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Portrait de médecin: Norman Bethune, un héros à l'index

PUBLICATION SAMEDI
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Lorsqu'il est mort le 12 novembre 1939 en Chine, toutes les conjectures étaient réunies pour qu'on ne parle pas beaucoup du Docteur Norman Bethune. Il faut avouer que l'actualité d'alors est fort mouvementée, la Deuxième guerre mondiale venait à peine d'éclater et au Québec, les élections du 25 octobre avaient vu les libéraux d'Adélard Godbout reprendre le pouvoir après avoir vaincu Maurice Duplessis. Il n'y a pas beaucoup d'espace dans les médias pour parler de ce médecin canadien mort en Chine. Deux autres conditions n'allaient pas aider la mémoire de Norman Bethune à passer à la postérité. Ses convictions socialistes et communistes n'étaient vraiment pas aux goûts du jour. Tant les pouvoirs civils que religieux partout en Amérique du Nord craignaient la menace bolchevique. Vanter les mérites d'un médecin qui a soigné les soldats de Franco et ceux de Mao n'entrait pas dans les priorités de l'époque. Ajoutez à cela le fait que Bethune avait fait ses études de médecine à l'Université de Toronto ce qui n'était pas des mieux vu par les médecins canadiens-français de l'époque et vous comprenez pourquoi on ne parla pas trop de la mort de Norman Bethune. Pourtant bien des chirurgiens d'aujourd'hui utilisent l'un ou l'autre des 12 instruments médicaux et chirurgicaux inventés ou redessinés par Norman Bethune. Encore moins de gens savent que l'illustre médecin a jeté les bases non seulement du système de santé canadien mais aussi de nos CLSC. Reprenons donc dès le début l'histoire de ce grand médecin.

Il est né le 3 mars 1890 à Gravenhurst en Ontario. Son père, Malcolm, était Pasteur de l'Église Presbytérienne de ce village situé à quelques 200 kilomètres au nord de Toronto. Son grand-père s'appelait Norman et était chirurgien. Henry Norman Bethune lui portait une admiration sans borne à un point tel que lorsqu'il ouvrit son premier cabinet de médecine, il y posa la plaque identificatrice de son grand-père et dès lors, n'utilisa plus que le nom de Norman. L'action sociale de ce grand-père qui comptait comme ami personnel nul autre que le Dr Henri Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge, et les préceptes religieux de son père ont doté Norman Bethune d'un besoin de servir hors du commun.

Ainsi, avant même d'avoir terminé ses études de médecine, Norman s'engage comme brancardier lors de la première guerre mondiale. Il est blessé à Ypres en Belgique et doit entrer au pays. Il poursuit alors ses études en médecine. Il retourne alors à la guerre, mais cette fois à titre de chirurgien. Il est médecin militaire pour les soldats canadiens en France durant les six derniers mois de la guerre en 1918. C'est en Écosse en 1917 qu'il fait la connaissance de Frances Campbell Penney qu'il épousera en Angleterre en 1920.

Il revient pratiquer la médecine mais cette fois à Détroit au Michigan. C'est là qu'il contractera une tuberculose en 1926. Survivant de cette maladie bien souvent mortelle à cette époque (les antibiotiques ne sont pas encore découverts), il décide de consacrer sa pratique à ceux qui sont atteints de cette maladie. Il avait osé une technique alors contestée : le pneumothorax. En 1928, son épouse le quitte et il se retrouve seul, sans le sou et contraint à recommencer une nouvelle carrière. Il a 39 ans et c'est à ce moment qu'il entre en service à Montréal d'abord comme chirurgien thoracique à l'Hôpital Royal Victoria puis à l'Hôpital du Sacré-Cœur qui est alors un sanatorium consacré aux soins et au rétablissement des tuberculeux.

C'est à cette époque qu'il est le plus prolifique comme spécialiste de la chirurgie thoracique. Il conçoit ou modifie une douzaine d'instruments chirurgicaux et rédigent bon nombre de communications scientifiques sur ses travaux. Mais derrière le médecin n'est jamais bien loin l'humaniste Norman Bethune. Montréal est au beau milieu de la grande dépression (crash économique 1929-1939) et la misère y est omniprésente. Norman réalise que les succès chirurgicaux sont bien petits comparés aux problèmes économiques qui empêchent la population d'avoir accès à des soins de santé adéquats. Sous prétexte d'un congrès médical à Moscou, il se rend en Russie. Il écrira : «Je dois vous dire en toute franchise que je ne suis pas allé en Russie, comme mes collègues, pour assister à un congrès de physiologie. Je suis allé en Russie pour des raisons beaucoup plus importantes. Je suis allé avant tout pour voir les Russes.» De retour à Montréal, il fonde en 1935 le Montreal Group for the Security of the People's Health, un ancêtre lointain de nos CLSC, puisque dans cet organisme des personnes de diverses spécialités tant sociales que médicales y travaillaient et un précurseur du système d'assurance-maladie puisque les services offerts y étaient gratuits. De cette expérience, le Dr Bethune formule une série de recommandations qui sont accueillies dans la plus grande indifférence tant des milieux médicaux que politiques. Il joint alors officiellement les rangs du parti communiste. Son idéologie s'accorde avec celle de ce parti. Amer, déçu, il quitte le Canada en 1936 pour offrir ses services là où il pourrait être le plus utile à la cause. Il débarque alors en Espagne pour aider et soigner les soldats sur le front pour le compte des Brigades internationales en lutte contre le général Franco.

Alliant son expérience de brancardier et de chirurgien durant la première grande guerre mondiale avec les besoins de l'instant, Norman Bethune innove en mettant sur pied une banque de sang près du front et en organisant un service mobile de transfusion sanguine, il forme aussi des brancardiers, infirmiers et infirmières à effectuer divers actes médicaux de base pour sauver le plus de vies possible. Un an plus tard, soit en 1937, sa petite équipe peut effectuer une centaine de transfusions par jour. Il est devenu un véritable héros de guerre. De retour au pays, il sillonne le Canada d'est en ouest pour amasser de l'argent pour venir en aide à ceux qui luttent contre le fascisme. Mais encore une fois, il fait face à l'indifférence totale des siens. Il décide de repartir.

C'est vers la Chine qu'il ira offrir ses services pour aider les armées de Mao qui doivent mener une lutte terrible contre la puissante armée japonaise. Le 8 janvier 1938, l'Unité médicale mobile canado-américaine dont il a été l'instigateur rejoint la 8ème armée de campagne dans la région de Shanxi-Hobei en Chine. Vivant dans les campements rudimentaires chinois, il gagne rapidement la confiance et l'admiration des soldats. En octobre 1939, il effectue une chirurgie d'urgence sur un soldat grièvement blessé. Norman Bethune n'avait pas eu le temps d'enfiler des gants et il se coupe avec le scalpel. Une septicémie prendra le dessus et Norman Bethune décède le 12 novembre 1939.

Sa mort touche tous les Chinois et Mao Zedong lui rend un hommage des plus sentis. En 1952, ses restes sont transférés dans un parc à la mémoire des personnes mortes au combat, juste en face, un grand hôpital qui porte le nom : l'Hôpital international de la paix Norman Bethune. Ici, nous devons au Premier ministre Pierre Elliot Trudeau, d'avoir réhabilité la mémoire et accordé à ce grand médecin la place qu'il aurait toujours dû occuper. À Montréal, à l'intersection Guy et de Maisonneuve, on peut trouver la Place Norman Bethune avec la statue du fameux médecin, un don en 1976 du gouvernement chinois.

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