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La solution de Trump contre l'immigration: construire «un grand mur»

Quelques heures à peine après un déplacement-surprise au Mexique, à l'invitation du président Enrique Peña Nieto, Donald Trump a délivré son message phare sur l'immigration. C'était son deuxième grand discours dans cette campagne après celui sur l'économie, début août, mais de loin le plus attendu.
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Quelques heures à peine après un déplacement-surprise au Mexique, à l'invitation du Président Enrique Peña Nieto, Donald Trump a délivré son message phare sur l'immigration. C'était son deuxième grand discours dans cette campagne après celui sur l'économie, début août, mais de loin le plus attendu. Il s'est montré ferme sur ses options et a relancé vigoureusement sa campagne, qui avait marqué le pas ces dernières semaines, en revenant à ses fondamentaux.

C'est à Phoenix, dans l'Arizona, que le candidat républicain a conclu ce qui est désormais appelé par ses partisans la "semaine de l'immigration" dans une campagne elle-même fortement marquée par cette thématique. Toute la semaine, en effet, lui ou son entourage ont multiplié les déclarations sur une possible déportation massive, sur le mur qui est prévu à la frontière avec le Mexique, ou à propos des voies qui seront éventuellement ouvertes pour certains vers une naturalisation. Étrangement, personne depuis un an ne s'oppose aux arguments de Donald Trump alors qu'en réalité l'immigration avec le Mexique est négative depuis le début de la récession, en 2007: désormais le différentiel est de 140.000 personnes qui repassent chaque année la frontière dans l'autre sens.

L'immigration est donc au centre de la campagne depuis le 16 juin 2015: Donald Trump a fait sensation ce jour-là en s'en prenant très durement aux immigrants venus du sud, parmi lesquels il y a, selon ses propos "des voleurs" et "des violeurs". Il a alors déclenché une protestation quasi unanime de la classe politique, tant à gauche qu'à droite, mais pas des électeurs, qui ont très vite indiqué qu'ils étaient d'accord avec ces propos. "Il faut en finir avec le politiquement correct", a très vite insisté le milliardaire new-yorkais, avant de se livrer à des déclarations de plus en plus outrancières et, finalement, de désigner un autre groupe, les musulmans, comme étant une catégorie à risque.

Depuis une semaine pourtant, des rumeurs ont fait état d'un changement de stratégie profond, qui pourrait même aller jusqu'à la proposition de permettre la régularisation d'immigrants illégaux. Ce serait alors aller à l'encontre de tout ce que les républicains ont défendu depuis des années, notamment lorsqu'ils ont mis en échec le DREAM Act proposé par Barack Obama, qui poursuivait justement ce même but de régularisation. D'ailleurs, Rush Limbaugh, un journaliste très conservateur et très influent s'en est aussitôt pris assez violemment à Donald Trump en l'accusant de faiblir et rejetant d'avance ces régularisations en particulier.

Dans un tel contexte, Donald Trump vient certainement de marquer une nouvelle fois la campagne de son empreinte et espère avoir marqué des points qui compteront: sa visite au leader mexicain, en premier lieu, a été un coup de maître : personne n'a compris pourquoi le président du pays qui déteste le plus au monde le candidat républicain a lancé cette invitation que, bien entendu, Donald Trump a aussitôt acceptée: l'image qui restera sera celle d'un Donald Trump debout à la tribune, lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre, parlant posément et à égalité avec un des grands de ce monde. Cela lui a instantanément donné la carrure présidentielle qui lui manquait et qui justifiait la plupart des attaques venant du camp Clinton.

Quelle erreur également de la part d'Enrique Peña Nieto qui n'a fait aucun reproche à celui qui s'en prend si souvent à ses concitoyens. Il l'avait pourtant traité de "Hitler" quelques mois plus tôt! Enfin, il n'est pas revenu non plus, alors qu'il en avait là une occasion toute trouvée, sur le paiement de ce fameux mur qui, si on en croit l'insistance de Donald Trump à répéter cette affirmation dans ses meetings, doit "être payé par le Mexique". Le républicain pourra donc s'amuser encore à faire participer la salle qui aime tant répéter en cœur ce slogan. Le retour de Donald Trump sur le sol américain a donc été triomphant. Il a fait durer l'effet, restant de longues minutes dans son avion posé sur le tarmac de l'aéroport de Phoenix tandis que les télévisions multipliaient les images de cet avion et de la salle où il était attendu.

Pour ses partisans, Donald Trump est certainement apparu contre l'homme fort, qui a eu le courage d'aller affronter les Mexicains et qui sera le rempart à l'avenir contre toute invasion.

La salle était surchauffée pour accueillir le discours et la réaffirmation que l'Amérique doit être défendue par un homme fort. On s'attendait à ce que ça ne soit pourtant plus à cette salle-là que Trump s'adresserait: il sait que ses partisans ne le lâcheront plus, quoi qu'il dise désormais. C'est pourquoi le discours devait viser un nouveau public. La fenêtre de tir était très étroite, mais l'intention aurait pu être de transformer l'essai du déplacement diplomatique. Car le public qu'il doit désormais atteindre est celui qui a été choqué par son intolérance. Au premier rang, il y a donc les femmes, une catégorie qui n'est pas si acquise que cela à Hillary Clinton et à partir de laquelle il pourrait élargir sa base électorale.

Rien de tout cela toutefois: poursuivant sur la dynamique de sa campagne, Donald Trump a ainsi développé son plan en s'évertuant à apparaître comme l'homme de la situation: un protecteur, fort et déterminé. En clair, Trump a fait du Trump, voire encore plus Trump que Trump. Il a mis l'accent sur l'insécurité et les crimes commis par des immigrants illégaux. S'il a promis de construire une relation nouvelle avec le Mexique, pour mettre fin au pouvoir des cartels, et faire cesser les trafics, notamment de drogue et d'armes, une maigre concession aux plus modérés, il a ensuite développé un programme dur contre l'immigration illégale, affirmant qu'il serait celui qui dirait la vérité sur l'immigration ou revendiquant le notre droit de choisir les immigrants qui aiment l'Amérique. Selon lui, la politique d'Obama sur l'immigration a été faible et insensée et les immigrants illégaux reçoivent plus que ce qu'ils rendent à la société. Enfin, Obama et Clinton ont bradé la sécurité du pays au profit de frontières poreuses et les réfugiés sont un danger potentiel, a affirmé le leader du GOP.

Son plan est alors tombé point par point, le premier étant la réaffirmation qu'il y aura bien la construction d'un grand mur à la frontière et que le Mexique va payer pour le mur. La sécurité a été le thème principal, qui justifie les points suivants : tolérance zéro pour les criminels étrangers, triplement du nombre de policiers aux contrôles des frontières ou création d'une force spéciale pour la déportation. La question des visas a occupé une grande partie de son discours, pour expliquer la nécessité du renforcement des contrôles, du développement d'un fichier biométrique et des poursuites contre ceux qui restent avec un visa périmé. S'en prenant toujours aux sans-papiers, Donald Trump a promis d'être impitoyable, repoussant l'idée d'une amnistie quelconque, promettant la fin de l'accès à toutes les allocations "qui ne doivent bénéficier qu'aux citoyens et immigrants légaux", qu'à ceux qui partagent les valeurs de l'Amérique et aiment ce pays.

Pour ses partisans, Donald Trump est certainement apparu contre l'homme fort, qui a eu le courage d'aller affronter les Mexicains et qui sera le rempart à l'avenir contre toute invasion. Dans quelques jours s'ouvrira un nouveau temps dans cette élection, qui s'appelle "early voting", et qui permet de voter en avance dans certains États. On sait qu'un tiers des électeurs voteront ainsi un peu plus tôt et il fallait leur envoyer un message fort : Donald Trump a fait le pari de racler les fonds de tiroirs pour ramasser les derniers électeurs blancs et âgés du centre rural du pays qu'il pouvait encore conquérir. Car avec un tel discours, il y a peu de chance qu'il ait séduit les classes plus intellectuelles ou les urbains qui vivent sur les deux côtes Atlantique et Pacifique. Il aura au moins fait une victime ce soir: le président Enrique Peña Nieto qui a eu beau tweeter pendant le discours qu'il ne paiera pas pour le mur et qui devra expliquer à ses concitoyens pourquoi un tel personnage a été reçu avec les honneurs deux heures avant un tel discours.

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Jean-Eric Branaa: Qui veut la peau du Parti républicain? L'incroyable Donald Trump, éditions de Passy, 2016.

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