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Les médecins versus les objectifs politiques : une lutte inutile et peut-être évitable

Les dernières années ont commencé à nous révéler un autre visage de nos bons docteurs. Le système s'enraie et dans un premier temps les médecins se sont faits les défenseurs de la veuve, de l'orphelin et... des malades.
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Mon père aurait rêvé que je devienne médecin. Il faut avouer qu'à l'époque la profession médicale était pleinement adulée dans toutes les sphères de la société. Il suffirait de consulter les archives télévisuelles d'antan pour retrouver les exploits du bon Docteur Welby et plus près de nous ceux du docteur Marchesseau dans Rue des Pignons ou du docteur Marignon dans Les belles histoires des pays d'en-haut, deux téléromans qui ont allègrement passé le cap des dix saisons. Les médecins occupaient une place sociale enviée et faisaient partie, de facto, aux notables des cantons, villes et villages du Québec. Plusieurs de ceux-ci se sont même illustrés sur la scène internationale. Nous n'avons qu'à se rappeler, Norman Bethune, Irma LeVasseur, Lucille Teasdale et j'en passe. D'autres ont occupé des postes prestigieux ici même. En réalité, il me faudrait réécrire ici ce livre que j'ai signé et qui est paru aux Éditions MultiMondes en 2014 sur ces médecins qui ont marqué le Québec.

Le vin est tiré.

De cette cuvée exceptionnelle de docteurs dévoués qui ne comptaient pas les heures, ni les patients d'ailleurs, il est né dans la population québécoise l'image que les médecins étaient des professionnels bons et serviables pour qui l'intérêt des malades passait toujours avant les leurs. La médecine était alors considérée comme une vocation. Bien sûr tout n'était pas toujours aussi idyllique, chaque époque ayant son lot de bonheur et de malheur, mais la profession médicale faisait partie, avec les religieux et les politiciens, de l'élite de notre Québec. En ce qui concerne les religieux, les abus de certains ont eu pour effet de discréditer la profession. Pour les politiciens, la confiance du public fut aussi bien malmenée depuis ces dernières années. Restent les médecins. Leurs connaissances académiques poussées et leur compétence ont su les protéger de la grogne populaire pour un temps.

Quand le vin est tiré, il faut le boire

Les dernières années ont commencé à nous révéler un autre visage de nos bons docteurs. Le système s'enraie et dans un premier temps les médecins se sont faits les défenseurs de la veuve, de l'orphelin et... des malades. Ils ont clamé d'abord un manque d'effectifs médicaux, un ancien ministre de la Santé (lui aussi médecin) ayant mis à la retraite une bonne quantité de médecins et d'infirmières. Qu'à cela ne tienne, les portes de nos universités ont été ouvertes et la formation de nouveaux médecins fit en sorte qu'au moment d'écrire ces lignes le Québec a effectué tout le rattrapage dont il avait besoin. Ainsi au Canada en 1981, le ratio était de 151 médecins pour 100 000 habitants alors qu'en 2013 il est devenu de 221 médecins pour 100 000 habitants. Au Québec ce chiffre atteint les 237 médecins pour 100 000 habitants. Puis vint la fameuse question du rattrapage salarial. Encore ici, les Québécois ont consenti à se serrer la ceinture pour que nos médecins ne demeurent pas en reste. Avec tout ceci, nous nous croyions en droit d'espérer avoir réglé les problèmes.

Et quand le vin tourne au vinaigre

Finalement, on nous a dit que la responsabilité de ce manque d'accès aux services était due à la gestion même du système. Le ministre s'y attela et mena d'un bras de fer une réforme intensive qui n'eut pas l'heur de plaire aux gestionnaires (bien entendu), aux divers syndicats et fédérations médicales (on s'en serait douté) et à plusieurs groupes d'usagers. C'est dans ce climat de brouhaha généralisé que commence la nouvelle lutte qui opposera le gouvernement aux demandes des grandes fédérations médicales. Le vin risque fort de tourner au vinaigre.

Le monde a changé

Un ami médecin me confiait tout récemment : « Les jeunes médecins ont la même ambition que les médecins plus âgés, mais ils n'ont pas la même autonomie ni les mêmes valeurs sociétaires. Les conditions familiales sont modifiées et les médecins plus âgés ont tendance à se mouler à cette nouvelle réalité. En regard de la représentativité des objectifs professionnelle des médecins, il n'y a aucun pouvoir représentatif pour défendre leurs idéaux. La FMSQ et la FMOQ ne sont présentes que pour des considérations salariales et politiques. » Il conviendrait donc de modifier les approches tant au niveau syndical que patronal.

Un gros effort au lieu d'un gros combat

Serait-ce tout à fait impensable de demander aux uns et aux autres, médecin premier ministre, médecin ministre et l'ensemble des médecins qui seront autour de cette table de négociation de regarder ailleurs. Par exemple regarder du côté des personnes présentant une déficience intellectuelle ou de l'autisme qu'on a laissé pour compte, ou encore du côté des personnes âgées qui manquent cruellement de services ou tout simplement du côté de cette mère de famille qui attend depuis plus de 12 heures à l'urgence d'un hôpital inquiète de son enfant fiévreux. Ne serait-il pas plus pertinent que chacun regarde à l'intérieur même de son groupe pour tenter de trouver des solutions pour un public qui a déjà donné et qui espère qu'enfin il recevra les soins qu'on lui a promis? Il serait aussi souhaitable de vouloir vraiment connaitre et prendre en réelle considération les nouvelles aspirations des médecins d'aujourd'hui. Au lieu de se regarder en chiens de faïence, tous ces intervenants pourraient-ils pour une fois opter pour la collaboration plutôt que les sempiternelles confrontations? J'eus le privilège d'écrire avec une médecin psychiatre qui expliquait ainsi les relations interpersonnelles. Dans un premier type de relation, le plus fort imposait au plus faible sa vision des choses et en échange, le plus fort le protégeait (le régime féodal). Dans un deuxième temps, les plus faibles se rassemblèrent en associations et créaient ainsi un rapport de force et provoquaient des négociations. La prochaine ère, prophétisait-elle, sera celle de la collaboration dans laquelle chacun s'associe aux autres dans le but de faire œuvre utile. Dans ce nouveau contexte, chacun fait en sorte de répondre aux besoins de l'autre pour que celui-ci puisse se rendre le plus utile possible.

Une telle entente aurait tellement plus d'impacts positifs auprès de la population qu'une guerre de tranchées entre l'État et ses médecins. Si cette guerre advenait, chacun y perdrait de la crédibilité ainsi que le support d'un large pan de la population.

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