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Que le Parti républicain repose en paix

La convention républicaine vient de s'achever avec le sacre de Donald Trump, qui a prononcé le discours final, celui censé mettre tout le monde sur les rails pour la campagne qui va s'ouvrir dans à peine un mois.
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La convention républicaine vient de s'achever avec le sacre de Donald Trump, qui a prononcé le discours final, celui censé mettre tout le monde sur les rails pour la campagne qui va s'ouvrir dans à peine un mois.

Donald Trump a accepté la nomination... avec humilité.

Les mots sont importants en politique. Un peu d'humilité chez Trump, ça l'est aussi. Pourtant, derrière ces quelques mots qui semblent bien anodins, il y a la révélation de ce qu'est cet homme: un stratège hors-pair.

En baissant d'un ton, en calmant les choses, en prétendant se ranger, Donald Trump a déclenché une nouvelle vague de commentaires qui participent à sa présidentialisation. Tous ceux qui l'ont critiqué, commenté, descendu en flèche se voient bien forcés de dire et écrire aujourd'hui qu'il n'a plus l'air d'être le même homme. Et ils participent bien malgré eux à la construction du personnage, tel qu'il veut se vendre lui-même. Car le message véhiculé sera celui du changement. Autrement dit qu'il est maintenant apte au poste.

En quatre jours seulement.

Le premier jour a été celui du rejet

Deux anciens présidents (George Bush et George W. Bush), le 41e et le 43e ont refusé d'être présents, comme c'est pourtant la tradition. Trump est trop loin d'eux, de leur conception de la politique, et le discours qui est le sien est un discours qui sème la haine. Pour les mêmes raisons, il n'y a pas eu non plus de discours avec les anciens candidats, ceux de 2008 et de 2012, John McCain et Mitt Romney. Eux aussi ont trouvé mieux à faire ce jour-là.

Jeb Bush, ancien favori de cette campagne et John Kasich, deux anciens challengers de Trump ne sont pas venus non plus. Ils avaient pourtant signé un document en septembre 2015 dans lequel ils s'engageaient à soutenir le gagnant de la primaire. En réalité, ils voulaient que le document soit surtout signé par Trump, pour que ce dernier n'aille pas porter une candidature en indépendant: Bush et Kasich n'avaient pas imaginé le scénario cauchemardesque de leur défaite et de sa victoire. Circonstance aggravante enfin pour Kasich: il est le gouverneur de l'État qui accueillait la Convention. Son absence a donc été très remarquée et jugée «très embarrassante.»

Le deuxième jour a été celui de la contestation

On attendait bien quelques protestations à l'extérieur du centre omnisports qui abritait la Convention: le maire de Cleveland avait autorisé les manifestations, tout en déployant un service de sécurité à faire pâlir n'importe quel État dans le monde. Ce qu'on n'avait pas prévu, c'est que la grogne pouvait se glisser à travers tous ces filtres et se propager de l'intérieur. Les délégués du Texas ou de la Virginie ont finalement osé défier le maître des lieux et faire connaître à tous les autres délégués leur mécontentement. «On ne veut pas d'un RINO (Republican in Name Only, quelqu'un qui n'a de républicain que le nom) quand on est un authentique républicain». Ils ont porté leur message à l'Amérique et au monde. Bien sûr, les meubles avaient été un peu sauvés, avec le choix du vice-président, un authentique conservateur, issu des Tea parties et véritablement anti-tout: anti-avortement, anti-LGBT, anti-mariage gai...

Certains avaient aussi imaginé qu'en concoctant un programme très conservateur, les plus récalcitrants allaient faire contre mauvaise fortune bon cœur... Ils ont donc eu 60 pages de mode d'emploi du conservateur parfait pour un monde qui remonte aux années 50 ou 60. Mais, déjà, on voyait la faille, puisque Trump y a fait ajouter des éléments invraisemblables. Le rétablissement de la loi Glass-Steagall, une véritable déclaration de guerre au libéralisme et à la mondialisation, ou une main tendue à la communauté gaie avec sa solution à l'affaire des toilettes pour les transsexuels, une affaire qui a empoisonné les débats politiques dans plusieurs États du Sud et pendant plusieurs mois: il n'est donc pas étonnant qu'il y ait eu l'incident du troisième jour.

Le troisième jour a été celui de la menace

Le Texan Ted Cruz a longtemps résisté face à Donald Trump. Il l'a attaqué sur chaque phrase, sur chaque mouvement, sur chaque action. Pour s'en débarrasser, Trump a fini par l'insulter, le surnommant Lying Ted (Ted le Menteur) et ne l'appelant plus que par ce sobriquet jusqu'à la fin des primaires. La surprise avait donc été grande d'apprendre qu'il viendrait faire un discours lors de ce grand show: plutôt beau joueur.

Sauf que Ted avait une idée derrière la tête, celle de prolonger la campagne et de réitérer ses craintes: que le candidat du parti ne soit pas le porteur de l'idéologie qui est, à ses yeux, le ciment de son engagement politique. En 2013, il a été celui qui a provoqué un shutdown (blocage financier) en menant la fronde contre le vote du budget fédéral, pour imposer une attitude de refus du compromis avec Barack Obama. Comment pourrait-il accepter un candidat qui a réalisé l'exploit de décrocher l'investiture du parti sans jamais défendre une seule des valeurs dudit parti? Alors Ted Cruz l'a prévenu: il faudra que cela change. Sinon, il ne sera pas élu, a-t-il prévenu, en incitant les militants et sympathisants de son camp à voter «en conscience.»

La réponse de Trump: faire du Trump

On nous dit donc que la réponse de Trump a été de se calmer et d'être plus posé, ce qui serait une attitude nouvelle. Rien n'est plus faux. Il convient au contraire de préciser que les 3 500 délégués présents dans la grande salle de la Convention ont été surchauffés pendant les trois premiers jours. Pour essayer de créer une unité entre eux, on leur a donné en pâture la candidate du camp d'en face, Hillary Clinton, qu'ils ont proposé de mettre en prison ou de déporter, à travers des commentaires déplacés, des hurlements ou vociférations scandés en rythme. Certains ont même lancé des appels au meurtre. Oui, ça a été également cela, la Convention républicaine.

Trump a alors eu beau jeu de monter sur scène et d'appeler au calme: il savait que ces troupes-là n'avaient pas besoin de grand chose de plus pour exploser. Face à cette colère qu'il a attisée lui-même, il est apparu comme le pacificateur, lui qui a incendié toute la campagne et tout le pays pendant huit mois: un comble.

Enfin, au sommet de sa stratégie, il a délivré son message de campagne. Depuis le 16 juin 2015, il savait qu'Hillary Clinton serait au rendez-vous final. Son projet du repli sur soi de l'Amérique qu'il propose n'était qu'une réponse à l'extrême technicité de la candidate démocrate sur tous les sujets internationaux (qui ne rêverait pas d'un débat Trump-Clinton sur la politique étrangère?). Comme il ne peut pas combler ce retard, il a fait comme il sait si bien le faire et il a inventé un contre-feu: si elle est la candidate de l'extérieur, il sera donc celui de l'intérieur. Son «Make America Great Again» (rendre sa grandeur à l'Amérique) s'est transformé en «je serai votre voix»... Le propre slogan d'Hillary Clinton, lorsqu'elle a annoncé son entrée en campagne en avril 2015 et qu'elle est partie sur les routes de l'Iowa à bord de son petit van surnommé Scoubidou.

L'homme n'a peur de rien et ne recule devant rien. En se déclarant «La voix de l'Amérique» il a tendu la main à tous ceux que les politiciens n'écoutent plus: les ouvriers, les classes moyennes, les LGBT qu'il a fait applaudir par un parterre d'ultra-conservateurs remontés comme des pendules (l'exploit!), et même les Afro-Américains qu'il assure comprendre, ou les Hispaniques.

Le Parti républicain ne retrouve pas ses petits dans cette campagne. Avec le refus des uns et des autres, Donald Trump est lui-même confronté au refus de deux blocs très puissants, la droite extrême et l'Establishment, qui n'ont plus qu'un seul ciment: lui.

Lorsqu'il ne sera plus là, qu'il gagne ou qu'il perde, le parti va mesurer la faille qui sépare les uns et les autres, faille que Trump a contribué à agrandir, pour mieux les contrôler et se rendre indispensable. Reince Priebus termine son mandat à la tête de ce parti. Bon courage à celle ou celui qui prendra sa place.

Jean-Eric Branaa est l'auteur de "American Touch (parlez-moi de vous)", Editions de Passy (2016)

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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