La guerre aurait pu être courte pour Léo Major. Dès les premiers jours du débarquement de Normandie, il perd l'oeil gauche après avoir tué quatre soldats allemands. Mais c'était mal connaître la fougue et l'incroyable courage du soldat du Régiment de la Chaudière, l'un des plus grands héros militaires québécois.
Léo refuse d'être rapatrié: «J'ai une guerre à terminer», dit-il au doc. Et quelle guerre! Il capture un blindé contenant des codes secrets et détruit un char d'assaut Panzer. Lors de la Bataille de l'Escaut, il capture 93 soldats allemands à lui seul. Son véhicule saute sur une mine antichar: entorse aux deux pieds, triple fracture du dos, et quatre côtes cassées. Un mois de repos et c'est reparti mon kiki.
Le 13 avril 1945, Léo Major passe à l'histoire: il libère à lui seul Zwolle, une ville de 50 000 habitants, située à 80 km au nord-est d'Amsterdam. Un exploit hors du commun.
Depuis un mois, les forces canadiennes se butaient à une forte résistance. Un soir, son commandant l'envoie en éclaireur avec son pote, Willy Arsenault, un bûcheron du Lac-Saint-Jean. Willy se fait repérer et tuer par les Boches. Furieux, Léo continue seul sa mission, armé de deux mitraillettes et d'un sac de grenades, à la Rambo.
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Il surprend un officier allemand et lui fait comprendre qu'ils doivent déguerpir avant le lendemain parce qu'ils vont être lourdement bombardés. Il lance des grenades dans des maisons abandonnées, laissant croire à une invasion. Il capture des groupes de soldats qu'il ramène à son régiment, attaque seul le quartier général des SS, tue quatre soldats pendant que les autres s'enfuient et met le feu au QG de la Gestapo. Pris de panique, les Allemands évacuent la ville.
Ses exploits exceptionnels lui vaudront la médaille de Conduite distinguée qu'il refusera lorsqu'il apprit que c'est le général Montgomery qui devait la lui remettre! Léo considérait que Montgomery était une nouille.
On dit aujourd'hui que Leo Majorlaan est plus connu en Hollande que Céline Dion.
En 1951, Léo s'enrôle pour la Corée. À la tête d'un peloton de 18 hommes, il réussit à conserver une colline pendant trois jours face à un régiment de 14 000 Chinois, ce que la 5e Division américaine, forte de 10 000 hommes, n'avait pas pu faire. Cet exploit lui vaudra une seconde médaille de Conduite distinguée. Major est le seul soldat canadien, et l'un des trois seuls du Commonwealth, à avoir reçu la prestigieuse médaille dans deux guerres différentes.
Ceux de ma génération de boomers, qui ont appris à l'école que nos pères et grands-pères s'étaient cachés dans le bois pendant les deux grandes Guerres mondiales ont raté de très belles histoires. Des histoires comme celles de Paul Triquet, Jean Brillant, Joseph Kaeble, Jean-Charles Forbes, Jean-Victor Allard et bien sûr, Léo Major. Des héros militaires, hors du commun, que tous les élèves québécois devraient connaître.
L'histoire de la famille
Léo Major est né le 23 janvier 1921 à New Bedford, Massachusetts. Son père travaillait pour les chemins de fer. La famille rentre au pays un an après sa naissance, dans la ville que les Major occupent depuis les débuts de la colonie: Montréal.
Ça n'étonnera personne, l'ancêtre français était soldat. Étienne Bontron, dit Major, naît vers 1680 dans le diocèse de Besançon. Il est attaché au service de François Dauphin, sieur de Laforest, commandant du fort Frontenac (Kingston aujourd'hui).
Après son mariage avec Angélique Proteau à Québec en 1706, Étienne est nommé commandant du Fort Détroit. C'est là que naîtront ses deux premiers enfants. Réformé, il s'établit sur l'île de Montréal en 1710. La famille y a toujours vécu, sauf pour le court séjour au Massachusetts où naîtra Léo.
Léo Major est mort le 12 octobre 2008 à Longueuil. Dans toute la Hollande, on a mis les drapeaux en berne. Mais pas ici, où il a eu droit à un modeste article de 15 lignes dans le Journal de Montréal, en page 38.
Deux ans plus tard, on a fait des funérailles d'État à un obscur ministre de Jean Charest. On a même nommé une autoroute en son honneur. Une autoroute!
En 2014, la Ville de Montréal a mis en réserve le nom de Léo Major pour nommer éventuellement une rue à sa mémoire. S'il est chanceux, Léo finira peut-être par avoir un bout de rue dans un développement perdu d'Anjou. Pas une autoroute. Un bout de rue, pour le Rambo des Pays-Bas.
NB: Longueuil a nommé cet été un parc en son honneur. C'est un début.
Lignée paternelle de Léo Major
MAJOR, Achille
SEVIGNY, Amanda
MAJOR, Modeste
BEAUCHAMP, Marie-Louise
m. 25 octobre 1892 , Saint-Edouard, Montréal
MAJOR, Olivier (1831-?)
HOULE, Marceline
m. 27 janvier 1852, St-Timothée, Beauharnois
BOUTRON-MAJOR, Michel (1777-1846)
VIAU, Marie-Josephte
m. 1 février 1808, St-Laurent, Mtl
BEAUTRON-MAJOR, Jean-Baptiste (1752-1815)
COUSINEAU, Marguerite (1753-1789)
m. 24 mai 1773, St-Laurent, Mtl
BEAUTRON-MAJOR, Jean-Baptiste (1713-1798)
COUVRET, Marguerite (1729-1757)
m. 30 janvier 1752, St-Laurent, Mtl
BEAUTRON dit MAJOR, Étienne (1680-1743)
PROTEAU, Angélique (?-1754)
m. 3 mai 1706, Québec