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Irréprochabilité et droiture

Il y a quelques semaines, je m'adressais au Commissaire au lobbyisme à propos de deux sommets sur la santé.
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Le Conseil général du Parti libéral du Québec vient de se terminer sur une déclaration du premier ministre Couillard à propos du haut niveau d'éthique de son parti depuis qu'il en est le chef, et de son gouvernement depuis qu'il est premier ministre. Il a même défié qui que ce soit de montrer un exemple d'une pratique qui n'est pas irréprochable et droite.

Évidemment, une pratique irréprochable et droite dépend des lois la régissant. Par exemple, placer 600 000 $ dans un paradis fiscal comme l'a déjà fait M. Couillard était peut-être une pratique irréprochable et droite au regard des lois existantes, mais on peut toutefois la questionner moralement.

Il en va de même pour l'action de ce gouvernement dans le domaine de la Santé et des Services sociaux (SSS) depuis qu'il est élu.

En campagne électorale, le premier ministre s'en était surtout tenu à parler du danger d'un référendum pour les «vraies affaires» et des aléas de la charte des valeurs en cas d'élection d'un gouvernement péquiste.

Mais au lendemain de sa victoire, son gouvernement, par les nombreux projets de loi de son ministre de la Santé, Gaétan Barrette, nous engageait dans une réforme qui est en train de transformer tout notre réseau public de SSS pour l'ouvrir au marché, à la sous-traitance et à la privatisation.

L'avait-il annoncé en campagne électorale? Les quelques slogans (un médecin de famille pour tous, 50 supercliniques) ne laissaient pas présager d'un tel chambardement. Devrait-on qualifier cette façon d'agir de pratique irréprochable et droite ?

Il y a quelques semaines, je m'adressais au Commissaire au lobbyisme à propos de deux sommets sur la santé, organisés par LesAffaires.com, auxquels étaient conviés à la fois des titulaires de charges publiques (TCP), comme de hauts-fonctionnaires du gouvernement et des gestionnaires du réseau public de SSS, et des entreprises privées de soins et/ou de services pouvant sous-traiter les établissements publics de santé.

Je me référais à l'article 2 de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, qui décrit les activités de lobbyisme comme étant - je résume - des communications orales ou écrites avec un TCP en vue d'influencer ou étant susceptibles d'influencer la prise de décisions relativement, par exemple, à l'attribution d'un contrat, autrement que dans le cadre d'un appel d'offres public.

J'ai donc déposé ma chronique comme plainte officielle au bureau du Commissaire.

Quelques jours plus tard, on m'appelait pour discuter avec moi des informations que je possédais.

On m'a demandé si j'avais des noms de personnes (TCP, lobbyistes) ainsi que des propos précis qu'ils auraient tenus et qui prouveraient mes dires. J'ai cru comprendre que c'est ce que font des lobbyistes qui s'estiment lésés par des concurrents: ils portent plainte pour concurrence déloyale, une pratique qui n'est pas irréprochable et droite selon la loi, avec noms et propos à l'appui.

Je ne pouvais fournir ce genre de renseignements, n'ayant pas été présent à ces événements: les coûts d'inscription et de participation pouvaient atteindre facilement 1 000 $ par personne.

On m'a alors expliqué que pour faire enquête, il fallait des preuves de ce que j'avance.

Tenant compte que ces sommets visaient à influencer des TCP tant sur la manière d'opérer les établissements que dans la manière d'assurer les services aux patients, par exemple en externalisant certaines activités non essentielles et en mettant en valeur l'expertise, le savoir-faire et les innovations des entreprises, il me semblait plus qu'évident que les propos tenus à ces événements tombaient sous la loupe de la loi, et pour des noms, il n'y avait qu'à demander la liste des inscriptions!

J'ai maintenu ma plainte.

Une semaine plus tard, j'ai reçu une lettre du bureau du Commissaire dans laquelle on m'expliquait que puisque je ne détenais pas des éléments précis relatifs aux communications d'influence qui auraient pu être exercées lors de ces deux Sommets, le bureau considérait n'avoir aucun motif pour justifier une intervention en vérification ou en enquête pour l'instant.

Je n'ai pu m'empêcher de penser que cette pratique de sommets, ou celle du Colloque des HÉC et d'autres encore, permettent de contourner l'esprit de la loi, tout en en respectant la lettre, une pratique que M. Couillard pourrait qualifier somme toute d'irréprochable et droite.

De mauvaises langues pourraient ajouter qu'il en va de même pour le comité consultatif mis sur pied le 12 octobre dernier par M. Couillard pour conseiller le gouvernement en économie. À entendre un seul de ses membres, Alain Bouchard d'Alimentation Couche-Tard, il est effectivement difficile de penser que ce comité conseillera le gouvernement vers une pratique irréprochable et droite, plutôt que vers une pratique irréprochablement de droite!

Alors que faire, vous dites-vous ?

Au moment où la ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, Rita DeSantis, s'apprête à revoir le projet de loi 56 sur la transparence en matière de lobbyisme, les modifications qu'elle désire y apporter devraient s'attarder à la couverture de ce type d'événements qui passe actuellement à travers les mailles du filet que doit constituer la loi.

Sinon, le lobbyisme caché dans ces événements ne cessera de se développer, et ceux qui se réclament aujourd'hui de hauts standards d'éthique et d'une pratique irréprochable et droite pourraient bien, dans quelques années, être qualifiés à leur tour de «gang de pas bons».

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