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Médicaments: une lenteur néfaste pour les patients du Québec

Les multiples paliers des gouvernements fédéraux et provinciaux engendrent bien des délais pour les patients du Québec.
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Ceux qui, au Québec, ont connu les années scolaires avant 1966, avant la réforme de M. Paul Gérin-Lajoie, se rappellent qu'il était alors possible de rester au même niveau à la fin de l'année scolaire plutôt que de passer à un niveau supérieur. Par exemple, pour passer de la deuxième année à la troisième année, il fallait avoir réussi les examens de deuxième année. Ceux qui ne réussissaient pas ces tests demeuraient en deuxième année pour l'année suivante. On disait qu'ils doublaient ou qu'ils redoublaient. Doubler n'était pas très bien vu dans la société de l'époque.

Il faut croire que les temps ont bien changé puisque le dédoublement est largement à la mode de nos jours, et ce particulièrement dans nos divers paliers de gouvernements. Et c'est encore plus frappant dans le domaine du système d'évaluation et d'approbation de remboursement des nouveaux produits pharmaceutiques.

Les multiples paliers des gouvernements fédéraux et provinciaux engendrent bien des délais pour les patients du Québec.

Les nouveaux médicaments

L'arrivée d'un nouveau médicament sur le marché fait suite à un long processus de recherche et développement, mais aussi d'évaluation. D'abord, il y eut la recherche scientifique qui a mené à la fabrication du médicament. Cette étape est suivie par une série de recherches cliniques. S'en suivra une série de tests dirigés par les plus grandes agences de santé au niveau mondial. On pense entre autres à la Food and Drug Association (FDA), l'organisme américain de contrôle des médicaments et des aliments ou encore à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France.

Au Canada, la Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA), organisme du gouvernement fédéral, est responsable d'accepter ou non les nouveaux produits pharmaceutiques qui lui sont proposés. La DGPSA examine dans un premier temps la monographie remise par la compagnie qui a produit le nouveau médicament ainsi que les résultats des recherches puis autorisera s'il y a lieu des recherches cliniques au Canada. Puis l'autre étape sera d'évaluer l'innocuité du médicament. En d'autres termes, s'assurer de respecter la première règle du serment d'Hippocrate (le père de la médecine occidentale) qui stipule : Primum non nocere ou en français : premièrement, ne pas faire de mal. Il s'agit de s'assurer que le médicament ne sera pas une menace pour la santé. Puis, on examinera si les bienfaits thérapeutiques sont au rendez-vous et si les bénéfices espérés sont plus importants que les effets secondaires redoutés. Finalement, compte tenu de tous ces examens, la DGPSA pourra ou non recommander le produit à Santé Canada.

S'en suit l'intervention du Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés, un organisme fédéral, qui fixe les prix plafonds afin de s'assurer que les prix offerts ne sont pas excessifs.

Proposer l'acceptation de rembourser par l'État d'un médicament demande une réflexion plus approfondie puisque la facture sera payée par l'ensemble des contribuables. Une étape supplémentaire est donc nécessaire pour déterminer si les effets espérés de ce nouveau médicament justifient les coûts engendrés pour la population du Québec. Ce nouveau médicament trouvera-t-il de nombreux preneurs, auquel cas, les coûts pourront être amortis sur le nombre de personnes desservies ? Ce médicament sera-t-il utile pour de très petits nombres de malades, comme c'est souvent le cas dans tout ce qui est convenu d'appeler les maladies orphelines (maladies ne touchant que très peu d'individus dans une population donnée).

C'est pourquoi des organismes d'évaluation des technologies de la santé (ÉTS) détermineront ensuite le rapport coût-efficacité du médicament pour des recommandations aux ministres de la Santé des provinces. Pour ce faire, dans le reste du Canada, les provinces se sont dotées de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) et le Québec a gardé un caractère distinct en ayant sa propre agence, à savoir l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux qui effectue, pratiquement, le même travail que l'ACMTS.

Finalement, les provinces décident de rembourser ou pas le médicament et traitent de plus en plus avec les fabricants par l'entremise de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique (APP) afin de négocier des prix et des ententes d'inscription de médicaments. Le Québec a décidé de se joindre à l'APP.

Ainsi, plusieurs étapes doivent être franchies à travers des organismes fédéraux, provinciaux et interprovinciaux. Des étapes importantes et nécessaires.

Mais il est permis de se questionner sur l'efficience et la rapidité de ces processus. Est-ce que les délais pour les patients peuvent être améliorés ?

Selon un rapport d'IMS Brogan, le Canada se situerait au 18e rang de 20 pays de l'OCDE pour ce qui est du nombre de nouveaux médicaments faisant l'objet d'un remboursement public à travers le pays et au 15e pour l'attente de l'approbation et du remboursement par le régime public d'assurance-médicaments.

Pourrions-nous faire mieux ? la question se pose.

Surtout quand on sait que des patients atteints de maladies graves, comme le cancer attendent et que les mois, voire les semaines sont comptées. Quand on sait aussi que la mise en place de systèmes efficaces, rapides et innovants d'intégration des innovations dans les systèmes de santé est parmi les facteurs déterminants pour l'attraction d'investissements en recherche et développement pharmaceutiques dont des essais cliniques prometteurs et générant des bénéfices concrets auprès des patients.

Pourrions-nous innover dans la manière d'évaluer les médicaments ?

La question est d'autant plus importante et urgente quand on prend acte du nombre important de nouveaux médicaments qui arriveront sur le marché prochainement, dont des médicaments ciblés et des produits biologiques. Pourrions-nous innover dans la manière d'évaluer les médicaments ?

Comme souligné dans des articles précédents, des choix difficiles s'annoncent. D'une part, une médecine de plus en plus personnalisée permettra des percées de médicaments extrêmement efficaces, mais qui ne s'adresseront qu'à de petits groupes selon leur réponse à ces nouvelles molécules. D'autre part, souvent, toute une infrastructure permettant des tests de laboratoire sophistiqués, génétiques ou autres seront nécessaire pour cibler correctement chez qui le nouveau médicament coûteux sera efficace et chez qui, il ne le sera pas. Sommes-nous prêts à relever ces défis ?

De caractère distinct à un caractère avantageux

Lorsqu'un nouveau médicament voit le jour, ce sont les patients qui en seront les premiers bénéficiaires. Pour certains, le médicament aura pour effet de mettre enfin un terme à des douleurs qu'ils endurent depuis des décennies, pour d'autres, ce sera d'éviter une mort rapide et pouvoir bénéficier de plusieurs années supplémentaires de vie et pour d'autres enfin, ce sera la guérison pure et simple d'une maladie qui aurait pu les emporter plus ou moins rapidement. On pense ici, par exemple, à ce nouveau traitement contre l'hépatite C. Mais une chose est certaine, dans tous les cas, plus vite le nouveau médicament est disponible, mieux s'en porteront les malades qui pourraient en bénéficier.

Il faudrait donc réfléchir afin de mieux planifier tous ces tests nécessaires pour en arriver à une accessibilité plus rapide des nouveaux médicaments. On pourrait ainsi penser à coordonner les tests effectués par les diverses grandes agences d'examens des nouveaux médicaments (FDA, ANSM, DGPSA, INESSS par exemple) pour éviter de dédoubler ces analyses. Une autre voie serait qu'au lieu d'attendre les résultats d'un organisme avant de commencer ses propres recherches, celles-ci pourraient être effectuées simultanément. Par exemple, dans sa pratique actuelle, l'INESSS attend que tous les résultats de la DGPSA soient connus avant de faire son analyse de prix des nouveaux médicaments. Nous pourrions gagner un temps précieux en commençant ces analyses en même temps que la DGPSA procède aux siennes. Et ce temps, c'est celui d'un malade que le médicament puisse sauver ou améliorer la vie.

Si le Québec souhaite garder son caractère distinct avec le maintien de l'INESSS alors que les autres provinces ont leur propre agence d'évaluation des médicaments et que le Québec a adhéré à l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, pourquoi ne pas faire en sorte que ce caractère distinct confère un avantage aux patients du Québec et aux sciences de la vie du Québec ?

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