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Le demi-échec de Solar Impulse 2

Étonnante la discrétion avec laquelle la presse traite ce qu'il faut bien nommer le demi-échec de Solar Impulse 2. Le dernier communiqué de l'avion solaire est assez réfrigérant. Le vol ne reprendra pas avant le mois d'août et surtout il ne pourra plus être bouclé cette année.
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Étonnante la discrétion avec laquelle la presse traite ce qu'il faut bien nommer le demi-échec de Solar Impulse 2. J'ai suivi cette aventure avec intérêt et sympathie depuis les débuts, sans les a priori négatifs de ceux à qui Bertrand Piccard donne de l'urticaire. Mais le dernier communiqué de l'avion solaire est assez réfrigérant. Le vol ne reprendra pas avant le mois d'août (alors qu'on parlait d'abord d'une escale technique de trois jours à Hawaï), et surtout il ne pourra plus être bouclé cette année. Ses promoteurs préparent l'opinion depuis quelques semaines en déclarant que ce n'est pas si grave que ça de terminer en 2016. Or ça l'est plus qu'ils ne veulent bien l'admettre.

La dernière cause du retard est que les batteries trop isolées ont surchauffé entre Nagoya et Hawaï pendant le vol sans escale de cinq jours. Certaines ont subi des dommages "irréversibles", leur remplacement prendra "plusieurs semaines". André Borschberg a aussi déclaré dans une interview qu'elles avaient baissé jusqu'à 10% de leur capacité pendant le vol.

De plus, l'aide au pilotage n'a cessé de bombarder Borschberg de fausses alertes au début du vol, et il a fallu prendre la décision risquée de la débrancher et rebrancher, et d'envoyer un complément de programme informatique par satellite. On imagine ce qu'aurait entraîné une panne de l'instrument: ne pouvant plus s'y fier au cours d'un vol ininterrompu de cinq jours où il devait bien se reposer parfois, donc faire une confiance aveugle au système d'alerte, André Borschberg n'aurait eu d'autre choix que de "poser" son avion dans l'eau, ou de le sacrifier et d'attendre les secours.

Ce ne sont donc pas des ennuis mineurs, mais des problèmes vitaux qu'a rencontrés Solar Impulse 2, dont on rappellera que le développement a pris plus de dix ans et englouti plus de cent millions de francs. C'est là qu'on peut déjà parler de demi-échec, même si l'avion boucle son périple sans encombre. Car le message martelé depuis le début, ces jours encore - "l'avenir de l'humanité appartient aux technologies propres, faites confiance à leur potentiel" - rend un son fêlé.

Non, ça ne marche pas si bien que ça. Dans le cas de Solar Impulse, ces technologies poussées à leur extrême limite restent très fragiles, pour un rendement pas si extraordinaire que cela. Comme le relevait il y a quelques semaines avec une pointe de perfidie le chroniqueur de la NZZ, Solar Impulse 2 n'est au fond rien d'autre qu'un énorme planeur recouvert de cellules solaires, hypersensible au vent et vite cloué au sol.

Certes, il a battu des records, mais au prix d'une sollicitation extrême des équipements et du pilote. À force d'insister sur cet aspect de l'aventure, le message qui en résulte devient ambigu, pour ne pas dire contreproductif: "les technologies clean restent quelque chose de très pointu, hors de portée du commun des mortels", aussi bien en termes de fiabilité qu'en termes de coût.

L'affaire des batteries surchauffées est particulièrement ennuyeuse, car les techniques d'isolation étaient justement un des exemples que citait volontiers Bertrand Piccard quand on l'interrogeait sur les transferts technologiques rendus possibles par son défi. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas, les problèmes de Solar Impulse 2 ne sont pas de nature insurmontable et servent précisément à faire avancer la technique. Mais il y a eu dans ce projet un tel battage médiatique, à la limite messianique sur l'avenir vert que, tel Jésus marchant sur les eaux, Solar Impulse 2 devait, dans l'imaginaire collectif, survoler les difficultés comme les océans, ou s'y abîmer. Le scénario de l'entre-deux, compliqué et étiré jusqu'à l'ennui, n'avait pas été envisagé. C'est avec celui-là qu'il va falloir travailler désormais.

Billet précédemment publié sur le blogue de Jean-Claude Péclet, Béquilles.

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