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Sans assurance médicaments publique, difficile de choisir la meilleure façon d'intervenir

Sans une assurance médicaments entièrement publique intégrée au réseau public de SSS, il est plus difficile d'avoir cette vision globale de la santé, de choisir la meilleure façon d'intervenir.
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Savais-tu que la mise sur pied de l'assurance médicaments au Québec est indissociable du virage ambulatoire qui a été imposé dans les mêmes années au réseau public de SSS?
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Savais-tu que la mise sur pied de l'assurance médicaments au Québec est indissociable du virage ambulatoire qui a été imposé dans les mêmes années au réseau public de SSS?

Presque chaque année, je reçois et accepte avec plaisir des demandes de rencontres provenant de groupes d'étudiants de CÉGEP en travail social ou en d'autres concentrations qui ont suivi un cours complémentaire du genre «défense de droits».

Chaque fois, les questions se ressemblent: l'année de création de votre organisme, ce qui a présidé à sa naissance, quels droits sont concernés, les enjeux qui sont sous-entendus, etc.

À la fin, je leur envoie par courriel des documents ou hyperliens qui peuvent compléter les informations que je leur ai données. Parfois, on me relance avec une ou deux questions oubliées ou qui ont surgi à la lecture des compléments que j'ai envoyés.

C'est ce qui est arrivé récemment avec l'un des groupes. J'ai reçu ce courriel.

«M. Benoît, j'ai lu plusieurs de vos chroniques. Vous parlez beaucoup et souvent de l'assurance médicaments. J'avais bien compris l'importance de cette question quand on vous a rencontré, mais je me suis demandé pourquoi vous écriviez si souvent à ce propos, pourquoi ne pas parler d'autre chose, comme le font les autres chroniqueurs dans les médias: ils traitent de toutes sortes de sujets. Ça pourrait élargir votre lectorat. C'est juste une suggestion. Merci pour tout. S.T.»

Ma chère S.T., tu as raison: j'ai écrit «beaucoup et souvent» sur cette question, particulièrement pendant la période électorale.

Tu dois comprendre, S.T., que la Coalition solidarité santé ne défend pas cette revendication, entre autres dans des chroniques, pour faire plaisir à un lectorat ou pour le distraire. Elle le fait parce qu'il y va du bien commun, que c'est dans l'intérêt général de toute la population.

Savais-tu que la mise sur pied de l'assurance médicaments au Québec est indissociable du virage ambulatoire qui a été imposé dans les mêmes années au réseau public de SSSS?

À force d'imager et de lier cette revendication à d'autres problématiques, de montrer comment les économies réalisées de cette façon pourraient favoriser l'amélioration ou la solution d'autres problématiques sans que cela ne nous coûte plus cher, on peut espérer que le lectorat voudra aussi que se réalise cette demande, qu'il fera pression à son tour et demandera des comptes à ses élus.

Vois-tu, S.T., tous les médias réunis publient les communiqués de presse, les nombreux points de presse (scrums), déclarations et autres de nos ministres et gouvernements. En plus de toute cette machine médiatique, qui reprend et répète plusieurs fois par jour leurs propos, il y a toutes les publicités que nos gouvernements achètent avec nos impôts pour vanter leurs réalisations ou faire valoir leurs prétentions, même quand elles sont fausses. En comparaison, mes chroniques ne sont que des gouttes d'eau.

Les nombreux articles que tu as lus t'ont peut-être semblé beaucoup parce que tu es obligée de te les taper tous pour ton travail d'étude, mais il n'en est pas de même pour le lectorat potentiel qui ne les reçoit au plus qu'un à la fois par semaine. Et peut-être que le contenu d'une seule de ces chroniques sera celui qui fera le déclic dans la tête des certains et les amènera à s'engager sur cette question.

«Cent fois, sur le métier remettez votre ouvrage», disait Nicolas Boileau, poète et écrivain. En politique, il en va de même, sauf que pour nos gouvernements, c'est trop souvent la version «Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose...». Et dans notre univers immensément médiatique où une nouvelle chasse l'autre, sans «répétition», il n'y a pas d'existence.

Mais puisqu'on en parle encore de cette assurance médicaments, S.T., je vais en profiter pour ajouter des éléments que je n'ai pas abordés avec vous lors de notre rencontre, et que je n'ai pas encore évoqués dans mes chroniques précédentes.

Savais-tu que la mise sur pied de l'assurance médicaments au Québec est indissociable du virage ambulatoire qui a été imposé dans les mêmes années au réseau public de SSS, virage où on a fermé des hôpitaux, mis à la retraite des milliers de travailleuses et travailleurs en SSS, réduit les durées de séjour à l'hôpital et constitué des listes d'attente pour des soins et services?

Les prétextes invoqués pour sa mise en place étaient de rendre plus accessibles les médicaments et de réaliser des économies substantielles. Pour les économies substantielles, je crois avoir amplement démontré l'imposture.

Mais sur les rôles que l'assurance médicament a réellement joués, il faudrait ajouter:

  • permettre de transférer désormais aux patients une partie de la facture des médicaments nécessaires à leur convalescence et qui était autrefois assumée par l'hôpital pendant la durée plus longue de leur séjour;
  • intégrer les médicaments dans la nouvelle technologie de soins: depuis, on les utilise de plus en plus, même en prévention, médicalisant les problèmes sociaux en créant de nouveaux diagnostics auxquels les pharmaceutiques s'empressent de faire correspondre autant de nouveaux médicaments. Pas étonnant que la liste de médicaments remboursables par le gouvernement en compte plus de 8000! Plus de médicaments pour moins d'intervenants.

Vois-tu, S.T., ces questions méritent aussi qu'on s'y attarde sérieusement tant pour l'effet qu'elles ont sur les finances personnelles et publiques, que pour le choix de la meilleure façon de répondre aux besoins de la population. Non seulement les pilules ne règlent pas tout, mais la santé n'est pas qu'affaire individuelle et médicale, elle est la plupart du temps sociale.

Sans une assurance médicaments entièrement publique intégrée au réseau public de SSS, il est plus difficile d'avoir cette vision globale de la santé, de choisir la meilleure façon d'intervenir, basée sur des données probantes, et conséquemment, de mettre les ressources là où elles sont vraiment nécessaires, là où sont les vrais besoins, là où ça compterait vraiment: la véritable prévention, les services sociaux.

Sur ce, S.T., je te fais confiance pour faire passer ces infos au reste de ta classe.

Et bonne fin de session en travail social!

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