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Portrait de médecin: Maude Abbott quand la chance n'est jamais au rendez-vous

La chance n'a jamais vraiment fait partie de la vie de la première femme médecin au Québec, Maude Abbott. Mais dotée d'un talent extraordinaire et d'une détermination hors du commun, elle n'en a jamais eu besoin pour réussir. Voici donc l'histoire de celle qu'on appelait à l'époque: la tornade bienfaisante.
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La chance n'a jamais vraiment fait partie de la vie de la première femme médecin au Québec, Maude Abbott. Mais dotée d'un talent extraordinaire et d'une détermination hors du commun, elle n'en a jamais eu besoin pour réussir. Voici donc l'histoire de celle qu'on appelait à l'époque: la tornade bienfaisante.

Elle est née Maude Élizabeth Babin en 1869 dans un petit village qui porte aujourd'hui le nom de St-André-d'Argenteuil. Première malchance, son père quitte le foyer conjugal alors qu'elle n'est âgée que de quelques mois, abandonnant son épouse, Maude et sa soeur aînée Alice. Maude venait à peine d'avoir onze mois que sa mère décède de la tuberculose. C'est sa grand-mère maternelle qui prendra en charge les deux enfants et les adoptera légalement. Elle leur donne alors leur nom de famille Abbott. Il s'agit d'une famille respectée, le deuxième arrière-grand-père Sir John Abbott ayant été le troisième premier ministre du Canada.

En 1886, elle obtient une bourse du Collège Royal Victoria pour les filles, une école affiliée à l'Université McGill. Elle y étudiera par prudence l'enseignement et obtiendra parallèlement un bac es art en 1890. Son rêve demeure cependant de devenir médecin. Elle avait demandé l'opinion de sa grand-mère qui lui avait répondu : «Ma chère petite, tu peux faire tout ce que tu veux.» Elle pose donc sa candidature à l'Université McGill, une institution qu'elle admire par-dessus tout. Autre malchance, McGill n'accepte pas les filles dans son cours de médecine. Maude obtient l'appui du grand quotidien The Gazette, lance une pétition et amasse même des sommes d'argent pour aider les femmes qui désirent être admises comme elle en médecine. Mais l'Université McGill ne bronche pas, sa candidature est rejetée. En réalité, ce n'est qu'en 1917, que cette université acceptera ses premières étudiantes dans cette faculté.

Ne pouvant vaincre le sort, Maude Abbott se tourne vers l'Université Bishop à Lennoxville, la seule institution qui l'accepte alors en médecine. Elle fera ses quatre années de médecine comme seule élève féminine de la faculté. Elle y obtient son diplôme de médecin en 1894 puis part pour l'Europe pour parfaire ses connaissances. Elle amène avec elle sa soeur Alice qui, autre mauvais coup du sort, contracte la diphtérie. Elle y survivra, mais avec de graves problèmes mentaux. Pendant les quarante années qui suivront, Maude prendra grand soin de sa soeur Alice, en plus de la carrière fulgurante qu'elle connaîtra.

De retour à Montréal, Dre Abbott rencontrera le Dr Charles Martin qui l'invite à prendre part à ses projets de recherche à l'Hôpital Royal Victoria. Maude accepte et commence ses premières recherches, son projet : différencier les bruits fonctionnels du coeur. Ses résultats sont spectaculaires. Elle écrira un article scientifique sur ce sujet, article qui fit annal dans les plus grandes revues. Pourtant, ce sera un homme qui lira son article devant la Montreal Medico-Chirurgical Society, mieux connue sous le nom de Med-Chi, car les femmes ne sont pas admises au sein de cette illustre société. Suite à cette conférence, la Med-Chi se ravisera et Maude Abbott sera la première femme à y être admise. Cet organisme a célébré son 150e anniversaire de fondation en 1994 et a accueilli bien des sommités comme conférencier. Soulignons entre autres, les docteurs Osler, Penfield et le Dr Bethune qui y prononça une conférence sur la gloire de la médecine en Union Soviétique en 1937, conférence qui fut plutôt froidement accueillie, compte tenu du climat politique de l'époque.

La rencontre avec un autre éminent médecin pratiquant à Baltimore, un ancien élève de McGill, le docteur William Osler l'influencera beaucoup. Il faut dire que le Dr Osler avait le don pour détecter les grands talents. Il avait aussi contribué à la célèbre carrière du Dr Wilder Penfield. Grâce donc aux encouragements de cet illustre professeur, Maude continuera ses recherches sur les maladies congénitales du coeur et développera ses aptitudes dans deux autres domaines: la muséologie médicale et l'écriture médicale, les deux plus grandes passions du Dr Osler.

Suivant les traces de son mentor, elle est nommée en 1898, curatrice adjointe du Medical Museum of McGill University. Son travail est remarqué en 1904 par le Dr Osler qui envoie une lettre au recteur de l'Université McGill écrivant qu'il s'agit là: du meilleur travail que McGill avait réalisé à ce jour, que la Dre Abbott avait des dons d'organisation exceptionnels et qu'il n'existait aucune collection en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne qui s'en approchait.

En 1905, le docteur Osler invite la Dre Abbott à écrire un chapitre sur les cardiopathies congénitales dans son ouvrage qui s'intitulera Systems of modern medicine.

Malgré toutes ses compétences mondialement reconnues, Maude Abbott n'aura jamais eu la chance d'être nommée professeure titulaire au département de médecine pour lequel elle a consacré 40 ans de sa vie. En 1910, l'Université McGill lui octroya un diplôme honorifique en médecine ce qui lui permettra d'être chargé de cours en médecine. Elle aura une promotion comme assistant-professeur, plusieurs années plus tard. Finalement à son départ pour la retraite, en 1936, l'Université McGill lui décerne un doctorat honorifique en médecine.

Ces dons d'organisation, elle les utilise aussi dans d'autres domaines. Ainsi en 1924, elle fonde avec cinq autres femmes médecins, une association nommée alors, Les Femmes médecins du Canada qui deviendra la Fédération des femmes médecins du Canada, organisme qui œuvre encore de nos jours.

En 1936, Dre Abbott publiera son Atlas of Congenital Cardiac Diseases dans lequel elle relate plus de 1000 cas étudiés et procède à un nouveau système de classification de ces maladies. C'est l'année où elle décidera de prendre sa retraite.

Durant son illustre carrière, la Dre Maude Abbott a publié plus de 140 articles, livres et autres textes scientifiques. Elle est morte des suites d'une hémorragie cérébrale le 2 septembre 1940 à l'âge de 71 ans. Membre de près d'une vingtaine d'organisations, elle a aussi signé onze ouvrages historiques en dehors de sa carrière médicale. Son Atlas of Congenital Cardiac Disease l'a confirmée comme étant une sommité mondiale dans sa spécialité. On se rappellera toujours d'elle comme étant une pionnière au Canada des femmes en médecine, mais aussi et surtout comme un chef de file en pathologie et en cardiologie. En 1993, elle fut désignée comme représentant une personnalité d'intérêt historique national par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. En 1994, elle est intronisée à titre posthume au Temple de la renommée médicale canadienne, en même temps que les docteurs Osler, Penfield, Genest, Banting, Best et quelques autres.

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