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L'espace, plus que jamais une nouvelle frontière

Ce «basculement du monde» en faveur de l'Asie s'observe dans bien des domaines, mais il n'est pas anodin qu'il s'exprime également dans l'espace, territoire d'affirmation symbolique de la puissance.
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La conquête de l'espace cosmique s'accélère

Cet été 2016 est décidément riche en annonces et avancées concrètes dans le domaine spatial. Alors que la sonde Mars Reconnaissance Orbiter permet à la NASA de diffuser des images spectaculaires de la planète rouge, les scientifiques chinois viennent de dévoiler le modèle d'un robot censé atterrir sur Mars en 2020.

Et si l'agence spatiale russe (Roskosmos) annonce qu'elle enverra son premier touriste dans l'espace d'ici deux ans, Virgin Galactic vise ses premiers vols commerciaux dès 2017, ayant obtenu le 1er août l'aval de la FAA, l'agence américaine en charge de la réglementation aérienne, pour lancer de nouveaux tests.

Plus que jamais, le spatial est à la fois un territoire de puissance et de développement commercial, de «coopétition» internationale.

De la connaissance scientifique au business

La soif de découverte, mais aussi d'exploit technique et scientifique, a dès l'origine alimenté l'aventure spatiale. Derrière l'image quelle que peu irénique de la station internationale ISS, symbole des programmes civils à visée scientifique, les enjeux de puissance ne sont jamais loin, et la compétition entre États est la norme.

La sonde OSIRIS-REx a été lancée avec succès le 9 septembre dernier par la NASA. Chargée de réaliser un prélèvement sur l'astéroïde Bennu, qui menace de s'écraser sur notre planète d'ici un à deux siècles, sa mission principale est ailleurs: à l'instar de la sonde Rosetta de l'Agence spatiale européenne (programme Philae), il s'agit d'étudier les origines exogènes de la vie. C'est-à-dire, en réalité, d'en apprendre davantage sur le potentiel minier des astéroïdes et sur nos capacités à exploiter les millions de tonnes de métaux précieux que ces astres pourraient renfermer.

Ce sont également des objectifs industriels et commerciaux que poursuivent des acteurs comme le milliardaire Richard Branson, dont le but est de vendre des vols suborbitaux à une clientèle privilégiée.

Cette nature duale n'est qu'apparemment paradoxale. Depuis la première révolution industrielle au moins, les découvertes scientifiques ont tout à la fois dilaté le savoir humain et ouvert de nouveaux marchés.

Et à l'origine de la course à l'espace, on retrouve la compétition idéologique mais également économique que se sont livré les deux blocs, lors de la Guerre froide, pour représenter la seule voie possible vers le «progrès».

Un enjeu de puissance

Reste que l'aventure spatiale ne s'improvise pas, et est inséparable de capacités militaires, de nature balistique.

«La conquête de l'espace naît dans un monde bipolaire structuré par le fait nucléaire et profite des progrès réalisés pendant la Seconde Guerre mondiale par l'Allemagne pour développer une nouvelle arme de guerre à longue portée, les missiles V2», rappelle la géographe Isabelle Sourbès-Verger, du Centre Alexandre Koyré (CNRS/EHESS). «Ainsi, les décideurs qui ont financé les premières technologies spatiales avaient en tête des préoccupations très concrètes: renforcer leur position stratégique face à un adversaire»(«Espace et géopolitique», dans L'information géographique, 2010).

C'est ce qui explique que l'espace s'ouvre à de nouveaux entrants qui maîtrisent, sinon l'arme nucléaire, du moins la technologie des missiles balistiques (Israël, Inde, Pakistan, Chine, Iran), tout en restant dominé par les vieilles puissances industrielles (États-Unis, Russie, pays de l'Union européenne, Japon dans une moindre mesure).

À eux trois, les États-Unis, la Russie et l'Europe possèdent les deux tiers des engins actuellement en orbite.

Et parmi les dix pays qui se partagent 83 % des capacités de lancement, on retrouve les États-Unis avec 424 mises sur orbite en 2010 (45 %), l'Europe (11 %), la Russie (10 %), la Chine (6 %), le Japon (4 %) et l'Inde (2 %).

Les ambitions chinoises et indiennes caractérisent ce «basculement du monde» en faveur de l'Asie qui s'observe dans bien d'autres domaines. Mais il n'est pas anodin que ces ambitions s'expriment également dans l'espace, territoire d'affirmation symbolique de la puissance.

Car si l'espace cosmique nous invite naturellement à prendre de la hauteur, il nous rappelle l'importance de penser géopolitiquement le monde. Pour Pierre-Marie Gallois, «la géopolitique est l'étude des relations qui existent entre la conduite d'une politique de puissance portée sur le plan international et le cadre géographique dans lequel elle s'exerce» (Géopolitique - Les voies de la puissance, L'Âge d'homme, 2000). Dès lors qu'il devient le théâtre de l'activité humaine, l'espace n'est plus un monde éthéré: il devient un nouveau territoire organisé par et pour la volonté des hommes. Pour le meilleur et potentiellement pour le pire.

Pour aller plus loin: Vers une nouvelle géopolitique de l'espace?, note d'analyse géopolitique CLES de Grenoble École de management n° 192, 15/09/2016 - à lire sur http://notes-geopolitiques.com

Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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