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Cher commissaire au lobbyisme

La semaine dernière, le ministre Carlos Leitao faisait sa mise à jour des finances publiques. On a ainsi appris qu'il avait dégagé un surplus des revenus sur les dépenses de 3,7 milliards de dollars et qu'il réinvestirait une partie du 2,2 milliards restant dans les services publics.
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La semaine dernière, le ministre Carlos Leitao faisait sa mise à jour des finances publiques. On a ainsi appris qu'il avait dégagé un surplus des revenus sur les dépenses de 3,7 milliards de dollars, dont il s'empressait de faire disparaître 1,5 milliard dans le Fonds des générations. Il ajoutait qu'il réinvestirait une partie du 2,2 milliards restant dans les services publics.

Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Commissaire, que les coupes budgétaires en santé ont contribué largement à ce surplus. Le dernier rapport de la Protectrice du citoyen a confirmé que la façon de faire de ce gouvernement avait fait reculer l'accessibilité aux soins et services du réseau public de la Santé et des Services sociaux (SSS), particulièrement pour les plus démunis.

C'est que les gestionnaires du réseau public encouragent leur personnel à référer leurs patients à des services privés, communautaires inclus, qui viennent le plus souvent avec une obligation de contribution financière, une tarification. La conséquence? Plus vous êtes démunis, moins vous avez accès à ce dont vous avez besoin.

Vous vous demandez, M. le Commissaire, en quoi cela vous concerne. J'y arrive.

Depuis deux ans, le gouvernement Couillard et son ministre de la santé, Gaétan Barrette, ont aussi multiplié les projets de loi s'arrimant ensemble dans un plan bien orchestré pour ouvrir notre réseau public de SSS au marché, c'est-à-dire à la sous-traitance et à la privatisation.

Le ministre Barrette a eu beau répéter en commission parlementaire qu'il n'y avait rien dans ses projets de loi pour la privatisation, il n'y a qu'à voir les gens d'affaires, les chambres de commerce et les sous-ministres s'activer ensemble dans des colloques pour convaincre les gestionnaires du réseau de chercher les solutions du côté privé pour lui répondre que s'il n'y avait rien pour, il n'y avait sûrement rien contre non plus!

L'article 2 de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme stipule que

« Constituent des activités de lobbyisme au sens de la présente loi toutes les communications orales ou écrites avec un titulaire d'une charge publique en vue d'influencer ou pouvant raisonnablement être considérées, par la personne qui les initie, comme étant susceptibles d'influencer la prise de décisions relativement:

1° à l'élaboration, à la présentation, à la modification ou au rejet d'une proposition législative ou réglementaire, d'une résolution, d'une orientation, d'un programme ou d'un plan d'action;

[...]

3° à l'attribution d'un contrat, autrement que dans le cadre d'un appel d'offres public, d'une subvention ou d'un autre avantage pécuniaire, ou à l'attribution d'une autre forme de prestation déterminée par règlement du gouvernement; »

Conséquemment, il me semble que les deux Sommets sur la santé organisés par LesAffaires.com et tenus à un an d'intervalle, méritent hautement votre attention. De plus, ils satisfont à vos critères pour faire enquête : l'évidence, qu'il y a une trace écrite de l'événement et que ce n'est pas sur la base de présomptions.

Commençons par l'évidence et la trace écrite.

Le premier événement s'adressait aux gestionnaires du réseau de la Santé et des Services sociaux, avec comme organisations conférencières :

-BIOMÉRIEUX , multinationale offrant des solutions de diagnostic;

-le Conseil des entreprises privées en santé et mieux-être, dont le nom ne laisse pas de doute;

-le Groupe Concerto , experts en gestion des maladies chroniques;

-le Groupe santé Sedna spécialisé en hébergement et soins de longue durée;

-l'Institut de l'oeil des Laurentides, clinique privée appartenant à quatre médecins ophtalmologistes ayant déjà sous-traité le réseau public;

-les sociétés canadiennes de technologies médicales (MEDEC), représentant 150 sociétés de technologies médicales;

-Pfizer, une biopharmaceutique qui n'a plus besoin de présentation;

-RX & D , compagnies de recherche pharmaceutique;

-Telus Santé, des solutions en santé (privées, évidemment!)

-Triode - Stratégie de produit, analyse de marché, etc.

La deuxième édition élargissait le public aux hauts gestionnaires du Conseil du trésor et du ministère des Finances avec, entre autres, comme conférencières:

-Alliance santé Québec, dont le président du C.A. est Michel Clair, ancien PDG du Groupe Santé Sedna (voir première édition ci-haut);

-Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec, dont le président du C.A. est Michel Clair (encore! Voir précédemment...);

-Association des cliniques médicales du Québec, dont le lobbyiste le plus connu est David Levine, ex-PDG de l'Agence de Santé et Services sociaux de Montréal;

-CIRANO, un think tank qui s'intéresse aux applications de l'Organisation Industrielle (IO) à l'économie de la santé et dont le PDG a déjà été Claude Montmarquette, corédacteur du rapport Godbout-Montmarquette qui a inspiré au gouvernement Couillard l'innovation sociale et économique de l'austérité;

-Deloitte, firme-conseil en gestion;

Détail intéressant, M. le Commissaire : les pauses prévues aux programmes des deux événements étaient nommées pauses « réseautage », ce qui, vous en conviendrez, semble dépasser la simple activité sociale où on fait connaissance en discutant famille, hypothèque et vacances.

Pour votre troisième critère, que ce ne soit pas sur la base de présomptions, l'extrait suivant tiré de la publicité de l'événement du 14 juin devrait suffire (les caractères gras sont d'origine):

« Les PDG, les PDGA et les directeurs entreprennent actuellement la plus importante réforme du réseau de la santé et des services sociaux de l'histoire du Québec. Et ce virage est majeur, tant dans la manière d'opérer les établissements que dans la manière d'assurer les services aux patients.

C'est dans ce contexte précis que les Événements Les Affaires organisent ce 2e Sommet sur la santé, axé sur des cas qui ont permis de créer de la valeur en :

- Réduisant les coûts de gestion pour les organisations ;

- Fédérant des services au sein de nouvelles entités ;

- Externalisant certaines activités non essentielles ;

- Améliorant les soins et la réhabilitation des patients ;

- Mettant en valeur l'expertise, le savoir-faire et les innovations des entreprises. »

J'ajouterais une autre raison pour vous soumettre le cas présent : le ministre Leitao a parlé d'un réinvestissement de 300M$ en santé, ce qui est bien peu en comparaison des montants qu'il y a coupé depuis deux ans.

Or pour M. Leitao et son gouvernement, réinvestir dans les services publics ne signifie pas dans le secteur public des services.

Sachant, M. le Commissaire, que ce montant de 300 M$ n'est vraiment pas suffisant pour combler les besoins en services, si en plus il est sous-traité, nous savons bien que nous n'en aurons pas pour notre argent.

Bien à vous,

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