Il fait novembre et j'ai froid Leonard
je me souviens de mes dix-sept ans
la première fois que j'ai entendu
ta voix caverneuse d'outre-tombe
devenue berceau de ma vie secrète.
J'ai voyagé les yeux fermés
rêvant de Suzanne et Marianne
me nourrissant à leur feu au Chelsea Hotel
à la fenêtre givrée de ma chambre vide
mais c'est long et gris la solitude.
Puis Jésus qui marchait sur les eaux
m'a pris par la main pour une traversée intime
il me réveilla de mon sommeil de neige
me brûla le cœur à son foyer ardent
quand du fond de mille baisers
son Esprit se répandit sur ma peau.
J'arrivais là où je n'étais plus un étranger
j'ai retrouvé les Sœurs de la Miséricorde
et j'ai compris ta chanson perdue
quand tu espérais rencontrer ton âme et la nôtre
à la lueur de la lune tatouée sur ton cœur
lorsque l'amour s'ouvre comme une rose.
Avec toi je me suis agenouillé dans la nuit
et j'ai suivi la route intérieure de la liberté
de toute l'énergie des esclaves.
J'ai cherché le mot juste
puisé à ma soif d'absolu
j'ai médité en silence avec l'oiseau sur le fil
gardant tes psaumes dans ma mémoire
de jeune moine cistercien d'Oka
et j'ai croisé Jeanne d'Arc, Kateri, Thérèse
chevauchant avec elles et leurs voix.
Tes poèmes me parlent de feu et d'eau
de soleil et de lune
de jour et de nuit
de fuite et d'avalanche
de blessure et de guérison
et tu danses avec tes sources dans la beauté
au son d'un violon ruisselant d'amour fou.
Ta voix ne se tait pas dans la mort
telle est la volonté de la musique
qui célèbre le Nom à la colline brisée
s'enivre de louanges à la volée
au bord des fleuves sombres de Babylone
lorsqu'on demandait à tes ancêtres exilés
qui avaient pendu leurs harpes aux saules
de chanter des cantiques de Jérusalem.
Tu resteras ce juif élégant qui a écrit sa bible
avec des bouts d'hymnes dans les fissures
pour qu'entre la lumière
sur l'étoile, la croix, le minaret
des éclats d'aube blessée dans chaque mot
du Mur des lamentations
au Sermon sur la montagne.
Tu as cherché l'accord secret de David
le verbe fait chair
pour plaire au Seigneur des chansons
cueilli la note claire
sur les paupières du fils Adam
gravant ton dernier album dans la pierre.
Repose en paix
au versant oriental du mont Royal
You Want it Darker
Hineni, Hineni
me voici, me voici
I'm ready, my lord.
Mon frère, mon perdant magnifique
chante maintenant devant le Créateur
de ta voix sacrée et brisée
l'ultime Hallelujah
le premier Amen.
Ce poème a également été publié sur le blogue personnel de Jacques Gauthier
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