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Depuis plus de vingt ans, nos gouvernements se sont acharnés à réduire les ressources, les budgets et le personnel nécessaires juste au maintien du niveau de soins et de services de notre régime public.
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Aujourd'hui, le ministre Leitao déposera son quatrième et dernier budget avant les élections générales du mois d'octobre. À même les compressions faites depuis 2014 dans les budgets de la santé, de l'éducation, de tous nos programmes sociaux, le gouvernement confirmera ce qu'il nous a dit lors de sa mise à jour budgétaire de l'automne, c'est-à-dire qu'il a maintenant les « marges de manœuvre » pour baisser les impôts et réinvestir.

En fait, ses marges de manœuvre, il les aura pigées dans l'argent qui doit servir à tous, pour les faire servir à quelques-uns.

Par exemple, la moitié de l'augmentation des budgets de la santé l'an dernier est allée à la hausse de rémunération des médecins. Pardon ? Vous demandez combien de médecins? Selon le Collège des médecins, 20 313 médecins exercent au Québec, dont 10 360 (51 %) spécialistes.

Le regroupement des Médecins québécois pour le régime public (MQRP) a demandé l'annulation de ces hausses. Certains médecins se sont également exprimés individuellement contre ces hausses négociées à même l'assiette commune.

Mais plus encore, ce que ces augmentations de rémunération symbolisent, c'est que les compressions en santé se sont faites à la fois dans les budgets, dans la démocratie et dans ce que signifie « faire de la santé ».

Et, quelles que soient les annonces que fera demain le ministre Leitao, elles ne changeront surtout rien à cette situation dénoncée par de plus en plus de professionnels et de citoyens.

Samedi dernier, MQRP avait appelé à une grande marche UNI.E.S POUR LA SANTÉ. Beaucoup d'organisations professionnelles, communautaires et citoyennes ont répondu à l'appel.

MQRP m'avait invité à prendre la parole à la fin de la marche.

Voici ce que j'ai dit.

« Dans les années '60, des citoyennes et citoyens du Québec se sont regroupé.e.s pour se donner des soins de santé. Ensemble, ils ont bâti des cliniques populaires, des cliniques communautaires : à Pointe-Saint-Charles, à Saint-Henri, dans Hochelaga-Maisonneuve, sur le Plateau Mont-Royal, dans le Mile-End.

Les docteurs qui y travaillaient mettaient leur salaire dans un pot commun qui servait à payer le reste du personnel : par exemple, les personnes à l'accueil et au secrétariat, qui recevaient le monde, répondaient au téléphone, s'occupaient des dossiers, mais aussi le personnel qui s'occupait de l'entretien, du ménage. C'est important, l'hygiène, dans une place où on soigne, sinon, ça peut aggraver l'état d'un patient qui vient consulter.

Tout ce monde-là, avec les infirmières et les médecins, formait une équipe, une première ligne de soins de santé.

Mais les citoyennes et les citoyens de l'époque avaient aussi compris que pour faire de la santé, ça prenait plus que ça : ça prenait de l'intervention sociale, des gens qui travaillent pour améliorer les conditions de vie, conditions de vie qui sont à la base des conditions de santé. Ça prenait des travailleuses sociales, de l'organisation communautaire. Ça prenait du monde qui travaille avec le monde pour changer le monde : pour améliorer les conditions de vie, pour de meilleurs logements, une meilleure alimentation, pour un revenu suffisant permettant de subvenir correctement à ses besoins, pour des parcs, des installations sportives et récréatives où les enfants peuvent jouer en toute sécurité. Ça prenait aussi des lieux de rencontre où les gens peuvent apprendre ensemble à lire, à cuisiner, à calculer, à se comprendre et à s'apprendre dans le respect, dans la solidarité, à partager les hauts et les bas de la vie. On le sait tous : un bonheur partagé est plus grand, et une peine partagée est moins lourde.

Les gens savaient que c'est ensemble qu'on bâtit plus haut, plus solide, plus commode. C'est ensemble qu'on vit le mieux, parce qu'on peut s'entraider, se soutenir, s'encourager.

Les gens savaient intuitivement que la santé, ce n'est pas juste l'absence de maladie : la santé, c'est la capacité physique, psychique et sociale qu'on a d'agir dans notre milieu et d'accomplir les rôles qu'on veut assumer d'une manière acceptable pour nous-mêmes et pour les groupes dont on fait partie.

Les gens savaient une autre chose aussi : pour faire de la santé, valait mieux prévenir que guérir, parce que prévenir, ça coûte moins cher, mais surtout, ça fait moins mal !

C'est à ça que devait servir le régime public de soins de santé et de services sociaux qu'on s'est donné à ce moment-là au Québec : à maintenir et à améliorer ces capacités physiques, psychiques et sociales dont on a besoin pour mieux vivre en société, et pour ça, il fallait travailler entre autres à la prévention.

Tout ça a bien changé !

Depuis plus de vingt ans, et particulièrement dans les dernières années, nos gouvernements se sont acharnés à réduire les ressources, les budgets et le personnel nécessaires juste au maintien du niveau de soins et de services de notre régime public. Ils ont réduit les lieux de décision, et le nombre de personnes qui prennent ces décisions. Ils ont réduit la santé à une seule affaire : soigner la maladie.

Et avec l'argent public, ils ont préféré soigner les médecins plutôt que la population.

Bien aujourd'hui, ce qu'on leur dit, c'est que ça va faire : la santé, c'est global, ça prend plus qu'un hôpital !

Pour faire de la santé, ça prend des soins, ça prend des services professionnels, ça prend des services sociaux, ça prend du soutien, de l'accompagnement et de l'intervention communautaire.

Et pour faire de la santé, ça prend autre chose, aussi : ça prend de la démocratie.

Et au ministre Barrette et à tous ceux et celles qui ne voient pas le rapport entre santé et démocratie, rappelons-leur qu'en santé mentale, on dit que la dépression, c'est une perte de pouvoir sur sa vie.

Et qu'à ce compte-là, la santé, c'est aussi une question de démocratie.

Toutes et tous uni.e.s pour la santé!

SANTÉ ET SOLIDARITÉ ! »

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