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Le financement à l'activité du privé

La dernière chose dont a besoin un réseau public de santé, c'est de concurrence.
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Cette semaine, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, nous a annoncé en conférence de presse un projet expérimental de comparaison des coûts liés aux chirurgies et aux procédures sous scopie entre le réseau public de santé et de services sociaux, et les cliniques Chirurgie Dix30 inc., Centre de chirurgie RocklandMD et Groupe Opmedic inc..

Il va donc évaluer les coûts de réalisation de chirurgies qui se feront dans des cliniques médicales privées, dans l'objectif qu'ils servent de mesures-étalons pour les hôpitaux publics.

C'est comme déterminer les méthodes de culture des légumes en serre pour ensuite les appliquer à la culture en champ, en disant que si ça ne fonctionne pas, c'est que le champ n'est pas assez productif !

Le ministre a déclaré : «Il est connu, et même les administrateurs du réseau l'ont dit à plusieurs reprises, que, dans notre réseau, il est extrêmement difficile, voire impossible de déterminer avec précision le coût d'un épisode de soins.»

Si c'est si difficile, voire impossible, alors comment pourra se réaliser la comparaison que veut faire le ministre ?

«Pour déterminer ça, la personne, ou le groupe, ou le milieu, ou le coût qui soit le coût le plus optimal, il nous apparaît nécessaire pour nous de pouvoir faire des évaluations dans un environnement le plus contrôlé possible, donc dans un environnement fermé.»

Comme une serre, finalement...

Pourtant, quand on lit le détail du projet de règlement qu'il a rédigé, on comprend mal que le réseau public ne puisse répondre aux conditions clairement indiquées qui forment les composantes du coût. À part, bien sûr, la question du profit, qui n'existe pas dans le réseau public.

On se dit que pour une vraie comparaison, il faudrait que le public fasse exactement la même chose que le privé : le même projet, les mêmes opérations, pendant la même durée, avec les mêmes conditions, le même personnel, le même type de personnes à soigner, etc. Nous pourrions alors savoir où les coûts diffèrent, de combien et la raison.

L'objectif du ministre est-il de comprendre d'où vient la différence, ou s'il est possible d'abaisser les coûts et comment ?

«L'objectif est d'étalonner - parce qu'on parle ici d'étalonnage - un maximum de procédures non chirurgicales et chirurgicales, étalonnage qui va être ensuite appliqué à la grandeur du réseau.»

Donc, il veut établir un coût moyen, pour ensuite pouvoir l'utiliser partout comme mesure-étalon, lui permettant ainsi de faire faire les soins et services là où ils coûtent le moins cher.

Le moins cher, avec l'assurance que, si ça tourne mal, le réseau public ramassera les dégâts puisque, de toute façon, l'hôpital ne sera jamais loin, et comme c'est le public qui paiera, c'est lui qui servira de garantie.

Mais non, diront certains, le ministre dit que ça va être contrôlé ! Doit-on rappeler le cas de Micheline Charest ? Pour le contrôle du privé, on repassera !

Si un patient doit être hospitalisé suite à des complications, est-ce qu'on éliminera de la comparaison cette chirurgie parce qu'elle ne sera pas contrôlée comme les autres ? Est-ce qu'on augmentera les coûts de chacune des autres chirurgies d'une valeur X reliée aux équipements ou au personnel d'hôpital que ne possède pas une clinique privée, mais qui peuvent être requis en cas de complications ? Cela peut faire partie des coûts différents d'infrastructures entre une clinique privée et un hôpital, et même entre deux hôpitaux.

Si on veut travailler à la santé de la population, tant du côté curatif que préventif, ce dont on a le plus besoin, c'est de collaboration. La dernière chose dont a besoin un réseau public de santé, c'est de concurrence, qui finit toujours par se faire aux dépens des personnes, parce que le but visé est le profit.

Laissons le ministre Barrette nous en parler :

«La concurrence dans le réseau public est impossible. La concurrence est une notion d'entreprise privée, de marché. Et la concurrence se mesure à deux éléments : le premier, la part de marché - dans le réseau public, il n'y a pas de part de marché à gagner, c'est un - et évidemment le profit. Il n'y a pas de profit dans le réseau public, ça n'existe pas.»

On ne saurait mieux dire.

Mais laissons poursuivre le ministre : «Alors, il faut introduire dans le réseau un élément qui permet aux administrations d'avoir un effet similaire, et cet élément-là est une mesure comparative du financement à l'activité et de la performance. [...] Alors, je boucle ma boucle, si le privé peut le faire moins cher, là, qu'on fait la démonstration qu'en organisant le travail différemment, et ainsi de suite - parce que, là, il y aura une souplesse - bien, c'est parfait, on l'aura montré. Si c'est équivalent, bien on l'aura montré aussi. Et si c'est plus cher que dans le public, on l'aura montré aussi. Dans tous les cas, pour le financement d'activités, j'ai rempli la première condition fondamentale, qui est de déterminer avec précision le point de référence. Ensuite, on l'ajuste.»

Tenant compte du fait que le réseau public ne peut facturer de frais accessoires et qu'il doit respecter des conventions collectives pour son personnel, ce qui n'est pas le cas du privé, on peut déjà voir apparaître des différences de coûts à l'avantage des cliniques privées, qui pourront s'en servir pour augmenter leur part acceptable de profits.

Ensuite, le coût servira à déterminer le prestataire de soins et services. Les prestataires se feront concurrence pour offrir le meilleur coût, avec une qualité à la baisse : à la baisse pour la personne soignée, et à la baisse pour le personnel qui rendra les soins.

À ceux qui en doutent, posez-vous la question : pour être concurrentiels et conserver une marge de profit, dans quoi croyez-vous que les prestataires vont couper ?

Le ministre peut bien répéter que ce n'est pas de la privatisation, il rejoint la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), qui déclarait que ce qui détermine un service public, ce n'est pas qui le dispense, mais qui le paie !

Cette même FCCQ écrivait il y a un peu plus d'un an dans un communiqué de presse : «Les entreprises peuvent profiter des marchés publics pour prendre de l'expansion. Dans les fonctions susceptibles de faire l'objet d'une sous-traitance concurrentielle, la FCCQ indique notamment les fonctions auxiliaires (comme l'entretien ménager ou les services informatiques), les chirurgies d'un jour ou encore l'hébergement et les soins de longue durée pour personnes âgées.»

La concurrence établira le marché public.

Et le financement à l'activité en sera la clé.

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