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Scandalisez-moi!

Nous vivons dans une société où les gens ont besoin de voir la peur et le danger pour se sentir concernés. On a besoin de sentir ce que d'autres vivent pour réaliser à quel point nous sommes bien dans notre petit chez nous.
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Autrefois, il y a très jadis, le scandale pouvait coûter très cher. Aujourd'hui, on a tendance à penser qu'il peut plutôt rapporter... À l'heure où la course au fracas ne manque pas de candidats, il faut se rappeler ces siècles passés où une phrase un peu grossière pouvait mener au bûcher.

Ne vous inquiétez pas, je ne regrette pas le temps du bâillon et du bâton. Je veux encore moins déprécier les vertus de la liberté d'expression et de création. Je crois par contre qu'il n'est pas inutile de se demander si l'utilisation qu'on en fait est à la hauteur des sacrifices des gens qui sont allés la chercher, corps et âme.

Des photographies violentes pour réveiller les consciences

Au mois d'août dernier, cette photographie d'un enfant syrien ensanglanté assis dans une ambulance à Alep a choqué le monde. Il est devenu le dernier de beaucoup trop d'images pour symboliser les horreurs de la guerre civile. Omran Daqneesh, un garçon de cinq ans, est couvert de la tête aux pieds d'une couche de poussière après avoir été sauvé des décombres suite à un raid aérien dans un quartier rebelle. Cela rappelle la photographie traumatisante d'un petit garçon syrien retrouvé mort noyé sur la plage d'une île grecque.

Ces images ont bouleversé les consciences sur le drame des réfugiés, mais ont également soulevé des questions sur l'éthique des journalistes. Fallait-il ou non publier ces photos?

Tandis que beaucoup occidentaux sont devenus anesthésiés aux souffrances du peuple syrien, les photographies d'enfants victimes de la guerre touchent encore une corde sensible en Occident.

«Les larmes ont commencé à couler lorsque j'ai pris la photo», s'est rappelé le photographe Mahmoud Raslan, qui est lui-même le père d'une petite fille de seulement sept jours à l'époque. «Je me suis dit que ce pouvait être elle. Il pourrait s'agir de n'importe quel enfant d'Alep ou de la Syrie». C'est grâce à cet effet proche de notre réalité que la photographie acquiert son plus grand pouvoir. Il a continué : «Aujourd'hui, je me suis réveillé, j'ai vu le monde entier regarder la photo et en parler. Je me suis dit, j'espère que toutes les photos d'enfants et d'attaques en Syrie deviennent virales pour que le monde sache ce que c'est que la vie ici. Si les gens savaient ce que c'était, peut-être que la guerre cesserait.»

Tous les médias ont parlé de cette guerre et c'est seulement en voyant ces photos à l'exposition du World Press Photo que je me remets en question? Comment cela est-il possible?

On ne se sent pas vraiment concernés lorsque nous voyons ces images dans les médias. Celles-ci sont accompagnées de tellement d'informations et de titres qu'il est impossible de s'arrêter et de ressentir ce que ces gens vivent là-bas.

La force de l'image

La société s'est longtemps demandé quelle était la force de l'image et quelle était sa place dans les médias. Dans cette salle d'exposition, des gens silencieux et complètement absorbés, choqués et émus par des photos montrant des conflits de guerres, des conditions de pauvreté, ainsi que des réalités sociales complètement traumatisantes.

Nous vivons dans une société où les gens ont besoin de voir la peur et le danger pour se sentir concernés. On a besoin de sentir ce que d'autres vivent pour réaliser à quel point nous sommes bien dans notre petit chez nous.

«C'est une photo terrible. C'est une bonne chose que cette photo fasse réagir les gens. Souvent les gens disent "on ne savait pas". Mais là, avec une telle photo, les gens "savent". Et ils ont donc la responsabilité de faire quelque chose. Souvent les gens passent leur chemin, car ils ont du mal à appréhender les choses. Évidemment, on ne peut pas toujours agir. Qu'un enfant meure d'une telle manière, ce n'est pas normal. Souvent les victimes sont des innocents. En particulier les enfants. Je n'ai pas d'enfant moi-même, mais ça me fait mal quand je vois une photo pareille. Aux États-Unis, il a fallu du temps pour que les gens réalisent que ceux parmi les sans-abris qui souffraient le plus étaient les enfants. Mais les gens oublient. Donc c'est une très bonne chose que cette photo soit remarquée». - Eli Reed photographe américain

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