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Peut-être ne suis-je pas si mauvais après tout?

Ce qui a cependant changé de façon déterminante et irrémédiable depuis mon adolescence, c’est le regard que je porte aux femmes. Il y a eu un avant et un après.
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Sans cette rencontre et ce livre, je me serais peut-être laissé influencer par certains hommes de ma génération.
tommaso79 via Getty Images
Sans cette rencontre et ce livre, je me serais peut-être laissé influencer par certains hommes de ma génération.

En 1980, j'ai 16 ans et je suis éperdument amoureux de ma première vraie blonde. C'était du solide et du sérieux. À cet âge-là, et si je me rappelle de mon état d'esprit à l'époque, on a davantage envie sans le savoir, d'être amoureux avec l'amour. Ce qui n'enlève rien à ma flamme de l'époque. J'avais donc choisi de jeter mon dévolu sur Catherine (non fictif, pour ne pas la nommer). J'avais beaucoup d'affinité avec elle et nous partagions une sensibilité commune. Elle semblait avoir compris qui j'étais.

Catherine, c'est aussi celle qui m'a dépucelé. Ç'a été une première fois, digne de ce nom : un moment magique, romantique, doux, affectueux et charnel. Une étreinte que j'aurais voulu faire perdurer, jusqu'à en perdre le sommeil. Dieu que j'étais romantique. Je le suis encore aujourd'hui, bien entendu. Ce côté de moi n'a pas changé. (Tant mieux pour ma blonde)

Ce qui a cependant changé de façon déterminante et irrémédiable depuis cette époque, c'est le regard que je porte aux femmes. Il y a eu un avant et un après.

Ce qui a cependant changé de façon déterminante et irrémédiable depuis cette époque, c'est le regard que je porte aux femmes. Il y a eu un avant et un après.

Au moment de mon arrivée dans l'univers familiale de Catherine, j'étais loin de me douter que ses parents allaient divorcer quelques mois plus tard. Catherine non plus, je crois.

Au fur et à mesure de mes allées et venues et de ma tranquille insertion dans cette famille, j'ai commencé à être de plus en plus témoin de scènes de disputes, de jalousie, de manipulations et de toutes les choses pas belles qui font que lentement mais sûrement, un couple marié avec deux enfants en arrive à se séparer, puis à divorcer.

Durant de nombreux soupers qui ont suivis ce tragique événement, Catherine et moi avons été de bonnes oreilles pour Corinne, la mère de Catherine. Elle, qui cherchait désespérément à épancher sa peine et sa douleur, résignée à se refaire une autre vie et à croire à nouveau en l'amour, ne manquait pas de nous servir plusieurs mises en garde et avertissements concernant la vie de couple.

Durant ses nombreux discours, Corinne avait évoqué à maintes reprises son amertume envers les hommes. Sa rupture difficile avec Gilles, ses nombreuses infidélités ainsi que ses problèmes d'alcool et ses accès de colère et de violences conjugales l'avaient tranquillement amené à perdre confiance en l'homme, le mâle. Le besoin de s'élever contre ces abus de pouvoir typiquement mâles l'amena tranquillement à adopter un discours et un ton résolument féministes.

Je reconnaissais à travers son témoignage, des comportements et des discours de mâles qui me faisaient honte.

Le discours répétitif de Corinne faisait tranquillement écho chez moi. Je reconnaissais à travers son témoignage, des comportements et des discours de mâles qui me faisaient honte. J'avais soudainement honte d'appartenir à ce sexe. Chaque fois, je me faisais un devoir d'écouter. D'abord par compassion, puis ensuite pour essayer de comprendre et de prendre la pleine mesure de la situation.

Le père de Catherine avait quitté définitivement la maison familiale pour aller vivre seul et fréquenter librement sa maîtresse. Sa mère avait mis la maison en vente et déménagé dans un appartement à Montréal. Ce qui nous laissa Catherine et moi, seuls pendant plusieurs mois dans une grande maison unifamiliale, alors que je n'avais que 17 ans et que j'allais encore au CÉGEP.

Avant de partir définitivement vers Montréal, Corinne me parla d'un livre qu'elle venait de terminer et qui selon elle, décrivait parfaitement la situation qu'elle venait de vivre. En plus de venir lui donner raison et de supporter et consolider son discours féministe, Toilettes pour femmes, de Marylin French lui avait fait l'effet d'un véritable baume au cœur et venait de panser plusieurs de ses blessures.

Touché par ses révélations et interloqué par l'effet dévastateur que semblait avoir eu le passage d'un homme dans la vie d'une femme que celui-ci est censé aimer, je lui ai demandé sans hésitation de me prêter son livre.

Un jeune homme de 17 ans, qui vient à peine de découvrir le théâtre, qui aime et qui joue de la musique rock, ne va pas d'emblée, du jour au lendemain se mettre à lire un livre de 488 pages comme ça. Pas questio... J'étais beaucoup trop party animal et trop tripeux pour m'asseoir et lire un livre en fumant une pipe, comme un mon oncle.

Je me sentais devenir résolument plus féministe et plus solidaire avec les femmes.

Cependant, je sentais que les émotions qui m'habitaient à ce moment avaient été abondamment exacerbées par des sentiments d'injustice, de désir de solidarité envers toutes ces femmes et aussi de culpabilité en tant qu'homme en devenir, faisant partie de la même génération. À la suite des propos de Corinne, j'avais commencé à sentir le besoin d'exercer un regard de plus en plus critique envers mes congénères. Je me sentais devenir résolument plus féministe et plus solidaire avec les femmes. Ce mouvement qui s'emparait de moi, allait devenir irréversible et allait m'habiter pour toujours.

Pour la suite des choses, je devais, pour mon propre salut et celui de ma génération essayer à tout le moins, de contribuer à ma façon au mieux-être de nos relations. Je me disais que de lire ce livre, était le minimum obligatoire que je pouvais et devais faire, ne serait-ce que pour tenter de trouver réponse à mes questions, de comprendre et tenter d'agir pour le mieux pour la suite de ce qu'allait être ma vie.

À partir de ce moment, j'étais résolu à lire ce livre et je me suis fait un devoir de le terminer.

Sans cette rencontre et ce livre, je me serais peut-être laissé influencer par certains hommes de ma génération.

Après ma lecture et ma rencontre avec Corinne et son histoire, ma vie n'a plus jamais été la même. Ce roman existentialiste décapant et à couper le souffle m'a forcé à me ramener là où je devais être. Sans cette mise à jour, cette immense prise de conscience, qui sait si je ne serais pas devenu un mauvais homme, un salaud. Sans cette rencontre et ce livre, je me serais peut-être laissé influencer par certains hommes de ma génération. Je n'ose pas y penser. J'aurais sûrement pris un mauvais pli.

Ou peut-être que non. Peut-être que ce mauvais pli n'existe pas et qu'il n'a jamais existé. Enfin, j'espère. Peut-être que ce sentiment de culpabilité et d'impuissance qui m'habitait déjà à 17 ans était révélateur de ma personnalité et de mon désir de justice et de compréhension devant des comportements mâles inadmissibles et inappropriés.

Peut-être ne suis-je pas si mauvais après tout?

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Avril 2018

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