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La réforme Barrette: où on en est, où on s'en va

La première loi du ministre Barrette permit déjà une économie de plus de 220 millions de dollars tout en simplifiant allègrement l'organigramme québécois de notre système de santé.
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1)La santé: ça compte et ça se compte!

Oublions pour un instant (le plus long possible) tous ces groupes et individus à qui le seul mot «changement» procure une crise sévère d'urticaires et tous ceux qui voudraient que rien ne change et imaginons un système qui fonctionne, un système qui mérite notre fierté collective! Tel est le but de la présente série.

Gérer, c'est aussi compter

Avant 1966, la santé était de juridiction uniquement provinciale. Mais en 1966, le gouvernement fédéral utilisa son pouvoir constitutionnel de dépenser pour s'immiscer dans ce champ d'action en adoptant la loi canadienne d'assurance maladie. Cette intrusion dans notre champ de compétence ne fut acceptée qu'après de longues hésitations (nda : le Québec fut la dernière de toutes les provinces et territoires du Canada à adhérer au système alors proposé par Ottawa) et ce, uniquement parce que le fédéral avait alors promis de défrayer 50% des coûts engendrés par sa loi. Mais pour ceci, les gouvernements provinciaux devaient adhérer à la loi canadienne, dont voici un résumé comme on peut le lire sur le site de Santé Canada:

« En vertu de la Loi canadienne sur la santé, notre programme d'assurance maladie national prévoit que tous les résidents du Canada ont un accès satisfaisant aux services hospitaliers et médicaux nécessaires sans avoir à débourser de frais et selon des modalités uniformes. ».

Ce sont ces 6 petits mots « sans avoir à débourser de frais » qui empêchent une foule d'autres financements qui pourraient ou auraient pu être disponibles (ex : ticket modérateur, frais accessoires, etc.).

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les gouvernements fédéraux qui se sont succédé depuis ce temps avaient maintenu les mêmes exigences et... le même financement. Dans les faits, les exigences d'universalité et de gratuité ont été maintenues, mais le financement a diminué dramatiquement du 50% initial à un famélique taux qui varie maintenant entre 19% et 21 %. Et tout ceci dans un contexte où les coûts des soins ont augmenté et continueront de le faire. Il ne faut pas être un prix Nobel en économie pour réaliser qu'il est illogique de vouloir offrir plus de services et des services de plus en plus dispendieux avec un budget amputé de plus de la moitié.

À cet effet, le Québec a préparé, de son propre chef, une étude qui montre clairement que le fédéral doit augmenter d'au moins 6% son budget de transfert en santé aux provinces pendant les 10 prochaines années non pas dans le but d'améliorer son financement en santé, mais simplement dans celui de ne pas appauvrir indument les provinces à ce chapitre. Tous les experts provinciaux ont félicité cette initiative québécoise. Le gouvernement fédéral a répondu en offrant exactement la moitié de ce 6%! Pour ce gouvernement, il faut croire que la devise en santé est : « Tout le monde au Canada doit être mal traité de manière égale... »

La première loi du ministre Barrette permit déjà une économie de plus de 220 millions de dollars tout en simplifiant allègrement l'organigramme québécois de notre système de santé.

Faire de son mieux avec ce que l'on a: premier outil, l'organisation

Il faut être conscient qu'il faut se lever et exiger beaucoup plus du fédéral, dans la couverture des soins de santé. Mais, partant du principe qu'on n'a guère le choix que de faire le mieux avec le peu que l'on a, une vaste réforme de notre système de santé s'imposait.

La première loi du ministre Barrette permit déjà une économie de plus de 220 millions de dollars tout en simplifiant allègrement l'organigramme québécois de notre système de santé. Bien des gens, parmi nos pleureurs professionnels, ont alors prophétisé un écroulement catastrophique de nos acquis en santé. Remarquez qu'ils ont raison seulement s'ils considèrent qu'attendre 17 heures dans une salle d'urgence est un acquis social. C'est ce genre d'acquis que l'on risque bien de perdre. De plus, cette simplification du système a déjà apporté des résultats.

En éliminant les trop nombreux paliers d'intervention qui existaient avant la réforme, les intervenants sont en mesure de communiquer plus rapidement entre eux, de se consulter et de concevoir des solutions qui auraient pris des lustres à être adoptées avant la réforme. En entrevue avec M. Barrette, celui-ci me donnait l'exemple de la région de la Côte Nord où à Baie-Comeau, il y avait, avant ces changements, un problème chronique et récurrent de manque de places en CHSLD. En réorganisant la conception et l'administration des soins à domicile, aujourd'hui il n'y a plus aucune liste d'attente pour les CHSLD de cette région.

Le deuxième outil: se munir des moyens de comptabiliser

Le système informatique en santé a fait couler bien de l'encre depuis ses balbutiements, il y a une vingtaine d'années et il a coûté bien cher, probablement trop cher. Bien des gens ont parlé d'argent jeté par les fenêtres et ce, en pure perte. Pourtant l'acquisition d'outils informatiques, d'infrastructures de connectivité et de logiciels appropriés était nécessaire avant d'aller plus loin. Par exemple, avant ces acquisitions, on ne voyait pratiquement aucun appareil informatique en milieu hospitalier. Aujourd'hui on en retrouve à chaque poste d'infirmières, à chaque laboratoire, etc.

Ces acquis ont permis de développer des compétences et de compiler des données. Ils ont aussi contribué à formuler une réflexion sur les outils dont nous aurons besoin pour assurer une gestion optimale du système de santé. Par exemple, un des changements majeurs, et le ministre m'assurait que l'échéance sera proche, qui s'opérera dans notre système est le paiement par activité. Il sera terminé le temps d'un budget global où tout un chacun peut décider des montants qui seront dépensés sans égard au rendement.

Dans un livre que j'ai écrit, je soulignais l'exemple de l'Angleterre où un tel financement a été standardisé:

«En Angleterre, le financement est basé à 100% sur l'activité. En d'autres termes, un hôpital est payé en fonction du nombre de patients qu'il traite. Plus l'hôpital a de patients, plus il reçoit de financement. Le patient devient donc un revenu pour l'hôpital et non un coût. Ce 100% ne s'appliquerait peut-être pas partout ici, mais il y aurait certainement place à un accroissement de plus en plus au financement basé sur les activités » (Jacques Beaulieu : Révolutionner les soins de santé, c'est possible. Éditions Trois-Pistoles, 2012, p. 78-79).

Le système informatique qui s'implante graduellement pourra déterminer avec précision le coût de telle ou telle autre intervention et les budgets seront distribués en tenant compte des soins dispensés aux patients plutôt que des budgets globaux des hôpitaux. L'investissement dans l'informatisation des soins de santé est donc une mesure, douloureuse en termes de coûts, mais néanmoins obligatoire si on veut en arriver à une gestion performante de la santé.

En somme, en santé comme ailleurs, il faut apprendre à compter si on espère pouvoir compter sur un bon système lorsque nous en aurons besoin, puisque nous en avons ou en aurons tous besoin un jour ou l'autre.

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Mai 2017

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