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Couillard devrait craindre qu'à force d'agir ainsi, la population puisse elle aussi apprendre la magie, et que le 1er octobre, elle réserve au gouvernement le sort qu'il se sera fabriqué lui-même.
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On vient de passer la semaine à casser du sucre sur le dos des médecins spécialistes.

Oh, loin de moi l'idée de défendre ces professionnels et la rémunération qui leur a été consentie. J'aimerais seulement espérer que beaucoup d'entre eux partagent l'avis de cet urgentologue, un avis qui s'exprime malheureusement de façon anonyme! Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette affaire a soulevé bien des débats intéressants sur l'image des médecins, mais aussi des questionnements sur leur rôle social.

Pour ma part, ce qui m'a intéressé encore plus dans ce dossier, ce sont les arguments utilisés par le premier ministre Philippe Couillard.

Pour ceux et celles qui croient encore que le problème de ce gouvernement s'appelle Gaétan Barrette, et qu'il faut convaincre le premier ministre de le démettre, les déclarations de M. Couillard depuis deux semaines devraient les amener à penser que le ministre de la Santé n'est que le symptôme d'une maladie beaucoup plus profonde et généralisée à tout ce gouvernement.

Par exemple, une lettre parue aujourd'hui et signée par beaucoup d'organismes représentant une majorité de la population demande au gouvernement d'oublier les baisses d'impôt et de réinvestir pour répondre aux besoins de plus en plus criants de la population qui a écopé de ses mesures d'austérité depuis trois ans. C'est sur le dos de cette population que se sont faites les économies dont se vante tant le gouvernement.

Pourtant, le 31 janvier, le premier ministre déclarait à propos des baisses d'impôts que son gouvernement « n'avait pas besoin de tout l'argent que vous nous avez envoyé pour faire la job comme il faut. Donc on vous en redonne ».

Ainsi, selon le premier ministre, les services publics actuels répondaient adéquatement aux besoins de la population, et le gouvernement avait trop de ressources pour les assumer correctement.

Or, le lendemain, à propos de la surcharge de travail et du manque de ressources décriés par les infirmières, pouf! L'argent en trop pour faire la job comme il faut n'existait plus. Les ressources étaient devenues « limitées dans le cadre de besoins presque infinis » et, conséquemment, le gouvernement ne pouvait pas en ajouter plus.

Quelques jours plus tard, c'était sans doute pour répondre aux besoins presque infinis des médecins spécialistes que repouf! Les ressources n'étaient plus limitées, et le gouvernement leur concédait quelques milliards de dollars récurrents et non récurrents dans leur entente. Magie!

Notre magicien de premier ministre est aussi habile pour méduser les journalistes.

Si la rémunération médicale coûte si cher, c'est à cause du système public de santé? C'est comme affirmer qu'il y a parfois des politiciens corrompus, mais on a un système démocratique, aussi!

Je l'écoutais, vendredi dernier, à RDI dans une mêlée de presse. À une question sur l'entente avec les spécialistes, le premier ministre a déclaré que c'est vrai que « la rémunération médicale coûte très cher au Québec, mais on a un système de santé public, aussi. » Pardon? Si la rémunération médicale coûte si cher, c'est à cause du système public de santé? C'est comme affirmer qu'il y a parfois des politiciens corrompus, mais on a un système démocratique, aussi!

Mais le premier ministre continua : « Donc, faut tout balancer, on ne peut pas laisser la rémunération médicale prendre trop de poids dans le système de santé parce qu'on a autre chose à faire dans le système de santé. » Suivez-vous?

Attention, rien dans les mains, rien dans les manches, il poursuivit : « Un des gains importants de l'entente, c'est de baisser le poids, autour de 20 %, de la rémunération médicale dans le système de santé! » Et repouf!

Voici comment une augmentation de la rémunération médicale devient une diminution importante de son poids dans les coûts du système de santé!

J'étais vraiment en extase devant tant d'habileté à transformer une chose en son contraire! Je crois que je n'étais pas seul puisqu'il semblait y avoir tout un groupe de journalistes qui n'ont rien vu du tour de passe-passe.

« C'est une très bonne entente pour les citoyens et pour les patients», ajouta M. Couillard. Pourquoi? Attention : « On a généré des économies de 3 G$!» Et repouf!

Voilà maintenant qu'une entente que certains évaluent à une augmentation de plus de 2 G$ sur quelques années devient une économie de 3 milliards sur la même durée! Magie, magie!

« Pis en passant, 3 milliards $ d'économies, c'est pas rien! », ajouta-t-il.

Si le premier ministre considère qu'une économie de 3 milliards $ sur quelques années, ce n'est pas rien, il faudrait bien qu'il nous explique pourquoi il refuse toujours de rendre entièrement public notre régime d'assurance médicaments, ce qui se traduirait par des économies de 3 milliards $ par année dans les finances publiques! Ça, ça ne serait pas rien! Ça, ça ne serait pas de la magie!

Et avec cette économie qui ne se ferait pas sur le dos de la population, on pourrait financer plus adéquatement nos services publics afin qu'ils répondent plus décemment aux besoins des Québécoises et des Québécois.

M. Couillard devrait craindre qu'à force d'agir ainsi, la population puisse elle aussi apprendre la magie, et que le 1er octobre, journée d'élections générales, elle réserve au gouvernement libéral le sort qu'il se sera fabriqué lui-même.

Pouf!

Avril 2018

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