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Du nouveau dans la maladie d’Alzheimer

Il n'est pas possible de guérir la maladie, mais une approche comme celle du Dr Groulx permet d'améliorer sensiblement la qualité de vie du patient, et ça, c'est très important.
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Les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer (MA) connaissent des états dépressifs et anxieux et sont souvent agitées tout au long de l'évolution de la maladie. Ces symptômes iront souvent en s'aggravant dans les derniers stades. Le traitement classique consistait surtout à trouver des médicaments qui régleraient les problèmes. L'efficacité de ces derniers est relativement bonne en ce qui concerne les psychoses (dépression, anxiété, délire, etc.), mais est habituellement peu élevée en ce qui concerne l'état d'agitation. Il arrive alors d'administrer beaucoup trop de médicaments et... le malade demeure agité.

Dans un livre que j'ai eu l'honneur de cosigner avec le Dr Bernard Groulx, psychiatre, celui-ci préconisait une approche pour aider les personnes (proches-aidants ou personnel soignant) qui s'occupent de ces malades à trouver des alternatives efficaces. Un exemple. Une personne atteinte de MA commence à jeter tous ses plats de nourriture par terre à l'heure des repas. On pourrait être tenté de vouloir calmer cette personne en lui donnant des médicaments, sans trop de succès. Par contre, si on lui sert un seul plat à la fois, la personne cesse ce comportement et mange calmement son plat. C'est que la vue de tous ces plats entraînait de la confusion chez la personne un peu comme un bébé devant qui on placerait une foule de plat sur le plateau de sa chaise haute; ne sachant que faire de tout ceci, il trouvera un moyen de s'en débarrasser.

Il peut aussi arriver qu'une psychose s'installe avec des idées qu'on appelle délirantes. Il est essentiel, pour savoir ce que l'on doit faire, de distinguer les idées paranoïdes (ou soupçonneuses, bizarres, saugrenues, etc.) d'une idée délirante. Pour bien identifier cette dernière, nous utilisons cet acronyme IFFE dans lequel :

Iveut dire idée : il ne s'agit pas d'une sensation, d'une impression, d'une hallucination (que nous verrons plus loin), mais d'une idée.

F veut dire fixe : Si la personne me dit que le facteur a volé ses clés de maison et me le répète constamment, jour après jour, il s'agit d'une idée fixe, d'une conviction. Essayer de la convaincre du contraire est complètement futile.

F veut dire fausse : Si la personne me dit, mon garçon me vole de l'argent, il faut bien s'assurer que ce n'est pas le cas avant de penser à une idée délirante. Peut-être est-ce vrai que son fils est un voleur.

E veut dire en dehors de sa culture. Il faut que dans la culture propre au patient et dans son milieu, l'idée soit admise comme fausse. Si j'ai un patient autochtone qui me dit qu'il prie et parle personnellement au Grand Manitou, il n'est certainement pas plus délirant que beaucoup d'autres patients qui le font avec le petit Jésus.

Il ne faut surtout pas céder à la panique et sauter à la conclusion qu'il n'y a plus rien à faire quand une personne atteinte de MA est victime d'hallucinations.

S'il y a psychose, il peut aussi se produire des hallucinations. Le terme fait peur, mais, bien compris, il devient moins paniquant. Il faut d'abord dire que les hallucinations peuvent se produire dans un cerveau tout à fait sain. Une personne qui a une forte fièvre peut halluciner. Une grande fatigue peut aussi provoquer des hallucinations. Ceux qui font du montage en cinéma ou en télévision peuvent vous en parler. Un monteur est installé devant un écran télé où passent et repassent des séquences visuelles. Après un moment, il faut savoir que ces séquences passent à un rythme régulier de 24 images secondes, s'il est fatigué, il peut arriver qu'il soit victime d'hallucinations. Un monteur m'a raconté qu'il fut saisi de frayeur lorsqu'il a clairement vu du coin de l'œil un homme traverser rapidement la pièce derrière lui. Même au courant du phénomène, cela lui a pris quelques longues secondes pour qu'il réalise qu'il était victime d'une hallucination. Finalement, il est possible de créer des hallucinations par l'usage de différentes drogues. Le LSD en est un exemple parmi bien d'autres. Donc les hallucinations ne sont pas uniquement le fait d'une maladie mentale, loin de là. Il ne faut surtout pas céder à la panique et sauter à la conclusion qu'il n'y a plus rien à faire quand une personne atteinte de MA est victime d'hallucinations.

En comprenant bien les mécanismes de dégénérescence de la maladie, il devient possible pour le personnel soignant ou pour les proches-aidants à la maison de modifier leurs attitudes et comportements face à la personne atteinte et améliorer ainsi la qualité de vie du malade et même la leur. Quand le malade n'est plus intéressé par les émissions sérieuses de télévision, il peut se mettre à regarder systématiquement des dessins animés. Si vous tentez de changer la chaîne télé, il s'agitera et pourra même devenir agressif. Si vous vous assoyez près de lui et écoutez l'émission qu'il a choisie, il sera heureux et fier. Exactement comme le ferait un enfant de 6 ans. Dans l'état actuel des connaissances, il n'est pas possible de guérir la maladie, mais une approche comme celle du Dr Groulx permet d'améliorer sensiblement la qualité de vie du patient, et ça, c'est très important.

Bernard Groulx et Jacques Beaulieu, De la tête au coeur: La maladie d'Alzheimer, Les Éditions Logiques, 2004

Avril 2018

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