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Il était une fois la maladie: chèvre et cataracte

Il y aurait actuellement plus de 40 millions de personnes aveugles sur terre, et la moitié le sont à cause de cataractes.
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Il y aurait actuellement plus de 40 millions de personnes aveugles sur terre, et la moitié le sont à cause de cataractes.

Origine du mot «cataracte»

Tout au long de l'histoire, la cataracte porta bien des noms. Les Grecs antiques qui ne reconnaissaient pas le rôle du cristallin dans l'apparition de la cataracte l'avait nommée : hypochime. Les Romains traduisirent cela par le mot suffusio. Finalement, les Arabes trouvaient que la couleur du cristallin ressemblait à une chute d'eau, ce que les Romains traduisirent comme goutta opacta, qui devint dans le langage courant cataracta, puis cataracte.

D'ailleurs, l'être humain n'est pas le seul à souffrir de cataractes. Plusieurs autres animaux peuvent aussi en être atteints. Ainsi, les premières interventions auraient eu lieu en Inde aussi tôt que 2 500 ans avant Jésus-Christ. Une légende romaine prétendit plus tard que les médecins s'étaient inspirés des animaux pour traiter cette maladie. On disait que lorsqu'une chèvre avait une vision défaillante, elle se précipitait dans les buissons et se perforait l'œil pour abaisser cette cataracte invalidante.

D'ailleurs, ce fut cette première technique, appelée «abaissement», qui fut d'abord utilisée et qui, étonnamment, l'est encore de nos jours dans certaines régions du globe.

Une technique bien décrite

Le médecin romain Aulus Cornelius Celsus (25 AC - 50 DC) en fournit une description très détaillée. Ainsi, on pouvait y lire que le patient devait être assis sur une chaise droite dans une pièce lumineuse. Un assistant se plaçait derrière pour lui tenir la tête, et l'opérateur se tenait devant le patient. Il était recommandé qu'il utilise la main droite pour opérer l'œil droit et la main gauche pour l'autre œil. Il introduisait alors une aiguille dans l'œil et effectuait une perforation perpendiculaire au globe. Puis il effectuait un mouvement de bascule pour provoquer l'abaissement du cristallin. Souvent, il devait répéter ce geste plusieurs fois pour que le résultat souhaité se produise.

Au Moyen Âge, surtout chez les Arabes, on utilisait aussi une aiguille creuse pour aspirer les restes du cristallin. En Europe, les abaisseurs étaient surtout des barbiers itinérants, les médecins ne jugeant pas cette opération assez digne pour leur art. Ce n'est que sous Louis XV (XVIIème siècle) que La Martinière, premier chirurgien du roi, a été chargé par ce dernier d'édicter des règles précises de formation des chirurgiens et les séparer enfin des barbiers-perruquiers.

La méthode de l'abaissement

La méthode de l'abaissement est aussi rudimentaire qu'efficace. Lorsqu'elle est bien exécutée, les patients perçoivent d'abord une bonne amélioration de leur vision. Mais deux complications majeures sont alors à prévoir. La première est, bien sûr, l'infection. La stérilisation étant inconnue jusqu'à tout récemment, les instruments utilisés et le manipulateur provoquaient des contaminations. Même de nos jours, dans les régions reculées où l'abaissement est encore pratiqué, ceux qui exercent le métier d'abaisseurs sont souvent peu conscients des vertus de l'asepsie, et les infections qui surviennent conduisent le plus souvent à la cécité.

L'autre complication est tout aussi fréquente et sévère. Souvent, l'abaisseur commettra l'erreur de rompre la capsule de l'œil, ce qui provoquera l'échappement de protéines du cristallin dans le vitré. Il s'ensuivra généralement une sévère inflammation de l'œil, une uvéite et un glaucome. Le temps que le tout se résorbe et que la tension intraoculaire revienne à la normale, l'œil est devenu pratiquement aveugle.

Les abaisseurs

Comme souligné, ceux qui exercent encore ce métier se retrouvent le plus souvent dans les pays chauds. Ils sont généralement fort peu instruits et n'ont peu ou pas de compréhension des bases médicales. Ils se déplacent de village en village pour offrir leurs services à tous ceux qui souffrent de cataractes. Comme ils sont nomades, il est difficile de les repérer et carrément impossible d'évaluer leur performance.

Une estimation empirique nous montre que même dans les cas plutôt rares où l'opération s'est déroulée sans problèmes et sans infection, tout au plus 50 % d'amélioration visuelle pourrait être observée. Mais dans la majorité des cas, les résultats sont pires que si aucune intervention n'avait été tentée.

Serait-il possible de mieux encadrer et former les abaisseurs pour qu'ils puissent être plus efficaces et rendre de meilleurs services? La réponse est complexe car, d'une part, ces opérateurs ne reconnaissent pas la nécessité d'une formation théorique ou même pratique, et d'autre part, la technique même de l'abaissement n'a pas fait l'objet d'études scientifiques sérieuses.

Par ailleurs, dans certaines régions, les abaisseurs demeurent la seule ressource accessible pour ceux qui souffrent de cataracte.

Si l'abaissement était alors connu comme technique pour améliorer la vision, on n'en savait que très peu sur la physiologie de la vision. L'idée la plus répandue était que le cristallin était le siège de la vision. Il faudra attendre qu'un célèbre astronome, Johannes Keppler, très intéressé par les lentilles, les chambres noires et les miroirs, pour comprendre que la vision s'effectuait dans la rétine et que le cristallin ne faisait que focaliser les rayons lumineux sur celle-ci. Il émit aussi l'hypothèse que la cataracte n'était pas une membrane qui se développait sur le cristallin mais bien une opacification de celui-ci. Il publia ses idées dès 1610, mais il faudra attendre un siècle avant qu'elles ne soient reprises.

Ainsi, en 1705, le Dr Pierre Brisseau décrit les résultats de ses autopsies, dans lesquelles il démontre que la cataracte est vraiment une opacification du cristallin, ce que confirme Antoine Maître-Jean par ses expériences effectuées sur des animaux dès 1907.

Le véritable pionnier fut un chirurgien français né en 1693. Durant sa carrière, il aurait opéré pas moins de 206 cataractes, dont 182 avec succès. Mais on ignore qu'elle fut l'acuité visuelle de ces succès. Le docteur Jacques Daviel mit au point la technique de l'extraction de la cataracte. Non seulement il réussissait à abaisser la cataracte, mais il l'extrayait complètement, ce qui provoqua une scission entre les tenants de l'abaissement et ceux de l'extraction. Il faut noter que la technique de l'abaissement survécut en France jusqu'au milieu du XIXème siècle.

Plusieurs autres améliorations à la technique de l'extraction du Dr Daviel virent successivement le jour. Le champion incontesté de l'extraction complète du cristallin fut le Dr Georg Joseph Beer (1763-1821). Ainsi Friedrich Jaeger, qui œuvra longtemps comme assistant du Dr Beer, proposa une incision de la cornée supérieure permettant à la paupière de maintenir en place le volet cornéen. Plus tard, au milieu des années 1800, Albert Mooren suggéra une iridectomie et Albert Von Graefe, élève brillant de Jaeger, proposa une incision linéaire périphérique, technique qui fut adoptée par tous les ophtalmologistes. Deux techniques d'anesthésie allait simplifier grandement le travail des ophtalmologistes : Carl Koler inventa l'anesthésie locale par cocaïne, et Anton Elschnig arriva en 1865 avec l'injection rétrobulbaire d'anesthésiant.

L'ère moderne

Au milieu des années 1950, le docteur Joaquin Barraquer, dont le père et le grand-père avaient été ophtalmologistes, met au point un microscope pour pouvoir effectuer plus efficacement les chirurgies oculaires.

En 1962, Charles Kelman a développé la technique de la phako-émulsification, qui permet de fragmenter le cristallin tout en ne réalisant qu'une très petite incision (quelques millimètres). Dès la fin des années 1940, les premiers essais pour implanter des cristallins artificiels furent tentés par Harold Ridley en Angleterre, mais il faudra attendre 1972 pour que Cornelius Binkhorst modifie ces lentilles, qui deviennent dès lors à la hauteur des attentes.

En Californie en 1989, le premier laser chirurgical en ophtalmologie fut mis au point. Depuis, d'autres types de laser ont vu le jour, permettant des chirurgies de la cataracte sans douleur et extrêmement performantes.

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