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Malade, notre système de santé? La fin du bar ouvert

C'est le 1er novembre 1970 qu'entre en vigueur au Québec la Loi de l'assurance-maladie qui donna naissance au système qu'on connait aujourd'hui.
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Au départ, un léger rappel historique s'impose.

La palme canadienne du premier régime d'assurance hospitalisation public et universel revient à la Saskatchewan qui instaura ce service dès 1947. Le reste de l'histoire pourrait se résumer ainsi: «À titre informatif, encore ici, le Québec est loin de faire figure de pionnier en la matière. En effet dès le premier juillet 1958, le gouvernement fédéral avait mis sur pied son régime d'assurance hospitalisation avec sa Loi sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques où il s'engageait à payer 50% des coûts des régimes provinciaux et territoriaux. La même année le Manitoba, Terre-Neuve, l'Alberta et la Colombie-Britannique mettent sur pied un régime d'assurance-hospitalisation selon la formule du partage des coûts avec le gouvernement fédéral. L'année suivante, soit en 1959, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard joignent les rangs. En 1960, c'est au tour du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest de se rallier. Le Québec arrive donc bon dernier dans ce processus en 1961.

Au même moment, le Canada met sur pied la commission royale d'enquête en vue de créer un système d'assurance santé. C'est la Commission Hall du nom de son président Hemmet H. Hall.» (cf. Révolutionner les soins de santé, c'est possible!, Jacques Beaulieu, Les éditions Trois-Pistoles, février 2012). Alors, pour tous ceux qui s'insurgent à la plus petite modification au système de santé comme étant une atteinte à ce fleuron du modèle québécois, il faut admettre que le modèle s'était implanté partout au Canada avant d'être accepté au Québec. C'est le 1er novembre 1970 qu'entre en vigueur au Québec la Loi de l'assurance-maladie qui donna naissance au système qu'on connait aujourd'hui.

Le début de la récréation

Par rapport avec ce qui avait existé avant l'arrivée de l'assurance-maladie, c'était le passage de l'enfer au ciel ou encore des devoirs à la récréation. Pour la population en général, les soins de santé qui étaient difficilement accessibles à cause des coûts devenaient tout à fait gratuits. Plus besoin de se casser la tête pour trouver les argents nécessaires en cas de maladie, on avait qu'à présenter sa castonguette (nom donné à la carte d'assurance-maladie à cause de son fondateur M. Claude Castonguay) et le tour était joué.

Devait-on être hospitalisé? Sans problème, c'était l'ère du tout payé. Même le stationnement de l'hôpital était gratuit... Mais, et voilà le paroxysme du bonheur, les patients étaient loin d'être les seuls à bénéficier des largesses de l'État. Tous ceux qui œuvraient dans le domaine de la santé voyaient aussi leur condition s'améliorer quasiment d'un coup de baguette magique. Les médecins n'auraient plus de compte en souffrance. Tous leurs actes seraient dorénavant payés rubis sur l'ongle par le bon gouvernement.

Il faut savoir qu'avant la RAMQ, les médecins perdaient 25% à 30% de leurs honoraires en comptes impayés. Quant aux autres employés du secteur de la santé, infirmières, infirmiers, techniciens de laboratoires, gestionnaires, etc., ils se voyaient dès lors bénéficier d'une sécurité d'emploi dont même les plus optimistes d'entre eux n'auraient jamais osé rêver avant la réforme. Et cette récréation collective s'est étirée pendant une bonne dizaine d'années avant que les gouvernements n'eussent à tirer la cloche marquant le début de la fin. En effet, entre 1970 et 1981, bien des programmes furent ajoutés au régime d'assurance-maladie. Ainsi en 1970, les examens de la vue devinrent gratuits, puis en 1974, ce furent les soins dentaires aux enfants qui bénéficièrent de la carte d'assurance-maladie. En 1975, il y eut le programme de remboursement des prothèses et en 1977, la gratuité totale des médicaments pour les personnes âgées. Les consultations chez les psychologues, les physiothérapeutes et auprès des travailleurs sociaux s'ajoutèrent en tout ou en partie au panier de l'offre gouvernementale en matière de soins de santé.

Il est trois heures, on ferme !

La plupart croient à tort que la fin de cette récréation vient tout juste de sonner avec les réformes de notre actuel ministre. En réalité, le couperet commença à tomber dès le début des années 80. En somme, après les dix premières années du régime pendant lesquelles on cherchait quel service on pourrait ajouter en matière de soins de santé gratuits, la tendance allait complètement s'inverser en cherchant dorénavant quel service pouvait être retiré sans entraîner la chute du gouvernement. C'est ainsi que dès 1982, le gouvernement décide de couper l'assurance des soins dentaires pour les jeunes de 13 à 15 ans. En 1992, les soins dentaires pour les enfants de 10 à 13 connaissent le même sort et, en passant, on impose un ticket modérateur pour les médicaments qui étaient gratuits chez les personnes âgées. Puis graduellement ce furent les examens de la vue qui prirent le chemin des oubliettes. Mais les coûts ne baissaient pas substantiellement et pour cause, la demande de services avait explosé depuis la naissance de l'assurance maladie. Ce petit tableau illustre bien le gouffre dans lequel nous nous sommes placés :

Hier et aujourd'hui

Au début des années 70, la Régie, c'est...

  • plus de 4 millions de personnes inscrites au régime d'assurance maladie
  • 10 000 professionnels de la santé rémunérés par la Régie
  • 17 millions de demandes de paiement soumises par les professionnels de la santé, dans la première année
  • 3 programmes administrés (services médicaux, services optométriques et chirurgie buccale)
  • Aujourd'hui, la Régie, c'est...
  • 7,6 millions de personnes couvertes par le régime d'assurance maladie, dont 3,3 millions sont aussi couvertes par le régime public d'assurance médicaments
  • plus de 33 000 professionnels de la santé, et quelque 2000 dispensateurs de services, rémunérés par la Régie
  • plus de 217 millions de demandes de paiement soumises annuellement par les professionnels de la santé
  • une quarantaine de programmes

(Extrait du livre Révolutionner les soins de santé, c'est possible! , Jacques Beaulieu, Les éditions Trois-Pistoles, février 2012)

Fermé, le bar ouvert

Le pire est que l'accroissement faramineux des coûts ne s'est absolument pas transformé en une augmentation de l'accès aux services. Les temps d'attente aux urgences des hôpitaux demeurent honteusement élevés, l'accès à un médecin de famille reste problématique et obtenir une simple consultation médicale le jour même où on en a besoin exige des efforts d'imagination et de patience hors du commun.

C'est pourquoi il me semble que les frissons épidermiques de la plupart des groupes de pression lorsqu'on annonce qu'il y aura des frais accessoires ou encore lorsqu'un service est désassuré sont quelque peu exagérés.

L'heure n'est plus à répondre aux frilosités de tout un chacun, mais bien de trouver des solutions qui nous permettront de sauver notre système de santé et nous permettre enfin d'avoir accès aux soins quand nous en avons besoin. Personnellement, je préfère pouvoir rencontrer un médecin, un pharmacien ou une infirmière au moment où j'en ai besoin, quitte à payer les frais pour un pansement.

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