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À la veille de présenter son dernier budget, le ministre Leitao peut encore agir sur cette question au bénéfice des finances publiques, des citoyens et des entreprises.
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L'annonce la semaine dernière dans le budget Morneau de la création d'un Conseil consultatif avec mandat d'étudier la possibilité d'instaurer un régime d'assurance médicaments au pays a été reçue par plusieurs comme un pas de plus pour concrétiser la résolution adoptée en 2016 par le congrès du Parti libéral demandant au gouvernement « de mettre en oeuvre un régime universel d'assurance-médicaments en collaboration avec toutes les provinces », et c'est pourquoi nous l'avons saluée.

Cependant, le dépôt du budget était à peine terminé que deux réactions, qui n'ont pas nécessairement fait la une des médias, ont attiré mon attention.

La première, celle du ministre Morneau lui-même, qui a précisé dès le lendemain de son dépôt que son projet ne visait pas à « supplanter les régimes déjà offerts ailleurs au pays. » Plusieurs ont interprété cela comme un choix déjà arrêté du ministre de copier le régime hybride public-privé du Québec, qui est pourtant la source d'inégalités flagrantes.

Dans une lettre, l'Union des consommateurs (UC) démontre bien comment notre régime hybride peut être cause d'iniquités. Par exemple, les honoraires des pharmaciens sont fixés par le gouvernement dans la partie publique du régime, mais sans contrôle pour les assurés au privé, ce qui peut occasionner des différences importantes dans les coûts des médicaments selon que l'on est assuré au public ou au privé.

Cette enquête de l'UC a été confirmée par LaPresse+ qui, citant un document du Ministère de la Santé et des Services sociaux, a chiffré le surcoût de ces honoraires pour les 5,2 millions de Québécois couverts par une assurance privée à 500 millions $ par année.

La Chambre de commerce de Colombie-Britannique avait bien raison, dans sa prise de position en faveur d'une assurance médicaments entièrement publique, de recommander spécifiquement d'éviter de copier le régime hybride québécois parce qu'il en coûterait trop cher aux entreprises.

Ce qui m'amène à la deuxième réaction, celle du premier ministre Couillard, qui a déclaré que « si un jour, le reste du Canada veut se doter d'une assurance médicaments comme on a, qui couvre tout le monde, à ce moment-là, on va dire : "Bien écoutez, compensez-nous pour l'effort qu'on a fait depuis le début ». Il faut quand même réaliser que le Québec l'a fait à ses frais depuis de nombreuses années. Le choix qu'a fait le Québec coûte cher, mais ça vaut ça. Le gouvernement québécois veut garder le choix - important, parce que ça a un impact majeur sur les finances publiques du Québec - des médicaments qui sont inscrits ou non. »

Encore une fois, notre magicien de premier ministre a réussi volontairement à tout mélanger afin qu'on ne distingue plus les véritables enjeux.

Pour bien comprendre, établissons une comparaison.

Dans les années 90, la Nouvelle-Zélande a fait le choix d'un régime d'assurance médicaments universellement public, en mettant sur pied PHARMAC pour gérer l'achat par appel d'offres des médicaments, et leur remboursement.

Dans les mêmes années, au Québec, on a mis sur pied un régime hybride public-privé, sans appel d'offres, où c'est le gouvernement qui assure tout seul la partie publique, et la partie privée est assumée par des milliers de régimes différents à l'intérieur d'assurances collectives.

En Nouvelle-Zélande, les 13 premières années de PHARMAC leur ont permis de contrôler l'augmentation du prix des médicaments à « seulement 2% par an, soit moins que le taux moyen d'inflation! » (Étude économique de l'OCDE, 2010)

Dans ces mêmes années, au Québec, on se tapait des augmentations moyennes de prix de 14 % par année!

Cela veut dire, par exemple, qu'à ce pourcentage moyen d'augmentation annuelle, le coût d'un médicament payé 100 $ la première année a pu augmenter à 192,54 $ cinq ans plus tard... et 370,72 $ après dix ans! Comparativement, en Nouvelle-Zélande, après ces mêmes dix ans, le prix du même médicament n'aurait été que 121,90$.

Enfin, en Nouvelle-Zélande, pour qu'un médicament puisse faire partie de la liste de remboursement, il faut démontrer qu'il apporte une réelle amélioration thérapeutique sur les autres déjà sur la liste, alors qu'ici au Québec, les compagnies n'ont qu'à démontrer qu'il performe mieux qu'un placébo!

En d'autres mots : si c'est meilleur qu'une claque sur la gueule, on le rembourse!

Très peu de nouveaux médicaments (2 %) apportent une nette amélioration, mais tous les nouveaux médicaments sont plus chers, et la liste de remboursement autorisée par la RAMQ est la plus importante au Canada : plus de 8 000 médicaments.

Tenant compte de tout cela, le premier ministre Couillard a finalement raison de dire que ce régime hybride, le Québec l'a fait à ses frais depuis de nombreuses années, que le choix qu'a fait le Québec coûte cher parce qu'il a un impact majeur sur les finances publiques, y compris le choix des médicaments inscrits ou non.

Mais on voit bien qui en a profité : les pharmaceutiques, les pharmaciens... et les assureurs!

Certains pourraient dire qu'en 2001, un comité avait eu le mandat de conseiller le gouvernement sur la pertinence et la faisabilité d'un régime universellement public, et que sa conclusion avait été qu'il fallait garder le régime hybride que nous avions.

Ce comité avait décidé de lui-même, dès le début de ses travaux, de changer son propre mandat pour l'élargir, disait-il, à d'autres considérations plus importantes. Et le cabinet de la ministre de la Santé de l'époque, Pauline Marois, nous avait expliqué, à la Coalition, que le président du comité refusait que des groupes communautaires et syndicaux siègent à son comité parce qu'ils étaient, selon lui, des groupes d'intérêt ne pouvant représenter le bien commun.

Pardon? Vous demandez qui était le président de ce comité? C'était Claude Montmarquette. Oui, oui, le même qui a inventé de toute pièce un déficit de 5,8 milliards $ que le gouvernement Couillard s'est empressé d'utiliser par la suite pour justifier dans l'opinion publique toutes ses mesures d'austérité.

À la veille de présenter son dernier budget, le ministre Leitao peut encore agir sur cette question au bénéfice des finances publiques, des citoyens et des entreprises. On parle d'économies de trois milliards de dollars pour financer la Santé, l'Éducation, la Justice, etc., au lieu des coupes qu'on a subies dans les trois dernières années.

Tout parti politique qui propose de former le prochain gouvernement et qui se dit préoccupé des finances publiques ne peut ignorer cette question.

Alors, n'hésitons pas non plus à interpeller nos candidat à ce sujet avant, pendant et après les élections.

Oui, le remède aux coupures, ça existe : une assurance médicaments universellement publique!

Avril 2018

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