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Une extraordinaire prémonition papale

Rappelant que les historiens sont souvent et paradoxalement sollicités par les médias pour jouer les prophètes et dire, au regard du passé, ce qui va advenir dans le futur, il trouve grande la tentation de se livrer, en épilogue à sa merveilleuse histoire de vingt siècles, au jeu de l'anticipation. Bruley succombe à l'attrait et invente à son tour un scénario imaginaire et joue un moment au jeu de la papauté-fiction. Je vous rappelle que le livre a été publié en 2011. Laissons-le parler.
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In this photo provided by the Vatican newspaper L'Osservatore Romano, Pope Francis celebrates his inaugural Mass with cardinals, inside the Sistine Chapel, at the Vatican, Thursday, March 14, 2013. (AP Photo/L'Osservatore Romano, ho)
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In this photo provided by the Vatican newspaper L'Osservatore Romano, Pope Francis celebrates his inaugural Mass with cardinals, inside the Sistine Chapel, at the Vatican, Thursday, March 14, 2013. (AP Photo/L'Osservatore Romano, ho)

On pourrait même parler ici de précognition. Je vous laisse en juger. Dans un livre magnifique intitulé Histoire de la papauté, publié chez l'éditeur Perrin en 2011 (retenez bien l'année) dans la collection Tempus, l'auteur, Yves Bruley, se livre en épilogue à de la papauté-fiction. Yves Bruley est un historien français, agrégé d'histoire et docteur en histoire, actuellement maître de conférences à Sciences Po (Paris), et chargé de mission auprès du secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques.

Rappelant que les historiens sont souvent et paradoxalement sollicités par les médias pour jouer les prophètes et dire, au regard du passé, ce qui va advenir dans le futur, il trouve grande la tentation de se livrer, en épilogue à sa merveilleuse histoire de vingt siècles, au jeu de l'anticipation. Bruley succombe à l'attrait et invente à son tour un scénario imaginaire et joue un moment au jeu de la papauté-fiction. Je vous rappelle que le livre a été publié en 2011. Laissons-le parler.

« On vient d'apprendre que le pape, âgé et malade, dans l'incapacité d'exercer son ministère, a démissionné. Il a quitté hier le Vatican pour s'installer, en toute discrétion, dans un monastère de montagne dont le nom ne sera révélé qu'après l'élection de son successeur. Le pape a fait diffuser une lettre aux cardinaux, aux évêques et aux catholiques du monde entier, dans laquelle il explique son geste et où il prend l'engagement de n'influencer en aucune manière la future élection.» Si déjà, vous ne sentez pas la prémonition, c'est que le 28 février 2013 vous n'habitiez pas la planète Terre.

LE TEXTE SE CONTINUE APRÈS LA GALERIE:

D'abord la fumée blanche de la cheminée de la chapelle Sixtine

Le nouveau pape François

Continuons. « Quelques jours plus tard, les cardinaux sont réunis à la chapelle Sixtine pour le conclave. Après une demi-douzaine de scrutins (NDR, il y en a eu cinq) la fumée est blanche, un nouveau pape est élu. Habemus papam! Qui est le successeur de Pierre? Peut-être est-il un italien (les cardinaux de ce pays restant étrangement nombreux), mais à condition d'avoir une expérience vraiment internationale. Peut-être est-il né au Québec (NDR, ce n'est que depuis juin 2010, que le Cardinal Ouellet occupe les fonctions de préfet de la Congrégation pour les évêques et de président de la Commission pontificale pour l'Amérique latine et, ce n'est qu'à partir de 2013 que les journalistes québécois ont commencé à parler de lui comme possible futur pape) ou au Sri Lanka ou aux Philippines. Après avoir été longtemps archevêque d'une grande ville, il a été appelé depuis peu par le pape à de hautes responsabilités au Vatican. (NDR, Au Saint-Siège, il était avant son élection membre de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements.) Quoi qu'il en soit, il est désormais romain. »

Continuons. « De la loggia de Saint-Pierre dominant la place, devant des centaines de milliers de téléphones portables braqués sur lui, le cardinal proto-diacre annonce que le souverain pontife a choisi de s'appeler... Cornelius. Pour être exact, il sera le pape Cornelius II. Stupeur universelle. Panique sur les plateaux de télévision, où l'on avait tout prévu, sauf ce nom-là (NDR, même situation pour François). On n'a pas de fiche; on se précipite sur un livre d'histoire de la papauté (NDR, c'est à croire qu'on est en direct dans les studios de Radio-Canada) - il en existe quelques bons. Cornelius - ou en français Corneille - n'a été évêque de Rome que de 251 à 253. Il faut dire que c'était en pleine persécution. Exilé sur l'ordre d'un éphémère empereur romain, il est mort martyr. On ne comprend pas très bien... Est-ce vraiment à ce Cornelius-là (NDR, même incertitude concernant François : Saint François Xavier, Saint François d'Assise etc.) que pensait le nouveau pape au moment de choisir son nom? Mystère. En attendant, on invoque la personnalité du nouveau pape, le premier à n'avoir participé ni à la seconde Guerre mondiale ni au concile Vatican II. Mais le voici qui paraît au balcon, acclamé par la foule. Il bénit longuement; il est encore un peu raide, mais enfin il sourit; il va prendre la parole. Silence dans le monde entier. Sa Sainteté Cornelius II commence à parler, lentement. [...] Et maintenant il va raconter une histoire. On retient son souffle. Cela se passait en l'an 39 de notre ère.

Cette histoire vraie est celle d'un Romain, centurion de son état. Les hasards de la carrière militaire l'on conduit dans une ville du Proche-Orient appelée Césarée. C'est là qu'il a rencontré un pêcheur nommé Simon et surnommé Képhas, ce qui veut dire « Pierre ». L'homme lui a enseigné la foi nouvelle de Jésus, que ses apôtres disent ressuscité et qu'ils connaissent comme le Christ, le Sauveur de l'humanité. L'incroyable se produit : le centurion romain demande à entrer dans la communauté des chrétiens. Mais jusqu'à présent, seuls les Juifs convertis peuvent en faire partie.

C'est alors, à Césarée, en l'an 39, que se produit l'une des plus grandes révolutions de l'histoire : Simon-Pierre, le chef des apôtres du Christ, décide de donner le baptême à un païen, un Romain de surcroît, et quel Romain! Un centurion de l'armée impériale. Cet homme s'appelait Cornelius. Nous ne savons rien d'autre du centurion Corneille que ce qu'en dit le chapitre X du livre des Actes des apôtres rédigé par Luc. [...] Ce Cornelius est la figure la plus représentative d'un monde extrêmement divers mais déjà globalisé, l'Empire romain, ce monde où le christianisme va se répandre. Cornelius a été baptisé en 39, mais il faudra encore des siècles pour convertir tous ses semblables. Devant une foule de plus en plus étonnée, le nouveau pape continue son discours improvisé. Deux mille ans plus tard, dit-il, en l'an 2039, qui sera le centurion Cornelius de ce monde? C'est en pensant à lui que le pontife élu a choisi son nom de pape. Car c'est à lui qu'il faut penser désormais (NDR, le nouveau pape Jorge Mario Bergoglio a sans doute pensé à François D'assise qui, en 1205, alors qu'il est en prière devant le crucifix de la chapelle San Damiano, entend une voix lui demandant de « réparer son Église en ruine ».

Terminons le récit prémonitoire. « Bien sûr, le pape doit instruire les catholiques dans la juste doctrine et les affermir dans la foi, il doit tenter de rapprocher les chrétiens, les croyants, mais le successeur de Pierre doit avoir à l'esprit sa rencontre avec le successeur du centurion Corneille. Qui sera-t-il ? C'est à lui que le successeur de Pierre doit parler. Cela ne sera pas facile. Mais, après tout, les chances de succès de Simon Pierre face à Corneille, à Césarée, n'étaient pas bien grandes. Pour cet homme de 2039, qui vient de naître quelque part dans le monde, quelle parole l'évêque de Rome doit-il préparer? Qu'a-t-il à lui dire? Tel est l'enjeu du pontificat de Cornelius II. Fin de la fiction; revenons à l'histoire. Car là est peut-être la réponse. »

Yves Bruley propose alors une hypothèse iconoclaste qui mérite qu'on s'y attarde: « il se peut que la papauté, en se demandant ce qu'elle voudra dire à l'homme ou à la femme du XXIe siècle que nous venons d'évoquer, trouve moins l'inspiration dans son histoire la plus récente qu'en puisant dans son histoire la plus lointaine. Pour les catholiques, il s'agirait de rechercher dans le passé le point de rencontre avec le monde païen où la foi chrétienne a réussi à se développer. Et donc de remonter le temps, à travers la modernité et la chrétienté, jusqu'à la romanité. Pour réapprendre à parler aux païens. Alors que l'Église catholique a redécouvert, au siècle dernier, la valeur des racines juives présentes dans le christianisme, peut-être trouvera-t-elle quelque intérêt, au cours du nouveau siècle, à redécouvrir la valeur de son ancrage antique, renouant ainsi le fil romain d'une continuité deux fois millénaire. Le monde actuel l'y invite, qui rappelle celui des premiers apôtres arrivant à Rome : n'étaient-ils pas déjà une minorité contestée et convaincue, au cœur d'une mondialisation païenne? »

Dans son évangélisation, François ne pourra pas beaucoup compter sur les médias dont l'effort de réflexion se limite à répéter à satiété qu'il est un adversaire résolu de l'avortement, du mariage gai (sans même être conscient des manipulations des lobbies homosexuels) et de l'ordination des femmes. Espérons qu'il pourra compter sur l'appui des prêtres eux-mêmes qui cesseront d'avoir honte d'être prêtre en portant leur col romain. Espérons aussi qu'il comprenne bien que le libéralisme économique et le capitalisme ont permis à plus de monde sur terre de sortir de la misère et d'améliorer leur niveau de vie que le socialisme et le communisme. Plus important encore, notre société, fragmentée et individualisée, est confrontée au défi crucial de reconnaître ou non, la famille comme une entité sociale. Et la famille, pour lui, est constituée, d'une femme, d'un homme et d'enfants.

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