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Gaza: personne n'a retenu la leçon

L'escalade de violences entre Israël et Gaza devrait nous rappeler les vieilles leçons qui restent à retenir et des nouvelles réalités qui doivent être prises en compte. Chaque attaque ou assaut qui a été lancé dans le but "de donner une leçon" ou de "riposter à une attaque" n'a servi qu'à justifier l'attaque suivante.
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reuters

GAZA - L'escalade de violences entre Israël et Gaza devrait nous rappeler les vieilles leçons qui restent à retenir et des nouvelles réalités qui doivent être prises en compte.

Tout d'abord, parmi les vieilles leçons, figure le fait que les vagues successives de violences qui ont caractérisé l'histoire du conflit israélo-palestinien n'ont rien produit d'autre que plus de morts et de destructions, plus de souffrances et d'insécurité, et plus de colère de part et d'autres.

Chaque attaque ou assaut qui a été lancé dans le but "de donner une leçon" ou de "riposter à une attaque" n'a servi qu'à justifier l'attaque suivante. Et cela dure depuis des décennies.

La leçon qui aurait dû être retenue et qui ne l'a pas été apparemment, est que la violence ne mettra pas un terme à l'occupation, comme elle ne mettra pas un terme à la résistance contre l'occupation.

On peut seulement se demander si lorsque Israël a décidé d'abattre Ahmed Jaabari, elle était assez folle pour croire que cet attentat mettrait fin au conflit.

Pour avoir déjà emprunté ce chemin, où les assassinats n'ont seulement conduit qu'à une escalade de violences, puis à une violence généralisée, on aurait pu espérer que quelqu'un dans le haut commandement d'Israël aurait rappelé 2008 ou 2006 (ou tant d'autres épisodes sanglants et tragiques du passé) et prévenu que "rien de bon ne viendra de cela".

Quand j'ai entendu l'ambassadeur israélien déclarer ce soir que "nous devons en finir avec eux, ainsi nous pourrons nous asseoir avec les modérés et enfin évoquer la paix", j'ai compris que personne n'avait retenu la leçon.

Des journalistes israéliens plus cyniques ont spéculé que le gouvernement Netanyahu cherchait la bagarre pour faire une démonstration de force préélectorale, qui mettrait sur la touche les partis d'opposition deux moins avant le scrutin.

Si les Israéliens font de tels calculs politiques sans scrupules, on peut se poser de sérieuses questions sur leur équipe dirigeante. On peut d'ailleurs faire remarquer que lorsque le gouvernement d'Israël a fait ce même genre de calculs par le passé, il a au contraire souvent perdu un important soutien électoral. D'un autre côté, si Netanyahu & Co voulaient juste donner une leçon au Hamas & Co, on peut s'interroger encore plus sérieusement sur leur capacité de jugement.

La même observation peut être faite du côté palestinien.

A quel moment vont-ils comprendre que la vengeance n'est pas une stratégie et que lancer sur Israël une pluie de missiles sans cible particulière n'est qu'un acte stupide et criminel? Criminel parce qu'il peut conduire à la mort d'innocents, et stupide parce qu'il donne à Israël le prétexte d'y répondre par un déferlement de forces disproportionnées. Alors que cela s'est déjà produit tant de fois par le passé, on ne peut que se demander pourquoi la leçon n'a pas été retenue.

Il y a de nombreuses spéculations dans les médias arabes concernant les plans du Hamas et sa compétition avec d'autre groupes à Gaza.

Depuis qu'il a gagné les élections il y a plus de cinq ans, le Hamas doit choisir entre essayer de gouverner, ou continuer à agir comme un groupe de "résistance". Durant une courte période, il a semblé qu'il était prêt à se comporter comme une autorité responsable, essayant de contrôler les attaques transfrontalières et organisant avec l'aide du Qatar un grand effort de reconstruction de Gaza.

Mais cette phase fut de courte durée. Après l'assassinat de Jaabari, le Hamas a mordu à l'hameçon israélienne et mettant en péril ses avancées, il a commencé à agir comme n'importe quel groupe armée. La leçon n'a pas été retenue.

Le monde entier doit aussi tirer une leçon de tout cela -à savoir qu'il n'est pas avisé de faire une croix sur la Palestine.

Au moins une fois tous les dix ans, les experts et les hommes politiques considèrent la question palestinienne comme condamnée, suggérant que la région est passée à autre chose et qu'elle est désormais focalisée sur "de plus grands sujets". C'est en réalité le vœu le plus cher des Israéliens.

Netanyahu a passé la plus grande partie de ces quatre dernières années à faire capoter les efforts de paix entre Israël et Palestine, cherchant à placer l'Iran en priorité de l'agenda des Etats-Unis. Ajoutez à cela le Printemps Arabequi a bouleversé l'ancien équilibre de la région et la cacophonie sanglante qu'est devenue la Syrie, et on dirait que la Palestine a disparu des préoccupations.

Le monde arabe a certes bien d'autres chats à fouetter et la région est instable, mais c'est si souvent le cas qu'en un instant, la Palestine revient au premier plan. C'est d'ailleurs aussi une vieille leçon: ne jamais imaginer que ce qui arrive en Palestine se limitera à la Palestine. Pour des raisons historiques et culturelles, quand les Palestiniens sont blessés, ce sont les Arabes qui saignent. La Palestine, pour les Arabes, reste "une blessure au cœur qui ne s'est jamais refermée".

C'est une vieille leçon, mais avec un nouveau tournant.

Par le passé, quand Israël obtenait gain de cause avec les Palestiniens (ou avec le Liban comme en 2006 ou durant les années 1990), malgré l'indignation générale, les chefs arabes ne s'en mêlaient pas.

Mais suite au Printemps Arabe, l'opinion du peuple arabe a désormais de l'importance. Les gouvernements, anciens et nouveaux, écoutent le peuple et réagissent plus aux clameurs de la rue. Si Israël cherchait à reproduire 2008/2009 et entreprenait de lancer un assaut terrestre massif, le nouveau gouvernement égyptien aurait du mal à rester silencieux car sa propre légitimité serait alors en jeu. La Jordanie, faisant face à un mécontentement public grandissant, serait aussi compromise.

L'escalade de violences mettrait même l'administration Obama dans le pétrin.

Essayant toujours de réparer les bourdes dévastatrices des années Bush et les contretemps venus de son propre échec à établir la paix entre Israël et la Palestine, la dernière chose dont l'Administration a besoin est un bain de sang à Gaza qui enflammerait toute la région.

Dans une certaine mesure, Washington a déjà établi son agenda à court terme pour le Moyen-Orient.

Washington a paru prêt à renouveler ses efforts avec l'Iran pour trouver un arrangement concernant le programme d'enrichissement nucléaire du pays. Et ayant œuvré avec succès avec les alliés de la région à reconstruire l'opposition syrienne, en créant un corps plus représentatif pouvant alors recevoir de l'aide, les Etats-Unis et ses partenaires étaient prêts à essayer d'accélérer la fin du conflit.

Ces plans capoteraient si les affrontements à Gaza devaient échapper à tout contrôle, des Etats-Unis qui se mettraient alors clairement du côté d'Israël, s'aliénant ainsi l'opinion publique arabe.

Ici encore, une vieille leçon qui mérite d'être rappelée: une administration n'est pas jugée sur sa capacité à mettre en œuvre l'agenda qu'elle a mis en place elle-même, mais sur sa façon de réussir à gérer ce qu'elle n'a pas prévu.

Puisque personne ne va gagner et que tout le monde va perdre, on peut imaginer que le bon sens l'emportera et que les affrontements actuels s'arrêteront, faute de généralisation du combat.

Mais considérant le passé des participants, c'est peut-être faire preuve de trop d'espoir. Avec les Israéliens menaçant d'une nouvelle autre confrontation "décisive"; des groupes palestiniens menaçant de "grandes surprises" encore à venir; et un congrès américain donnant son soutien inconditionnel à Israël, contredisant ainsi l'administration qui soutient de façon plus réservée le droit à la légitime défense, mais appelle aussi à un cessez-le-feu général, il semblerait que nous soyons "repartis" -sans avoir retenu une leçon du passé et en ignorant les nouvelles réalités.

Que Dieu nous sauve de notre folie.

Les images du conflit compilées par nos collègues américains. Attention, certaines photos peuvent choquer.


GRAPHIC WARNING: Israel And Gaza Tensions


Les photos des funérailles d'Ahmad Jaabari


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Ahmad Jaabari Funeral


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