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Petit dictionnaire de Dieu

Le mot Dieu peut agacer, tant il est piégé. N'est-il pas utilisé à toutes les sauces, en particulier depuis le 11 septembre 2001 ? Il est politiquement incorrect de parler de lui dans nos sociétés sécularisées, d'autant plus qu'on le confond sans cesse avec les religions et que celles-ci sont souvent réduites à des caricatures, voire aux minorités les plus fanatiques.
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Le mot Dieu peut agacer, tant il est piégé. N'est-il pas utilisé à toutes les sauces, en particulier depuis le 11 septembre 2001 ? Il est politiquement incorrect de parler de lui dans nos sociétés sécularisées, d'autant plus qu'on le confond sans cesse avec les religions et que celles-ci sont souvent réduites à des caricatures, voire aux minorités les plus fanatiques. En cette Semaine sainte, j'ai pensé vous partager des extraits de l'introduction de mon nouveau livre Petit dictionnaire de Dieu.

Dans La poétique de la rêverie, Gaston Bachelard confesse que « c'est toujours un dur métier que celui d'écrire un livre. On est toujours tenté de se borner à le rêver. » Il me semble que cela est encore plus vrai pour l'écriture d'un dictionnaire. Ce voyage alphabétique peut devenir une caverne d'Ali Baba aux entrées imprévisibles, un bric-à-brac de mots aimés, une écriture en forme de collage, à l'image de notre monde morcelé. Alors, imaginez lorsque le sujet n'est nul autre que Dieu, cela suppose tout un assemblage. Si Dieu est incompréhensible de nature, les mots et les idées ne manquent pas pour parler de lui. Mais gare aux idoles !

De la racine indo-européenne dei qui signifie « briller », le mot « Dieu » est lié aux notions de jour (dies), de lumière, de la foudre qui renvoie au ciel. Cela donne le nom grec Zeus (génitif de Dios), puis theos, du verbe theaomai qui signifie « je suis bouche bée ». Dieu attire, éclaire, étonne. Il figure depuis longtemps dans les dictionnaires. En voici un exemple, tiré du Dictionnaire universel d'Antoine Furetière de 1694 : « Il ne peut avoir de vraye definition, à cause que c'est un Être infini & incompréhensible. Les hommes le considèrent comme la première Cause, le premier Être qui est de tout temps, qui a tout créé, & qui subsiste de lui-même. »

Difficile de passer inaperçu quand on est au commencement de tout. L'ombre de Dieu se faufile incognito entre les pages des dictionnaires, au fil des siècles et des usages, mais c'est peine perdue, nul ne peut vraiment le saisir. Dieu n'est pas une invention, disait Louis Massignon, il est une découverte. Voltaire, plus sarcastique, affirmait que si Dieu n'existait pas il faudrait l'inventer. Pour la Grande encyclopédie soviétique de 1950, Dieu est une « créature mythique et fictive à la base de toute considération religieuse ». Pour d'autres, c'est un terme vague, vide, qui donne l'illusion d'une plénitude, d'une direction. « Le mot dieu est un petit creux dans lequel je mets tout », écrit la chorégraphe Marie Chouinard dans son recueil Chantier des extases.

Du tam-tam à l'ordinateur, des tablettes d'argile aux écrans tactiles, la notion de Dieu vient de loin et on entend toujours son écho, tant elle résiste à l'usure. C'est l'un des mots les plus souvent tapés sur le moteur de recherche Google et il compte des millions d'amis dans les réseaux sociaux et les blogues. On gazouille à son sujet en moins de 140 caractères ; c'est là tout un défi quand on contient l'infini.

Nietzsche disait qu'une chose expliquée cesse de nous intéresser. Dieu a donc un bel avenir devant lui ! Personne n'a encore réussi à démonter sa mécanique ni à vider sa poétique. Le poète américain Wallace Stevens en convenait dans l'une de ses maximes : « La plus grande idée poétique du monde est et a toujours été l'idée de Dieu. »

Si aucun mot ne peut vraiment définir Dieu, est-il raisonnable de lui consacrer un dictionnaire ? Non. Cela exige une bonne dose d'humilité et d'inconscience, tant ce projet donne le vertige. Mais le défi vaut la peine d'être relevé, avec l'aide de Dieu, bien sûr. Si les champignons, les fromages, les villes, les vins, les religions, les destinations touristiques, les citations, les noms propres, les symboles, les films, et quoi d'autre encore, ont tous leurs dictionnaires, Dieu peut bien avoir le sien... c'est-à-dire le mien, qui sera donc très personnel.

De quel Dieu est-ce que je parle ? Mais de l'Unique, voyons ! Je lui mets une majuscule pour bien le différencier des petits dieux. Il est la capitale en qui je demeure, le mystère qui me fascine, non parce qu'il est impossible à comprendre, mais parce je n'ai jamais fini d'en faire le tour. Il échappe toujours aux catégories, aux définitions, aux images, aux pensées. Dès que je le nomme, il se dérobe. Il se voile et se dévoile en même temps. Je le vois mieux dans le silence et l'art, dans la foi et la prière. Bien sûr, un Dieu bouche-trou, autoritaire et vengeur ne m'intéresse pas. Telle n'est pas mon expérience, et je suis athée de ce Dieu-là.

Je ne peux parler de Dieu qu'à partir de ce que je suis et de la tradition judéo-chrétienne qui est la mienne. L'idée de Dieu varie selon les expériences, les lectures, les croyances, les religions. Lorsqu'on dit qu'on croit en lui, il importe donc de toujours spécifier à quel Dieu on se réfère, de quel livre sacré on s'inspire et, surtout, comment on l'interprète.

La question est-elle vraiment de savoir si Dieu existe ou non, de croire en lui ou pas ? C'est là une question d'homme, note Maurice Bellet dans son Minuscule traité acide de spiritualité, Dieu ne se la pose jamais. L'important n'est-il pas de demeurer dans l'intelligence du cœur et la compassion, en se faisant proche de ceux et celles avec qui nous vivons ?

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