante. Mais en dépit de l'augmentation concomitante de la production vivrière et des échanges commerciaux, la faim et la malnutrition chroniques demeurent une réalité pour des centaines de millions de gens. C'est pourquoi Expo Milano 2015 invite à "réfléchir et chercher des solutions aux contradictions de notre monde: si une partie de la population mondiale souffre de la faim (environ 870 millions de personnes sous-alimentées dans la période 2010-2012), d'autres personnes meurent à cause d'une alimentation incorrecte ou d'une consommation excessive de nourriture (environ 2,8 millions de décès liés à l'obésité ou à une surcharge pondérale). De plus, chaque année, environ 1,3 milliard de tonnes d'aliments sont gaspillées." Dans un rapport conjoint publié en 2014, la Banque mondiale et la FAO (Food and Agriculture Organization) estiment que "l'agriculture classique sera, à terme, faute de terres cultivables et de ressources en eau suffisantes, incapable de subvenir à tous les besoins humains".

Des limites physiques à l'extension de la production agricole

Alors que près d'un milliard d'êtres humains souffre de sous-alimentation chronique, et deux millions de sous-nutrition, "qu'adviendra-t-il en 2050, quand nous ne serons plus 6 milliards comme en 2000, mais 9 milliards de bouches?", se demande Jean-Paul Charvet dans son Atlas de l'agriculture (Autrement, 2012). Le principal défi concerne l'accès aux ressources. Et en premier lieu aux terres cultivables.

Les espaces agricoles couvrent en effet moins du tiers des terres émergées. Et ces "agrosystèmes" sont à la fois très inégalement répartis à l'échelle de la planète et très diversifiés, car reflétant des traditions historiques et des conditions géographiques hétérogènes, "les 18 % de terres agricoles irriguées assurant 40 % de la production agricole mondiale". Or la terre cultivable est une ressource de plus en plus rare: "Entre 1980 et 2005, les superficies des terres cultivées n'ont progressé que de 4,5 % -à la faveur des fronts pionniers agricoles développés en Asie du Sud-Est, en Afrique et en Amérique latine-, alors que la population mondiale augmentait de 45 %". Cette très faible progression est accentuée par le phénomène d'étalement urbain, la concurrence des productions industrielles (comme le coton) et dans l'accès à l'eau, qui font de la terre cultivable une ressource de plus en plus stratégique, et de la "délocalisation offshore de productions agricoles" un enjeu géoéconomique majeur. Si le cas de la Chine est connu, de plus en plus de pays achètent ou louent des terres agricoles à l'étranger: Inde, Japon, Corée du Sud, Arabie Saoudite et autres pays du Golfe (Bahreïn, Qatar, EAU), Égypte, etc.

Mais cette "course à la terre" s'effectue bien sûr au détriment des populations locales, privées des moyens d'assurer leur propre consommation, ou la vente de leur production, par le contrôle de leurs ressources. Les principaux pays "cibles" sont, au regard du nombre d'hectares concernés, l'Indonésie, le Soudan, l'Ouganda, les Philippines, l'Argentine, la Russie, le Sénégal, l'Éthiopie, le Pakistan, la Malaisie, l'Ukraine, Madagascar, mais aussi les États-Unis, le Mali, le Laos, etc. Ce phénomène en expansion n'est pas neutre dans les tensions croissantes que l'on observe sur les prix, tandis qu'elle encourage une "course à productivité" qui n'est pas sans fin, ni risque, pour les écosystèmes et la santé des consommateurs.

Les perspectives de l'aquaculture

Pour les organisateurs de l'Exposition universelle 2015, "il faut mettre en œuvre des politiques avisées, développer des styles de vie durables et même avoir recours à des technologies de pointe pour trouver un équilibre entre la disponibilité et la consommation des ressources." Parmi ces "nouveaux horizons", il y a bien évidemment l'océan. Dès le milieu des années 1970, l'explorateur et océanologue Jacques-Yves Cousteau observait: "la nécessité de nourrir une humanité toujours plus nombreuse nous obligera à nous tourner vers la mer, avec une nouvelle compréhension, mais aussi de nouvelles technologies".

Nous y sommes. Avec une montée en puissance, au détriment d'ailleurs de la pêche naturelle, de la consommation de poissons d'élevage. Il y a trente ans, celle-ci ne représentait pas 11 % de la consommation de produits halieutiques. Elle frôle aujourd'hui les 50 % et devrait atteindre les 60 % à l'horizon 2030. L'offre totale de poissons issus de fermes marines est passée de 5 millions de tonnes en 1980 à 63,6 millions en 2011. Pour la Banque mondiale et la FAO, "les produits de la mer peuvent jouer un rôle majeur non seulement pour assurer la sécurité alimentaire des plus pauvres, mais aussi pour satisfaire le goût d'une classe moyenne mondiale grandissante". Sachant que, déjà, "16,6 % des protéines animales consommées par l'homme viennent de la mer", et que l'aquaculture concerne aujourd'hui plus de 200 espèces, y compris le thon rouge depuis la sélection génétique d'une espèce capable de se reproduire en captivité...

Ce dernier point est capital. Il souligne la nécessité d'une approche raisonnée de cette "blue revolution", afin d'éviter le risque de dérives techniques et scientifiques, fruit de la course à la rentabilité et aux profits immédiats, qui a déjà failli détruire l'agriculture dans de nombreux pays. Dans une enquête publiée dans ses pages "sciences" le 19 février dernier, l'hebdomadaire Valeurs actuelles rappelle ainsi que "le suremploi d'antibiotiques a entraîné l'apparition de virus ultrarésistants à l'origine de deux crises majeures. D'abord en 2010, au Chili, où une épidémie a ravagé les élevages de saumons, atteints d'anémie mortelle. Ensuite en 2012, avec une surmortalité des crevettes qui a atteint toute la zone Asie (Thaïlande, Vietnam et Chine), et s'est prolongée jusqu'au Mexique". Ajoutées aux conséquences déjà visibles par endroits sur l'environnement et la pollution de l'eau, le spectre des OGM plane sur les fermes marines.

Pour aller plus loin:

"Nourrir la planète? Agriculture et alimentation, des questions géopolitiques", note d'analyse géopolitique CLES de Grenoble Ecole de Management, n° 160, 30/04/2015

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Mai 2017

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