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Défendre notre réseau public, c'est empêcher qu'on en réduise les soins et services, qu'on en comprime les budgets, qu'on en diminue l'accès pour la population.
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Cecilie_Arcurs via Getty Images

Le débat sur la rémunération des médecins va bon train dans les médias.

Parmi toutes les lettres d'opinions, celles qui me fascinent sont celles des médecins qui expliquent leurs nombreuses années d'études, parfois sans loisirs, toutes les énergies et les longues heures consacrées en préparation ou à l'accomplissement actuel de leur travail.

Personne ne conteste cela.

Dans le débat actuel, ce qui est soulevé à travers la hausse de leur rémunération, ce sont trois années de coupes budgétaires, qualifiées d'austérité par la majorité, de rigueur par le gouvernement, mais qui finalement, auront eu le même effet : réduction des augmentations de budgets nécessaires au maintien et à l'accomplissement des soins et services, avec les problèmes qui en ont découlés et qui sont dénoncés depuis plusieurs mois: personnel manquant, épuisé, débordé, patients insécurisés, diminution d'accès, coupes dans les heures de services à domicile, listes d'attente qui s'allongent, etc.

J'entendais la présidente de la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ) dire qu'il fallait rétablir le lien de confiance entre les médecins et la population. Elle était accompagnée de Lucien Bouchard, conseiller spécial auprès de la FMSQ.

Je n'ai pu m'empêcher de penser que d'avoir Lucien Bouchard à ses côtés n'était pas pour améliorer la confiance. Du temps où il était premier ministre, M. Bouchard avait érigé en doctrine politique le « déficit zéro ». Il a dirigé le premier gouvernement de l'austérité au Québec, fermant neuf hôpitaux, mettant à la retraite 15 000 personnes employées dans le réseau public de Santé et Services sociaux (SSS), diminuant sensiblement l'accès aux services, créant pour la population des listes d'attente importantes, des problèmes qui n'ont jamais été résorbés depuis, puisque les gouvernements qui lui ont succédé ont poursuivi dans la même ligne, jusqu'au récent gouvernement Couillard qui a accentué sensiblement les compressions, fragilisant grandement notre réseau public et forçant les gens à se tourner vers le privé pour trouver réponse à leurs besoins. Le ministre Barrette pouvait bien sourire en référant à M. Bouchard.

Du côté des omnipraticiens, si leurs salaires sont moins élevés, l'entente que la FMOQ a signée avec le gouvernement va aussi dans le même sens. J'ai déjà rapporté dans une chronique passée la critique de l'un de ses membres.

Pour toute la profession médicale, s'il y avait eu vraiment la moindre intention de prioriser les soins aux patients, comme l'affirment leurs représentants, on aurait rediscuté de la façon de conduire notre réseau public de SSS, pour utiliser et tirer avantage des compétences de tout le personnel soignant et périsoignant, et on se serait attaqué au premier empêchement à ce travail multidisciplinaire : le mode de rémunération à l'acte des médecins.

Médecins québécois pour le régime public (MQRP) écrit que la rémunération à l'acte « favorise probablement moins le travail interdisciplinaire, puisque le médecin a tout intérêt à concentrer les soins afin d'en tirer le plein tarif et à ne pas déléguer à d'autres professionnels. »

Même si ce mode salarial n'est plus le seul qui existe, c'est quand même celui qui paie à 69,9 % nos omnipraticiens et à 82,3 % nos spécialistes selon un récent rapport, soit la grande majorité de la rémunération versée.

Cette rémunération à l'acte encourage peut-être la quantité, le volume de services, mais cela se fait au détriment de la qualité.

Cette rémunération à l'acte encourage peut-être la quantité, le volume de services, mais cela se fait au détriment de la qualité. Elle invite au surtraitement, à la surmédicalisation et à la surprescription. Elle n'est pas adaptée à la lourdeur des cas, et décourage la prise en charge des cas plus lourds. Elle augmente l'administration, la bureaucratie et les coûts de gestion par la RAMQ, et elle ouvre la porte à la facturation créative de frais accessoires. Elle ne soutient pas le travail de prévention, pas plus qu'elle n'incite à une planification des horaires de soins et services, les temps d'attente étant non rémunérés. Elle maintient le statut d'entreprise privée ou de travailleur autonome des médecins, permettant leur incorporation (DR INC) et facilitant l'évasion fiscale.

Mais pour le ministre Barrette, un médecin radiologiste, et le premier ministre Couillard, un neurochirurgien, qui ont amplement profité monétairement de ce mode de rémunération, il n'est pas question de le modifier, pas plus qu'il n'est question de rouvrir les ententes.

Un lecteur réagit spécifiquement à propos de l'accord signé avec la FMSQ:

« Cette entente de principe a été conclue à partir de données incomplètes créant, de facto, le malaise que l'on connaît. En 2003, le gouvernement péquiste a reconnu que la moyenne annuelle des honoraires facturés à la RAMQ par les médecins spécialistes était de beaucoup inférieure à celle de leurs collègues du Canada. Il a alors été convenu de corriger cette anomalie. En 2011, le gouvernement libéral et la FMSQ conviennent de créer un comité paritaire ayant pour objectif de s'assurer qu'on maintienne le cap, eu égard à la parité avec le reste du Canada. Or, ce comité n'a jamais vu le jour. Résultat: on a négocié à l'aveugle, ce qui a mené à l'actuel dérapage ascensionnel. Face à ce constat, le gouvernement n'a d'autre choix que de dénoncer la présente entente. Ainsi, les deux parties doivent refaire leurs devoirs, former ledit comité, obtenir l'état réel de la situation, puis reprendre tous pourparlers. Dès lors, le statuquo s'impose, ce qui comprend le gel des honoraires sauf pour les actes dont la tarification ne tient pas compte de l'évolution technologique, vg. : cataractes, etc. Cette décision qui va de soi permettrait de libérer, illico, les sommes nécessaires au maintien et à la valorisation d'une pratique infirmière de qualité dans un environnement organisationnel qui prend en compte leurs compétences. »

Samedi 24 mars prochain, Médecins québécois pour le régime public (MQRP) invite la population à manifester « UNIS POUR LA SANTÉ ».

Soyons nombreux à marcher ensemble pour défendre notre système public de soins de santé et de services sociaux.

Soyons nombreux à marcher ensemble pour défendre notre système public de soins de santé et de services sociaux.

Défendre notre réseau public, c'est empêcher qu'on en réduise les soins et services, qu'on en comprime les budgets, qu'on en diminue l'accès pour la population.

Cette question de la rémunération à l'acte représente l'abcès dans l'accès. Et comme tout abcès, il faudra le crever tôt ou tard.

Le plus tôt sera le mieux.

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