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Démocratiser, dépolitiser et décentraliser : voilà les 3 clés de succès pour notre système de santé

Trois clés qui demeureront autant de vœux pieux si les patients du Québec ne prennent pas en charge leur système de santé.
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La bonne nouvelle est que l'on connaît ces trois clés depuis au moins une bonne dizaine d'années. La mauvaise est que personne n'a le courage, ni la force de les appliquer.

La démocratisation

La première solution fut à l'origine même de la conception de notre système de santé. Avant l'arrivée de l'assurance maladie, la santé était avant tout l'affaire de deux groupes bien identifiés : les médecins et, pour ce qui concerne la population francophone du Québec, les religieuses qui administraient les hôpitaux. L'un et l'autre de ces groupes offraient des services aux patients qui devaient payer de leurs poches les soins reçus. Il y avait aussi les cartes roses, émises par les municipalités, qui permettaient aux plus pauvres d'avoir accès aux médecins. Ceux-ci acceptaient ces cartes et étaient remboursés par la municipalité. Quant aux hôpitaux, il y existait les dispensaires qui donnaient des soins, eux aussi, aux plus pauvres. En gros, les soins de santé étaient pratiquement réservés aux mieux nantis de la société. Avant les années 1970, bien des gens se ruinaient littéralement pour défrayer les soins de santé et il arrivait trop souvent que lorsqu'on se décidait enfin à appeler le médecin, la maladie avait tellement évolué qu'il était déjà trop tard et que le docteur ne pouvait plus rien faire.

C'était donc pour démocratiser les soins de santé que ceux-ci sont passés des médecins et des religieuses à des administrateurs de l'état qui auront pour mission de rendre la santé accessible à tous et qui, comme administrateurs, seraient dorénavant la pensée et la vision de la population tout entière. La démocratisation des soins de santé était l'essence même qui permit l'éclosion du système de santé que nous connaissons de nos jours. Il s'agissait là de la seule réforme digne de ce nom à avoir pris place au Canada et Québec. Par la suite, plusieurs réaménagements, plutôt lexiques qu'efficaces, se sont produits environ chaque décennie. Comme autre réforme, nous nous souviendrons de Marc-Yvan Côté qui créa les CLSC. Mais les autres réformettes¸, dont celle de notre actuel ministre, ne passeront certainement pas à l'histoire. Il faut admettre que les deux plus importantes réformes furent réalisées par des hommes qui n'étaient pas du milieu médical : nous pensons bien sûr à M. Claude Castonguay qui a mis en œuvre le système de santé public et, comme souligné plus haut, à M. Marc-Yvan Côté qui en 1970 créa les CLSC et qui voulut placer le patient au cœur du système, belle initiative qui eut tôt fait d'être rangée aux oubliettes. Il faudrait donc revenir aux sources, rendre ce système vraiment démocratique non seulement dans son principe, mais surtout dans son application. À quand, un bureau des usagers qui veillerait aux grains et s'assurerait que la voix du peuple soit entendue et peut-être écoutée ?

La dépolitisation

La première fois que j'en ai entendu parler fut il y a près d'une quinzaine d'années dans un article signé par le docteur Alban Perrier dans l'Actualité médicale. Puis, le docteur Yves Lamontagne reprit le flambeau et proposa un système de santé qui serait géré sur le modèle d'Hydro-Québec et qu'il nommait Hydro Santé. Finalement, j'en faisais la promotion dans un livre que je publiais aux Éditions Trois-Pistoles en 2012 : Révolutionner les soins de santé, c'est possible. La base d'un système de santé dépolitisé serait de pouvoir établir des plans du système de santé qui auraient l'immense avantage de ne pas être liés aux dictats des campagnes électorales. Parce que, voyez-vous, la santé, on espère que ce soit pour plus longtemps qu'un mandat gouvernemental.

La décentralisation

Dans son brassage de structures, notre actuel ministre a emprunté l'idée assez répandue qu'en santé nous n'avions pas besoin d'autant de gestionnaires. Il réduisit donc le nombre de conseils d'administration de cent vingt quelque à près d'une trentaine. Ce à quoi d'ailleurs, je fus l'un des premiers à applaudir. Pour être vraiment efficace, il aurait fallu donner des pouvoirs à ces nouvelles administrations et faire en sorte de les responsabiliser tant envers les patients qui ont besoin des services qu'envers l'état qui défraie les factures. Un exemple bien simple à comprendre est une comparaison des besoins dans une grande ville comme Montréal et une région éloignée. À Montréal, la pauvreté, l'itinérance, la diversité culturelle sont autant d'éléments qui apportent des défis fort particuliers. Dans une région éloignée, le transport ambulancier, le manque de ressource médical et les distances entre les villages et les hôpitaux sont des défis bien différents, mais non moins importants. Si chacun des CISSS ou CIUSSS pouvait disposer des budgets selon ses besoins propres et non selon ce qui est dicté par le bureau central (comprendre maintenant le cabinet du ministre), ils pourraient décider de répondre des besoins spécifiques à leur région et mettraient fin à l'ère utopique du tout le monde pareil. Mais encore ici, on a manqué le train. Certes, on a réduit le nombre de conseils d'administration, mais au lieu de décentraliser les pouvoirs, on s'est servi de cette situation pour les centraliser encore plus.

On a réduit le nombre de conseils d'administration, mais au lieu de décentraliser les pouvoirs, on s'est servi de cette situation pour les centraliser encore plus.

Même si ces solutions existent, il est malheureusement bien peu de chances pour qu'elles soient enfin appliquées. Au niveau de la démocratisation, les diverses confréries de la santé (ordres professionnels, grands syndicats et autres) ont pris un contrôle dont elles n'entendent pas se départir. De plus, les autorités gouvernementales en santé ne sont pas particulièrement prêtes à entendre ce que le public veut dire. On a déjà aboli le poste de commissaires à la santé et au bien-être et si on le pouvait, je crois qu'on n'hésiterait pas à se priver de tout ce qui s'appelle regroupement de patients. Et cela n'est pas près de changer. Pour avoir personnellement contacté les quatre grands partis politiques (Parti Libéral, Coalition Avenir Québec, Québec solidaire et le Parti Québécois) et les grands syndicats de même que les divers ordres professionnels, je puis vous assurer qu'aucun n'est prêt ni à informer de façon régulière les patients du Québec ni même à les écouter et à répondre à leurs suggestions et/ou revendications. Alors, pour la démocratisation, même si d'aucuns utilisent le terme « prioriser le patient », nous nous en souviendrons comme ayant été jadis, dans un lointain passé, un vague principe menant à l'arrivée de notre système de santé, mais qui n'a aucun effet réel sur la gestion de notre système actuel.

Démocratisation, dépolitisation et décentralisation, trois clés qui demeureront autant de vœux pieux si les patients du Québec ne prennent pas en charge leur système de santé. En attendant, au lieu de ces trois D, on continuera à afficher un grand E.

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