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Le prix des médicaments: la facilité ne sera pas la bonne solution

Un gouvernement ne peut rester riche bien longtemps lorsque sa population ne peut plus conserver sa santé.
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Combien de fois devrons-nous répéter le message : le prix le plus bas ne fait pas toujours loi. Et lorsqu'on le force à faire loi, c'est finalement au détriment de l'ensemble de la société dans laquelle nous vivons. Pour ma part, j'en réfère à quelques-uns de mes humbles écrits antérieurs :

L'acharnement au service de la facilité

Comme abordé dans ces articles passés, il est facile de convaincre la population de l'importance de baisser le plus possible les prix des médicaments. Déjà, les mouvements anti-vaccination et la poésie véhiculée par tous celles et ceux qui s'évertuent à vendre les supposés bienfaits de vivre au naturel ont terni l'image de l'industrie pharmaceutique pour une certaine partie de la population. Avant de me voir lapidé sur la place publique, je dis tout de go que la prévention est et doit demeurer une priorité tant pour les programmes sociaux qui doivent en supporter les coûts que pour chacun des individus qui doit se sentir responsables de sa propre santé. Mais il faut penser un peu plus loin. Je doute fort que quiconque qui doit subir une chirurgie, préfère la technique du bâton entre les dents et refuse toute anesthésie sous prétexte qu'il ne veut pas de médicaments. De même, je verrais mal une société espérer le retour en force de la variole, de la poliomyélite ou de la tuberculose parce qu'on y déprécie les vaccins. Comme je l'ai abondamment crié, les médicaments contribuent non seulement à l'augmentation de la durée de la vie, mais aussi à l'amélioration de la qualité de vie.

Je doute fort que quiconque qui doit subir une chirurgie, préfère la technique du bâton entre les dents et refuse toute anesthésie sous prétexte qu'il ne veut pas de médicaments.

Mais lorsqu'un gouvernement veut faire entrer le plus d'argent possible dans ses coffres, la tentation est forte d'utiliser la voie de la facilité et de tirer le maximum de jus possible de l'industrie pharmaceutique. En agissant ainsi, les gouvernements sont certains de ne pas essuyer un tollé spontané de protestation de la part de la population (entendre les électeurs) et de récolter des millions de dollars en prime...

Le coût de la facilité

Si dans un premier temps, les gouvernements espèrent encaisser des dollars, l'effet à moyen et à long terme des nouvelles directives que le CEPMB (Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés) entend adopter risque bien de coûter passablement plus cher à notre système de santé et, pire encore, à la santé des Canadiens. En ce qui concerne les aspects strictement financiers, nous en avons déjà une bonne idée en nous rappelant ce qui s'est passé lorsque le gouvernement du Québec a effectué le virage vers le médicament générique en 2007 :

« Un autre exemple flagrant de cette mise à l'oubli des patients est l'accès aux médicaments. Dans un premier temps, le ministre de la Santé d'alors, le docteur Philippe Couillard, entreprit une course aux prix le plus bas en matière de médicaments. Ces prérogatives sonnèrent l'exode du Québec de nos grandes compagnies pharmaceutiques. Mais, ce n'était pas grave, on avait épargné quelques millions. Avec ce départ massif des grandes pharmas, ce sont tous les départements de recherches scientifiques qui ont écopé. Bien sûr, les médicaments génériques coûtaient moins chers, mais combien avons-nous perdu d'argents par cette baisse effarante de la recherche scientifique au Québec. » Un des problèmes est que nous n'avons jamais comptabilisé combien cet exode des compagnies pharmaceutiques nous a véritablement coûté.

Un premier espoir déçu

Comme souligné dans mon premier article sur cette réforme du CEPMB, il faut d'abord engager un dialogue ouvert pour tenter de trouver une solution qui satisferait le trésor public, les compagnies pharmaceutiques et, surtout, la santé des citoyens :

« Pourtant il suffirait de peu pour inverser la vapeur. La création d'une vraie table de concertation publique et transparente où siègeraient les experts du CEPMB, les acteurs des sciences de la vie ET LE PATIENT. Il est révolu le temps des silos étanches. De telles tables de négociation ont été tenues avec succès en Australie et en Angleterre lorsque ces pays ont procédé à des réformes similaires. »

Mais le premier round de discussion s'est plutôt transformé en dialogue de sourds de telle sorte que la « nouvelle » proposition du CEPMB fut grosso modo un « copier-coller » de ce que le Conseil avait annoncé au départ. Le document de consultation du gouvernement fédéral sous-estime les impacts de ses mesures auprès du secteur et des patients.

Une dernière période : une ultime occasion de ne pas sombrer dans la facilité

D'ici le 14 février 2018, une dernière période de consultation est en cours. Après, les dés seront jetés (en osant espérer qu'ils ne sont pas déjà pipés). Si le projet du CEPMB demeurait inchangé, cela se traduirait, entre autres, par une nouvelle vague de baisse des revenus disponibles en recherche médicale et en un temps encore plus long pour qu'un nouveau médicament ne devienne accessible pour nos malades. Lorsqu'on est en pleine santé, ces facteurs peuvent, à première vue, sembler anodins. Mais pour la personne atteinte d'un cancer ou de toute autre maladie grave, la non-accessibilité d'un nouveau médicament peut s'avérer fatale.

En somme lors de cette dernière période de consultation, le CEPMB doit absolument éviter le piège de la facilité et se résoudre à écouter, analyser et comprendre l'ensemble des enjeux en cours. Il ne s'agit plus de proposer une baisse des prix facile à faire accepter à la population, mais plutôt de tenir en compte tous les tenants et aboutissants de cette réforme tant sur les finances publiques que (et surtout) sur la santé de notre population. Un gouvernement ne peut rester riche bien longtemps lorsque sa population ne peut plus conserver sa santé.

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